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Chapitre 3 : Communication et Qualité de vie

1. Définition de la qualité de vie

Le concept de qualité de vie est apparu aux Etats-Unis dans les années 1970, il peut paraître simple tant il est intuitif et banalisé. Cependant, une définition explicite et consensuelle est indispensable.

En 1994, L’Organisation Mondiale de la Santé a proposé la définition suivante : « perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et de système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s’agit d’un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement ».

Pour de nombreux auteurs, la qualité de vie apparaît comme « ce qui permet de quantifier les répercussions de la maladie sur la vie » ; « l’ensemble des satisfactions et des insatisfactions éprouvées par un sujet à propos de sa vie » ou bien encore « ce qui reflète l’impact des maladies, des traitements et des décisions de santé sur la vie quotidienne, en essayant d’approcher le point de vue du patient ».

La notion de qualité de vie, de bien-être selon Joseph et al. (1993) est un concept difficile à délimiter, individuel, de plus variable avec le temps. Elle recouvre différentes composantes :

- physique, autonomie locomotrice mais aussi intellectuelle, confort matériel,

- psychologique, épanouissement affectif et subjectif, satisfaction des objectifs individuels,

1.1. Evaluation de la qualité de vie

Selon Mailhan (2005), la prise en compte de la mesure de qualité de vie est indispensable. L’évaluer, c’est recentrer la discussion sur le patient lui-même, souvent « oublié » en raison des séquelles cognitives majeures et du rôle substitutif de l’entourage qui le prend en charge à la sortie du secteur hospitalier.

Selon Rode et al. (2005), le contexte, l’environnement, jouent un rôle déterminant dans la nature et la sévérité des incapacités secondaires à un déficit cognitif. Cela l'a conduit à proposer une évaluation en situation réelle ou écologique pour tenter de se rapprocher le plus possible des conditions réelles de difficultés rencontrées par le patient.

Trois approches différentes intégrant le contexte environnemental dans l’évaluation écologique ont été ainsi préconisées en évaluation : celles où l’environnement est introduit en laboratoire, celles où le laboratoire est porté dans l’environnement et celles combinant les deux approches. Par exemple, dans certaines épreuves, on tente de mesurer les capacités de la personne en simulant une situation de la vie de tous les jours comme composer un numéro de téléphone ou suivre une route sur une carte. D’autres épreuves reposent sur le recueil de données plus qualitatives fondées sur l’appréciation par le patient lui-même de l’importance de ses difficultés. Par exemple, l’évaluation par des patients cérébrolésés de leur niveau de gêne avec une échelle analogique visuelle représente une méthode d’évaluation simple et reproductible, de plus, des études peuvent éventuellement montrer que la gêne du patient est corrélée aux scores de déficiences. Cette évaluation peut être également réalisée à l’aide de questionnaire d’auto-évaluation. Ces questionnaires tentent de limiter le caractère artificiel de l’évaluation de situations de vie courante en laboratoire, qui tiennent peu compte de la motivation du patient et des aspects émotionnels.

Dès lors, l’auto-évaluation par questionnaire est une démarche importante : elle permet de connaître le trouble qui gêne le patient, même plusieurs années après l’accident, celui qui crée un handicap, afin de lui proposer une prise en charge adaptée, la plus écologique possible (tenant compte de la plainte actuelle du patient, de ses attentes, des ses difficultés, séquelles de l’accident, et de son évolution). L’évaluation de la participation à la communication tient une place importante dans l’évaluation de la qualité de vie du patient. D’après Watzlawick et

Finalement, l’évaluation d’une personne présentant un souci de santé amène à redéfinir clairement les actions de tous les professionnels de santé en relation avec cette personne. L’action d’intégration et de qualité de vie devient la priorité et l’aboutissement de la prise en charge des personnes touchées. Nous avons bien spécifié que l’objectif de la CIF est d’obtenir la pleine participation sociale des personnes handicapées. A notre niveau, en orthophonie, nous chercherons donc à obtenir la pleine participation de l’individu à la communication dans un objectif à long terme de maintien de liens sociaux et de réintégration.

1.2. Participation à la communication et répercussion sur la vie socio- professionnelle

Qu’elle soit la séquelle d’un accident vasculaire cérébral ou d’un traumatisme crânien, l’aphasie altère les capacités de communication du cérébrolésé : ce handicap en situation de communication va retentir sur la qualité de vie du sujet.

Les études concernant les conséquences des troubles de la communication sur la qualité de vie dans la littérature sont encore peu nombreuses, la plupart évoquent surtout le devenir et la qualité de vie des cérébrolésés à distance de leur accident en référence à l’ensemble des troubles cognitifs et physiques qu’ils rencontrent. Nous avons recueilli les résultats suivants.

Joseph et al. (1993) se sont intéressés à l’Index de Réintégration à la Vie Normale et ont conclu qu’aucun des 20 blessés traumatisés crâniens examinés n’avait de troubles phasiques sévères sans signifier pour autant l’absence de trouble de la communication orale. Les éléments considérés les plus déficitaires par les blessés sont ceux qui traduisent les aspects relationnels : investissement occupationnel, vie de loisirs, relations sociales ou amicales.

En 2002, Kozlowski et al. ont montré qu’à 3 ans de l’accident, les patients traumatisés crâniens avaient une altération franche de leur qualité de vie étroitement associée aux altérations de la vie relationnelle et à des difficultés d’acceptation du handicap. Leur étude montre que la dépendance dans les activités élaborées de la vie influence beaucoup la qualité de vie subjective. Les possibilités de déplacement à l’extérieur, de gestion des courses, des finances et des démarches administratives participent de façon majeure à une réinsertion sociale correcte et sont des facteurs essentiels de la qualité de vie.

Concernant la situation professionnelle des patients, celle-ci est souvent modifiée du fait des troubles de la communication. Pélissier et al. (1993) ont montré que les troubles du langage sont un obstacle à la réinsertion professionnelle : sur 15 adultes de leur étude en âge de travailler, un seulement travaille. Joseph et al. (1993) ont constaté que l’activité professionnelle se répartit entre travail en milieu ordinaire (30%), travail en milieu protégé (30%), absence d’activité (40%). Ils n’ont cependant pas pu constater de lien entre les déficiences et l’activité professionnelle. Kozlowski et al. (2002) ont mis en évidence une situation professionnelle souvent modifiée avec pour plus de la moitié des patients une non reprise de l’activité exercée avant l’accident (certains en étant incapables, d’autres en attente de réorientation COTOREP et d’autres pris en charge en milieu hospitalier ou psychiatrique). Selon Black-Schaffer et al. (1990), la persistance de troubles phasiques est un obstacle significatif à la reprise d’un emploi.

En 2007, Boisguérin a montré que les troubles de la communication ont un retentissement sur l’indépendance du patient, sur ses capacités intellectuelles et sur l’image qu’il a de lui-même et de son avenir.

En 2005, Mailhan a proposé des variables explicatives de la satisfaction des patients traumatisés crâniens sévères. On retrouve parmi celles-ci certains troubles communicationnels et comportementaux venant altérer la qualité de vie. En effet, les facteurs significativement associés à la satisfaction étaient le statut émotionnel (anxiété et dépression), la vigilance, l’attention, l’indépendance pour les activités élaborées de la vie quotidienne et le statut professionnel.