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V. Protocole d’analyse

4. La contribution du travail

Le présent travail a apporté deux contributions importantes. La première est méthodologique, alors que la seconde, a trait à la connaissance de l’image de la ville, objet de la recherche. Il a permis sur ce plan l’objectivation et l’identification de l’image de la ville dans le texte législatif urbain algérien. Celle-ci est décrite dans la première section de la présente conclusion (Cf. « Comment le texte législatif urbain algérien pense-t-il la ville ? »).

Le mémoire a par ailleurs produit des résultats contingents qui se rapportent à la connaissance du texte législatif, de la politique urbaine et enfin du fait urbain.

4.1. Contribution méthodologique

Sur le plan méthodologique, le présent travail a deux apports. Le premier est relatif à la méthodologie utilisée pour approcher le texte législatif en combinant le sémiotique le lexical. Tandis que le second est relatif à la manière d’utiliser les deux analyses précitées.

4.1.1. Combinaison du sémiotique et du lexical

Le couple « sémio-lexical » est une alliance construite pour répondre non seulement à une épreuve d’usage mais pour modaliser la volonté de comprendre par des savoirs combinés. Cette combinaison a accompagné le texte législatif qui conçoit la ville par ses mots et ses parcours spécifiques. L’intégration de cette alliance méthodologique dans la présente étude, est issue de notre savoir préalable sur la ville et de la complexité des enjeux qui se déroulent dans son espace.

Les deux analyses combinées ont révélé une image à deux aspects, l’un syntaxique (les éléments de fabrication), l’autre sémantique (les valeurs investies dans ces éléments de fabrication mises en jeu). De sa part, l’analyse lexicale identifie les thèmes permanents (noyau stable) à l’intérieur desquels s’organisent des valeurs investies pour construire le

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contenu spécifique de l’image. L’analyse sémiotique, quant à elle, prend en charge ces champs et développe, à partir de ces trois niveaux d’analyse (le figuratif, le narratif et le thématique), le contenu discursif de l’image, c'est-à-dire sa structure actorielle, spatiale et temporelle.

4.1.2. Mode d’utilisation de l’analyse sémio-lexicale

La jeunesse de l’analyse sémiotique et son statut de filière en construction font que chaque travail qui s’y apparente ou s’en réclame, adopte une démarche méthodologique qui présente certaines particularités. La méthodologie adoptée dans ce travail présente les spécificités suivantes :

- Le concept du « parcours génératif » développé par Greimas, a aidé à définir le mode de production du texte législatif dans une perspective proposant des niveaux de lecture dynamiques. Ce parcours est adapté selon les objectifs de l’étude et les spécificités textuelles du texte objet d’analyse. Il est d’abord abordé à partir du niveau le plus concret, c'est-à-dire le figuratif (acteurs dans un cadre spatio- temporel) puis le narratif (programmes narratifs, noyau stable, structures actantielles et modales) et enfin le thématique où résident les valeurs minimales du texte. La recherche a conduit à différencier deux points de vue, l’un ascendant, il va du contenu à l’expression. C’est le travail de celui qui produit le texte. L’autre descendant qui va de l’expression au contenu et c’est le travail de celui qui interprète ces textes.

- Ce travail accorde une attention particulière au postulat de l’immanence qui a permis de voir le texte en tant que construction d’une réalité et non pas comme une simple dénotation du réel.

- L’utilisation du concept de « parcours narratif » dans la formulation du corpus à

permis de donner une représentativité singulière à celui-ci. À fin de décrire toutes les valeurs qui ont contribué, au cours du temps, à formation de l’identité sémiotique de la ville, le corpus est constitué de textes qui forment, de 1974 à 2008, une séquence narrative intégrée, et marquent la ville algérienne à partir des ces moments décisifs.

- L’intégration d’un niveau d’analyse libre s’ouvre sur l’interprétation des résultats obtenus par le biais de la sémiotique de la lecture qui fait intervenir le lecteur dans la construction du discours des textes analysés. Il a permis de mesurer l’impact de l’image de la ville obtenue sur la configuration actuelle des villes algériennes.

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- Le mariage des analyses sémiotique et lexicale a induit l’utilisation du concept de « noyau stable » qui a permis d’identifier une structure stable de l’image de la ville à travers des thèmes qui se constituent comme des espaces discursifs permanents où se joue l’identité narrative de la ville.

4.2. Les résultats contingents

Les résultats contingents de ce travail apparaissent dans la connaissance de trois éléments, le texte législatif, la politique urbaine et le fait urbain.

4.2. 1. La connaissance du texte législatif urbain algérien

L’acte de légiférer n’est pas seulement une technique de codification de mots, mais un lieu où réside une pensée particulière. Cette considération à l’égard du texte législatif a permis de mesurer sa portée, dans sa manière de penser, de poser les problèmes, d’organiser, de mettre en relation des sujets pour conjoindre les objectifs visés.

Le texte législatif est une matrice cognitive, par son lexique et ses paradigmes, sa présence dans l’espace urbain n’est pas une interface juridique au sens strict du terme, il reflète, au contraire, un système de valeurs et offre une image.

