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3. La guérison du cancer chez l’enfant et l’adolescent, réalité ou fantasme ?

3.3. Les différents aspects de la guérison des cancers de l’enfant et de l’adolescent

3.3.1. Les aspects somatiques de la guérison des cancers de l’enfant et de

Nous retiendrons comme critères de guérison somatique ceux proposés par Zucker (198) en 2002 :

• Disparition de toute maladie perceptible par tous les moyens d’investigation utilisables ;

• Maintien de cet état durant toute la période au cours de laquelle on peut voir survenir des rechutes dans le type de cancer considéré ;

• Atteinte de la zone de la courbe de survie sans récidive qui devient une horizontale, un plateau, signifiant qu’on est à une distance telle de la fin des traitements que le suivi d’une cohorte de patients identiques n’indique pas de rechute du cancer en question au-delà de ce délai jugé donc comme celui de la guérison.

Plus simplement, un enfant atteint de cancer est considéré comme « guéri » lorsque son espérance de vie est identique à celle d’une population comparable, indemne de la même pathologie (167). Le délai nécessaire est en moyenne de 5 ans après le diagnostic ou de 3 ans

après l’arrêt du traitement, mais ces chiffres sont variables suivant le type de cancer.

Cette définition de la « guérison » somatique est à relativiser car elle ne tient pas compte du taux accru de mortalité tardive, et du risque de survenue de séquelles physiques et psychosociales qui peuvent chez certains patients altérer la qualité de vie. Ainsi, la plupart

des études impliquant des malades guéris au long cours utilisent le terme de « survivants à long terme » (« long-term survivors »).

3.3.1.2. Prévalence des survivants à long terme

Comme nous l’avons vu précédemment, la survie globale des enfants et des adolescents atteints de cancer s’est considérablement améliorée depuis les années 60 pour atteindre aujourd’hui environ 75% de survie à 5 ans. Ainsi la population des enfants « survivants » d’un cancer est en pleine croissance. Actuellement en France, 1 personne sur 850 âgée de 20 à

3.3.1.3. Mortalité tardive

Deux études successives de 2001 (121) et 2009 (8), portant sur une cohorte de plus de 20.000 patients survivants au-delà de 5 ans après un diagnostic de cancer porté avant 21 ans, entre 1970 et 1986, ont été menées aux Etats-Unis et au Canada (Childhood Cancer Survivor Study, CCSS). La première de ces deux études met en évidence qu’il existe presque 11 fois plus

de risque de décès dans la population des patients survivants de l’ensemble des cancers que dans la population générale, à 25 ans du diagnostic, en particulier pour les survivants des leucémies (15,5 fois plus de risque) et des tumeurs cérébrales (15,7 fois plus de risque) alors que cet excès de mortalité est plus faible pour les LNH (5,1). Ce

surcroit de mortalité est dû essentiellement à la récidive du cancer initial (67,4% des décès), puis à un second cancer (12,7% des décès), à des complication cardiaques liées au traitement (4,5% des décès) ou pulmonaires (2% des décès). Ces données ont été actualisées en 2009 et cette étude met en évidence qu’il existe 8,4 fois plus de risque de décès chez les adultes

survivants de l’ensemble des cancers que dans la population générale, 30 ans après le diagnostic initial du cancer. Concernant les leucémies, l’excès de mortalité est de 10 (11,5 pour les LAM et 9,5 pour les LAL), celui des lymphomes non hodgkiniens est de 4,4. Ce surcroit de mortalité est dû à la récidive du 1er cancer dans 58 % des décès, à un second cancer dans 18,5% des décès, aux complications cardiaques des traitements dans 7% des décès et des complications pulmonaires dans 2,6% des décès.

La proportion de décès provoqués par un second cancer ou par les complications médicales liées aux traitements est donc en augmentation entre 2001 et 2009. Ces résultats mettent en exergue la nécessité d’un suivi à long terme afin de prévenir et dépister les différentes complications liées aux traitements, du second cancer aux complications cardiaques et pulmonaires, qui sont des causes de décès tardifs de plus en plus importantes à distance du diagnostic initial.

3.3.1.4. Les séquelles physiques tardives liées aux traitements du cancer

Nous restreindrons ici notre propos aux conséquences à long terme des traitements des leucémies: risque de second cancer, cardiotoxicité, atteinte pulmonaire, troubles endocriniens et métaboliques, troubles neurocognitifs.

• Risque de second cancer

Meadows et al. (120) ont retrouvé, 30 ans après le diagnostic initial, une incidence cumulée de second cancer (cancer du sein, de la thyroïde, du SNC, des tissus mous, des os, leucémies, lymphomes, tumeurs digestives, mélanomes) de 9,3% pour l’ensemble des survivants inclus dans leur cohorte, et une incidence cumulée de 6,9% de tumeurs cutanées autres que le mélanome.

Parmi les 4829 survivants de leucémies, 152 ont développé un second cancer, soit une

incidence cumulée de 3,1%, et 138 ont développé une tumeur cutanée autre que le

mélanome, soit une incidence cumulée de 2,8%. Parmi ces seconds cancers, les plus représentés sont les tumeurs du SNC (hors méningiomes) (30%), les cancers de la

thyroïde (15%), les cancers du sein (10%), les mélanomes (7,2%) et les lymphomes et les leucémies (environ 6% chacun). Le risque de développer un second cancer, bien que

largement supérieur à celui de la population générale, reste malgré tout relativement faible, notamment pour les patients n’ayant pas été traités par radiothérapie. Les seconds cancers solides se développent en particulier chez les patients traités par radiothérapie tandis que le risque de leucémie aiguë myéloïde ou de syndrome myélodysplasique existe chez les patients traités par certaines molécules de chimiothérapie (anthracyclines et inhibiteurs de la topoisomérase II). Ces hémopathies secondaires surviendraient le plus souvent à court terme après la fin des traitements.

• Les autres séquelles à long terme (130,154)

Tableau II – Complications tardives communes après traitement conventionnel d’une leucémie aiguë de l’enfant ou de l’adolescent (130,154)

Complications tardives Traitements en

cause Facteurs de risque supplémentaires

Séquelles neurologiques

-­‐ Risque d’accident vasculaire cérébral -­‐ Neuropathie périphérique Traitement L-asparaginase Traitement par alcaloïdes de pervenche Irradiation cérébrale

Déficits neurocognitifs Irradiation

encéphalique, chimiothérapie intrathécale par méthotrexate

Sexe féminin,

jeune âge lors du traitement

Hypothyroïdie Irradiation Sexe féminin,

âge au traitement Ostéopénie/ostéoporose Corticostéroïdes, irradiation, méthotrexate Hypothyroïdie, hypogonadisme, déficit en hormone de croissance associés

Nécrose avasculaire de la tête fémorale Corticostéroïdes Adolescence

Hypogonadisme Agents alkylants,

irradiation céphalique, abdominopelvienne ou gonadique Sexe masculin, forte dose cumulée d’alkylants, traitement en période péripubertaire ou postpubertaire chez la fille

Puberté précoce Irradiation

céphalique

Sexe féminin, jeune âge lors du traitement, intensité de l’irradiation