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Troubles de la communication verbale et non-verbale des patients présentant des lésions

Chapitre 2 : Le handicap communicationnel de la personne cérébrolésée

3. Le handicap communicationnel chez l’AVC

3.1. Troubles de la communication verbale et non-verbale des patients présentant des lésions

3.1.1. Troubles du langage

3.1.1.1. Des difficultés de compréhension orale

Répertoriées par Nespoulous (2005), elles peuvent être de différentes natures :

- des perturbations du décodage phonémique : la surdité verbale (« word deafness ») aurait été décrite pout la première fois par Bastian dès 1869. Sa définition canonique en ferait une perturbation spécifique de la reconnaissance des stimuli verbaux (phonèmes).

- des perturbations du décodage lexical : en désignation d’images, la compréhension de mots isolés dépend :

o de leur fréquence dans le lexique (Schuell et al., 1961),

o de leur catégorie grammaticale : certains aphasiques ont plus de difficultés à comprendre les verbes que les noms (Bastiannse, 1991 ; Jonkers, 1998), certains types de verbes semblent particulièrement difficiles à traiter : les verbes de mouvement (Jones, 1984), les verbes à arguments multiples (Breedin et al. 1996),

o et de leur catégorie sémantique : Goodglass et al. (1966) identifient des catégories dont la compréhension est plus perturbée que les autres : la compréhension des noms d’objets est plus aisée que celle des noms d’actions, des noms de couleur, des noms de nombres et de lettres.

Ces perturbations donnent lieu, selon Mazaux et al. (2007) à des troubles d’accès et/ou atteinte des représentations sémantiques : les ordres simples sont bien exécutés, mais des troubles apparaissent dans l’exécution d’ordres complexes, la compréhension d’histoires longues et/ou logiques, la perturbation d’épreuves explorant le niveau sémantique verbal : classement catégoriel de mots entendus, identification de synonymes ou antonymes, recherche d’intrus, attributs de propriétés, de caractéristiques morphologiques ou d’usage de mots entendus.

- des troubles de la compréhension syntaxique : Goodglass (1973) trouve la même difficulté de traitement chez tous les patients lésés (qu’ils soient des aphasiques de Broca ou de Wernicke). Dans leur article, Mazaux et al. (2007) ajoutent que la compréhension syntaxique est plus vulnérable que la compréhension lexicale avec des difficultés pour comprendre les verbes par rapport aux substantifs, les articles, les flexions, les propositions spatiales ; des difficultés pour comprendre les phrases syntaxiquement ambigües, par exemple lorsque l’ordre habituel sujet-verbe- complément, qui permet un traitement linéaire, n’est pas respecté.

- des perturbations de la compréhension discursive : dans le contexte de la présence de dysfonctionnements au niveau lexical et/ou phrastique, on pourra considérer le plus souvent ces éléments comme étant à l’origine des difficultés de compréhension discursive des patients (Caplan et Evans, 1990). D’un autre côté, Stachowiak et al. (1977), Brookshire et Nicholas (1984), Wegner et al. (1984) et Hubert et Gleber (1982) ne mettent en évidence aucune corrélation entre l’existence de problèmes de compréhension au niveau lexical et syntaxique et l’existence d’éventuels problèmes dans le traitement d’informations de niveau typiquement discursif. Au contraire, ils mettent en évidence l’intégrité des capacités d’appréhension du contenu synthétique, voire de la « morale » d’une histoire, des capacités de différenciation entre discours cohérent et discours incohérent, des capacités de compréhension des idées principales contenues dans un discours continu, l’accès à des scripts (Armus et al., 1989), et des

capacités de reconstitution de la chronologie des évènements à partir d’un matériel verbal et iconographique.

3.1.1.2. Des difficultés de production orale Mazaux et al. (2007) répertorient les difficultés suivantes :

- Anomalies du débit verbal : dans les aphasies non fluentes, ou réductions, il existe une atteinte simultanée, en proportion variable, des éléments de la chaîne de production verbale. Les latences de parole sont allongées, les hésitations et les pauses sont nombreuses. On désigne par le terme de suppression le stade ultime de la réduction, le patient étant mutique. Les aphasies fluentes sont caractérisées par une quantité d’émissions sonores normale, voire augmentée. Le patient éprouve des difficultés à se taire, à finir son émission sans en enchaîner une autre aussitôt. Dans les formes sévères, il devient intarissable, ne respecte pas les tours de parole de l’interlocuteur, on parle de logorrhée.