Le système de valeurs du texte législatif urbain algérien se limite à la multiplication des interdits et des seuils minimums. Il se contente d’une régulation généralisée empêchant les initiatives et le surgissement de la diversité. Il participe ainsi dans la création d’une marge limitée de possibilités, avec les retombées négatives spatiales et sociopolitiques qui s’en suivent. Il évacue et virtualise les potentialités réelles de la transformation qualitative au profit des solidarités quantitatives et précaires. Il se fonde, sous l’effet des besoins croissants, en tant qu’espace de réactions, ce qui pose la problématique de sa cohésion et sa capacité à encadrer les mutations urbaines dans le temps

4.2.2. La connaissance de la politique urbaine

« Il importe bien de réaffirmer la ville comme unité de sens et d’action et de la distinguer de ce que serait une somme d’objets et de catégories hétérogènes mises en ordre à travers des classifications ou encore une somme de relations fonctionnelles, renvoyant à un ensemble de besoins » (Rémy et Voyé,1981).

Une idée nous a servi de fil conducteur durant l’analyse des textes, celle de voir dans le texte un « tout signifiant ». On peut transposer cette idée dans le domaine de l’urbanisme pour dire

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que la ville, par ses qualités intrinsèques, est elle aussi un tout signifiant qui sollicite dans toute intervention un système d’actions cohérent doté de valeurs significatives. Ce système d’actions aura pour but non seulement d’agir dans un contexte bien défini mais de mesurer essentiellement la signification et la portée pour tout le corps de la ville.

Le texte législatif nous renvoie durant un parcours de 34 ans à un « mode d’emploi » imperméable faisant obstacle même à ses objectifs de maîtrise foncière. Ce parcours s’est achevé par des résultats inverses marqués par la non-maîtrise et la dispersion de l’action. Le processus de la narrativité supposé être un effort menant vers des conjonctions, n’a débouché que sur des disjonctions et des fractures.

L’analyse a démontré l’aspect mono-logique du texte et l’incapacité de son univers épistémique à susciter des enjeux évolutifs. Elle a, par ailleurs mis à jour la crise que peut engendrer le monopole de l’action par un seul acteur qui se qualifie par les attributs d’unificateur et de régulateur. Ce mode d’organisation de l’action, a réduit la politique urbaine à une multitude d’opérations désarticulées, engagées non pas dans un processus de production de l’espace urbain mais selon les circonstances sectorielles. La politique urbaine est une biopolitique, un outil de rattrapage des déficits où deux concurrents s’affrontent dans l’arène du foncier pour produire des satisfactions temporaires : l’urgence et les besoins. Ceux- ci, appartiennent aux valeurs de la nature et ne génèrent pas des possibilités mais uniquement des nécessités. Le noyau stable identifié est le socle de cette politique qui a permis de construire une origine non évolutive qui reproduit les mêmes schémas et a laissé place à la gestion de la ville basée sur l’exclusion. La marginalisation des acteurs indique cette exclusion du vouloir collectif. La construction de la ville de tous les risques et le refoulement de la dimension symbolique de la ville sont les traits dysphoriques qui ont marqués l’aboutissement de toutes les actions urbaines menées jusqu'à présent.

4.2.3. La Connaissance du fait urbain

L’analyse du parcours narratif du texte législatif a montré l’impuissance du destinateur ou du politique à maîtriser sa propre création. Le contrat imposé et propulsé d’en haut, n’a pas pu établir le consensus dans lequel se déroule le vouloir collectif. Les interactions à l’intérieur de l’espace urbain sont désarticulées et réduites aux aspects minimaux de la survie. Les seuils dans le texte législatif ne manquent pas, et les définitions nationales et statistiques aussi, mais ils sont tous dépassés par les volontés disparates et parfois contradictoires.

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Le fait urbain est reconnu uniquement par sa croissance biologique, en matière de populations, programmes de logements et d’infrastructures, mais la manière de faire n’a pas variée dans le temps, le capital lexical n’a pas changé, comme si les conditions d’énonciation, elles aussi, n’ont pas changées.

Le fait urbain semble renvoyer au politique sa propre image (Bofill et Véron, 1995). Il s’avère incapable d’offrir une imagibilité et une cohérence acceptables, incapable aussi de faire émerger des acteurs actifs et des stratégies dynamiques. Quand la ville ne symbolise plus comme le note R. Belay (2004) « elle dévoile ses contradictions et ses incohérences, elle n’est plus une puissance d’invention des rapports sociaux, mais une sanction de la réalité ». Le fait urbain dans le texte est fondé sur un ordre à trois dimensions interdépendantes, le politique, le social et le spatial. Le politique se cristallise sur la valeur du pouvoir pur en excluant toute médiation. Le social est géré par des réponses de régulation uniformisatrice et du maintien de la stabilité sociale. Le spatial est morcelé régulièrement selon les besoins. Les savoirs acquis jusqu'à ce jour avec les valeurs évoquées ne déclenchent plus de nouveaux programmes narratifs, il en résulte au contraire des rivalités négatives entre les structures foncières, sociales, culturelles et physiques. L’image de la ville, a travers le texte législatif a donné a voir un fait urbain contrasté, privé de médiations puis qu’il n’est pas constitué comme un espace d’échanges, suspendu dans le temps par le manque d’ancrage dans le temps, rongé par les ruptures sémiotiques et les restes du faire urgent. La ville ne peut plus jouer son rôle sur le plan économique, social et symbolique. Un nouvel ordre urbain est devenu plus que nécessaire. Peut-être, que le sens latin de l’image (imago) trouve toute sa signification dans le fait urbain algérien : un masque mortuaire.