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2. Psychopathologie de l’enfant, de l’adolescent et de sa famille, confrontés au cancer

2.1. Représentations de la maladie et de la mort en fonction du stade de développement

2.1.1. Stades de développement cognitif selon Piaget (147) Piaget décrit quatre stades de développement cognitif de l’enfant :

• Le stade de l’intelligence sensori-motrice (0 à 2 ans) : à partir de réflexes simples et d'habitudes acquises, le stade sensorimoteur aboutit à la construction de conduites

de plus en plus structurées et complexes. Ce stade est caractérisé par la construction

du schème (forme de connaissance qui assimile les données du réel et qui est susceptible de se modifier par l'accommodation à cette réalité), de l'objet permanent et la construction de l'espace proche (lié aux espaces corporels).

• Le stade préopératoire (2 à 6 ans) : cette période marque l’accession progressive à l’intelligence représentative ; chaque objet est représenté, c’est-à-dire qu’il correspond à une image mentale permettant d’évoquer cet objet en son absence. L’enfant est amené à développer sa fonction symbolique (le langage, l’imitation différée, l’image mentale, le dessin, le jeu symbolique. Il n’est pas encore capable de se décentrer de

son propre point de vue et ne peut pas mettre ses perceptions successives en relation

réciproque, la pensée n’est pas encore réversible, d’où le terme de préopérativité.

• Le stade des opérations concrètes (7 à 11 ans) : cette période marque un grand progrès dans la socialisation et l’objectivation de la pensée. L’enfant devient capable de

décentration, il n’est plus limité à son seul point de vue, il peut coordonner plusieurs

points de vue et en tirer des conséquences. A partir de manipulations concrètes, l’enfant peut saisir à la fois les transformations et les invariants. Il accède à la notion de réversibilité et met en place les premiers groupements opératoires (sériation, classification). Se mettent en place les notions de conservation de substances, puis des conservations spatiales et numériques. Dans le champ social, l’enfant prend conscience de sa propre pensée, de celle des autres ce qui contribue à l’enrichissement des échanges sociaux.

• La stade des opérations formelles (à partir de 11-12 ans) : Les nouvelles capacités de ce stade, comme celles de faire des raisonnements hypothético-déductifs et d’établir des relations abstraites, sont généralement maîtrisées autour de l’âge de 15 ans. À la fin de ce stade, l’adolescent peut donc, comme l’adulte, utiliser une logique formelle

et abstraite. Il peut aussi se mettre à réfléchir sur des probabilités et sur des questions

morales.

2.1.2. Représentations de la maladie chez l’enfant et l’adolescent

Dans les années 60 et 70, les études traitant des réactions face au cancer concernaient essentiellement les parents des enfants malades puisque ces derniers étaient en général tenus à distance du diagnostic et du pronostic de leur maladie. Il n’est pas un hasard que la communication des informations aux enfants et adolescents malades se soit améliorée dans le même temps que les taux de survie des cancers pédiatriques ont commencé à s’accroître. Des études ont montré que les enfants n’étaient pas dupes devant les réactions d’évitement ou de

fausse réassurance de leurs médecins ou de leurs parents et qu’ils en savaient bien plus sur leur maladie et son pronostic que ce qu’il leur était dit (168). Ainsi, la communication des informations médicales aux enfants par les oncologues et par les parents a été encouragée depuis.

Il parait cependant nécessaire pour annoncer un diagnostic de cancer à un jeune patient, de connaître les représentations qu’il a de la maladie, selon son âge au moment du diagnostic. Ainsi, Bibace et Walsh (15) ont étudié les différentes conceptions de la maladie chez l’enfant en fonction des stades proposés par Piaget. Ils ont questionné des enfants sur diverses maladies et ont analysé la structure de leurs réponses.

Ainsi, durant la période préopératoire, les réponses données sont d’ordre phénoménologique et se concentrent sur les conséquences de la maladie sur leur vie, ou de l’ordre de la contagion. La pensée magique reste très présente.

Durant la période des opérations concrètes, les réponses sont plus cohérentes et évoquent des idées de contamination ou d’internalisation (lien entre un agent pathogène provenant de l’extérieur et agissant à l’intérieur du corps).

Enfin, lors de la période adolescente, les explications données sont proches de celles de l’adulte, d’ordre physiologique (« Mes poumons sont plein de glaires et ne font plus leur travail ») ou psycho-physiologique (« J’ai attrapé une bronchite, j’étais fatigué et plus fragile en ce moment »).

2.1.3. Représentations de la mort chez l’enfant (58,150)

Avant 2 ans, il n’y a pas de représentation consciente objectivable de la mort. G. Raimbault déclare : « L’enfant qui ne parle pas ne connait pas la mort, il connait l’absence ».

La seconde phase répond à une perception mythique de la mort, elle est appréhendée comme l’envers du réel. Elle est perçue comme provisoire, temporaire, réversible. Cette étape se prolongerait jusqu’à 4-6 ans. La vie et la mort ne s’opposent pas, ces deux états sont différents mais ni menaçants, ni opposés, chacun étant réversible.

L’évolution se fait ensuite vers une phase concrète qui se prolonge jusqu’à 9 ans environ. C’est la phase du réalisme infantile, de la personnification. Elle correspond d’ailleurs à la

maitrise de la permanence de l’objet et se traduit par des représentations concrètes (cadavre, squelette…). Progressivement, chacun des signifiants vivant-mort va s’enrichir de connotations diverses : est vivant ce qui se déplace, ce qui est capable d’accomplir certaines fonctions ; au contraire la mort se connote progressivement des notions d’insensibilité, d’immobilité. Elle s’intègre à des rituels sociaux (cercueil, enterrement). Durant cette période d’autres modifications de la notion de mort vont intervenir : le passage d’une référence individuelle à une référence universelle de la mort ; le passage du caractère réversible et temporaire au caractère définitif et irréversible de la mort ; enfin la modification du sens moral attaché à la mort, d’une mort envisagée comme punition ou vengeance, elle devient un processus naturel, lié au vieillissement.

Par la suite, l’enfant entre dans une 4ème phase à nouveau abstraite, entre 9 et 11 ans, celle de l’angoisse existentielle qui suppose l’accès à la symbolisation de la mort et à la maitrise de ce concept, mais aussi la crainte de la perte réelle et de l’issue de son propre destin. Il prend conscience que la mort peut toucher des êtres jeunes.

L’adolescent, quant à lui, est capable de raisonnements identiques à ceux de l’adulte sur la notion de mort, et commence à réfléchir à ses corollaires philosophiques, métaphysiques, religieux…

2.2. Aspects psychologiques du cancer chez l’enfant et l’adolescent