- Troubles sémantiques et de production lexicale : des troubles des représentations verbales sémantiques, de leur activation et/ou de leurs relations avec les formes phonologiques correspondantes peuvent s’observer en expression spontanée, en dénomination, dans les épreuves de fluence catégorielle et de complétion de phrases. Le manque du mot et les paraphasies sémantiques représentent les troubles les plus évocateurs de cette perturbation. On observe des commentaires, des périphrases ou des circonlocutions visant à compenser le manque du mot.

- Troubles de la production phonologique : ils concernent l’encodage, la sélection et/ou la combinaison des phonèmes. Dans les formes les plus sévères, le patient ne peut accéder qu’à un répertoire très limité de formes, voire à une seule, on parle alors de stéréotypie. Dans une forme un peu moins sévère, le patient produit des persévérations : privé d’input et de programme nouveau à effectuer, le système produit à nouveau les formes phonologiques déjà activées (Cohen et Dehaene, 1998).

- Perturbations phonétiques de la production : perturbations du passage des représentations abstraites phonologiques à des patterns d’activation motrice des organes phonatoires (Davis et al., 2002). Interprétés comme une atteinte de la troisième articulation neuro-linguistique du langage, ces déficits articulatoires, ou troubles arthriques, portent sur la réalisation des traits phonétiques constituant les phonèmes (Lecours et Lhermitte, 1979). Ils donnent à l’expression orale de l’aphasique un aspect de lenteur et d’effort particulier. Les sons paraissent flous, mal timbrés, avec parfois un pseudo-accent étranger. Les substitutions portent sur des traits phonétiques déterminés, par exemple le voisement et se font dans le sens d’une simplification (Nespoulous et al., 1987).

- Des troubles syntaxiques : on observe chez certains patients un agrammatisme qui se caractérise par l’omission des morphèmes grammaticaux libres ou liés (déterminants, prépositions, conjonctions, flexions, conjugaisons, parfois omission du verbe lui- même (Pillon et Nespoulous, 1994). Chez d’autres patients, on observe une dyssyntaxie qui serait la conséquence de sélections erronées de morphèmes syntaxiques libres ou liés et/ou de déplacements lexicaux, sans perte du schéma de la phrase, substitution par exemple d’un nom par un adverbe, erreurs de genre, de nombre, de prépositions, temps des verbes. De nombreux patients présentent des erreurs appartenant aux deux tableaux.

3.1.2. Troubles de la communication verbale

Rousseaux et al. (2010), observent des difficultés dans la communication verbale chez les cérébrolésés gauches qui comprennent des difficultés verbales d’ordre pragmatique (introduire de nouveaux thèmes, donner de nouvelles informations, organiser le discours de façon logique, savoir s’adapter aux connaissances de son interlocuteur),

Dans la littérature, on décrit également chez ces patients une diminution de la qualité et de la variété des actes de parole, perturbation de leur compréhension, difficultés pour gérer les feed-back verbaux, inadaptation au savoir de l’interlocuteur, difficultés pour accéder à l’implicite et à l’humour.

3.1.3. Troubles de la communication non verbale

La communication non verbale reste globalement préservée. Selon Cortiana et Beneche (2007), on remarque au niveau des composantes non verbales :

- le respect de la fonction expressive (regard, geste, mimiques),

- une légère inadaptation de la prosodie.

Et au niveau des composantes pragmatiques :

- une perturbation de la gestion des tours de parole,

- une altération de la considération des feed-back non verbaux.

Les répercussions des troubles sur les échanges quotidiens peuvent être importantes. De plus, l’attention et la motivation à la communication sont légèrement déficitaires mais l’investissement dans les échanges reste de bonne qualité.

Rousseaux et al. (2010), à partir d’une étude basée sur le Test Lillois de Communication, n’observent pas chez ces patients de difficulté de communication non verbale : ils observent au contraire une préservation de l’expression de l’affectivité, un meilleur niveau de production de gestes que les autres groupes (le groupe contrôle y compris), des capacités de gestion des feedbacks et de bonnes compétences pragmatiques.

3.2. Troubles de la communication verbale et non-verbale chez des patients