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Troisième séquence : rétablissement du plan d’urbanisme

V. Protocole d’analyse

3. Analyse du corpus

3.1. La segmentation discursive du parcours

3.1.3. Troisième séquence : rétablissement du plan d’urbanisme

Les durées, en principe illimitées, du 1er et 3ème texte, montrent que le 2ème texte avec sa durée limitée de 3 ans est un intermède, qui fait de la régularisation une exception et non une règle de conduite. Le destinateur veut surmonter cette séquence rapidement et définitivement. Le 3ème texte permet au parcours législatif de renouer rapidement avec son objet de valeur initial : le plan d’urbanisme directeur doté d’une valeur ajoutée qui est celle de l’aménagement. Il vise l’ensemble des actions d’organisation à l’intérieur du périmètre utile. Ce parcours, avec son entrelacs de séquences est équivalent à ce que dit T. Todorov à propos du récit idéal : « un récit idéal commence par une situation stable qu’une force quelconque vient perturber. Il en résulte un état de déséquilibre ; par l’action d’une force dirigée en sens inverse, l’équilibre est rétabli ; le second équilibre est bien semblable au premier, mais les deux ne sont jamais identiques » (Adam, 1994). La ville a donc besoin d’un autre équilibre après ce long processus de dégradation qui a poussé le destinateur à intervenir pour rétablir l’ordre urbain. Inversement à la deuxième séquence une opération de débrayage s’engage et le texte législatif regagne son style impersonnel.

Si le texte se positionne sur les deux valeurs d’urbanisme et d’aménagement, c’est parce que la ville, tel que l’a montrée le 2ème

texte, est en crise et nécessite la reconstruction d’une identité et d’une image cohérente. L’attitude circonstancielle de la régularisation n’a pas amortie le déséquilibre et la perturbation.

Dans le passage introductif du 3eme texte (loi 29-90), sous le titre « objectifs principaux », le destinateur (Etat) opère une forme de manipulation : « la présente loi a pour objet d’édicter les règles générales visant à organiser la production du sol urbanisable, la formation et la transformation du bâti dans le cadre d’une gestion économe des sols, de l’équilibre entre la fonction d’habitat, d’agriculture et d’industrie ainsi que de préservation de l’environnement des milieux naturels, des paysages et du patrimoine culturel et historique sur la base du respect des principes et objectifs de la politique nationale d’aménagement du territoire »1. Puis il ajoute « l’utilisation et la gestion du sol urbanisable, la formation et la transformation du cadre bâti s’effectuent dans le cadre des règles générales d’aménagement et d’urbanisme, et des instruments d’aménagement définis par la présente loi»2. Comme T. Todorov l’a dit, l’équilibre est rétabli mais n’est jamais semblable au premier. Le parcours législatif renforce

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Article 2 de la loi 29-90 du 1 décembre 1990

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son premier positionnement, identifié dans la première séquence, et tente de rétablir la situation.

Le passage précédemment énoncé se positionne sur un couple de catégories et les met en rapport. Il s’agit du couple : nature/ culture. Le sol comme contenant relève de la nature, en contre partie, les savoirs de l’urbanisation représentés par les figures de la « formation » et de la « transformation du cadre bâti » comme contenu, relèvent de la culture. L’action de transformation se fait par un passage de la nature à la culture selon le carré sémiotique suivant :

Le texte impose l’instrument d’urbanisme comme la compétence appropriée pour réaliser le passage de la nature à la culture. Le savoir contenu dans cet instrument est traduit dans toute action de formation ou de transformation de l’espace urbain.

Fig. 22 : carré sémiotique du passage de la nature à la culture. (Source : Auteur)

Cette transformation se fait par l’articulation des valeurs suivantes :

- organiser la production du sol urbanisable

- organiser la formation et la transformation du cadre bâti

Ces deux objectifs sont régies par un sous système de valeurs basé sur :

L’économique « gestion économique des sols ».

L’équilibre de trois fonctions (habitat, agriculture, industrie).

La préservation (environnement, paysages, patrimoine culturel et historique). Ces trois figures « économie, équilibre et préservation » s’inscrivent dans un programme narratif et un parcours figuratif de conservation. Les sujets opérateurs sont sensés accomplir les actions de transformation tout en restant dans les limites qui économisent, préservent et

Nature

Non-Culture Non-nature

Culture

Sol Savoirs de l’urbanisation

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équilibrent. Les règles édictées vont jouer le rôle d’une compétence modale afin de réaliser l’objet de valeur dans lequel sont investies les valeurs en question et qui n’est rien d’autre que le plan d’urbanisme. Le discours se souvient, comme l’a écrit le groupe d’Entrevernes (1985) : « à tout moment du déroulement du texte, les éléments qui apparaissent son chargés des déterminations acquises en fonction de leur position dans des programmes antérieurs et selon leur inscription dans des parcours figuratifs antérieurs ».

La logique de conservation fonctionne sur la structure modale du devoir :« édicter des règles ». Le devoir-faire (prescription) des sujets opérateurs conduit au devoir- être (le nécessaire) des situations. Cette modalisation du faire, dans le cadre du programme de la conservation qui évite le désordre est plus proche du « devoir ne pas faire » qui signifie plutôt l’interdiction que la prescription. Ça rappelle le premier positionnement dans le premier texte sur le foncier qui inclue des terrains juste pour former un périmètre utile et clôture ou exclue le reste de l’urbanisation par la servitude du non-aedificandi.

Le couple foncier (contenant)/construction (contenu) est régi par la règle. L’objet du troisième texte énoncé est d’édicter des règles organisatrices. La figure de la règle est convoquée dans ce passage pour faire référence à la valeur qu’elle porte : l’ordre par opposition au désordre (ordre/désordre).

Le texte se positionne sur le foncier en plus de la construction : « organiser la production du sol urbanisable, la formation et la transformation du bâti ». Il reconnait à la ville des fonctions : « l’équilibre entre la fonction d’habitat, d’agriculture et d’industrie » et réactive l’instrument d’urbanisme non pas, cette fois-ci, comme une compétence modale mais comme un sujet qui se substitue à la ville : la ville c’est le plan d’urbanisme. Ce retour au plan d’urbanisme après seize ans de désordre (de 1974 à 1990) en fait un objet de valeur en soi. Le deuxième article du texte démontre cette substitution implicite « l’utilisation et la gestion du sol urbanisable, la formation et la transformation du cadre bâti s’effectuent dans le cadre des règles générales d’aménagement et d’urbanisme, et des instruments d’aménagement et d’urbanisme définis par la présente loi ».

Le mémoire nomme ce moment : le moment du retour au Plan.