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Triangulations sur Brésiliens en Afrique d’Antonio Olinto

Olinto (1964215) décrit le quartier brésilien de Lagos, appelé « Brazilian Quarter » ou « Popo Agudà », et observe que « l’histoire de la communauté brésilienne à Lagos et dans cette côte africaine en général est aussi l’histoire de l’église catholique dans toute cette région. Pour le Yorouba216 "Agudà" veut dire "brésilien" et veut dire "catholique"217 ». Dans la Bangboshe street, la voie principale du Brazilian quarter, Olinto rencontre Romana da Conceição, née à Recife, au Brésil et arrivée à l’âge de douze ans en Afrique, en 1900, à bord du bateau « Aliança ». C’est surtout à partir des récits donnés par la vieille dame – qui a été proche aussi de Pierre Verger – qu’Olinto va construire la trilogie de romans qui s’initie avec La maison d’eau.

Le couple Olinto et Zora va fréquenter les deux associations de descendants des Brésiliens existantes à cette période (1962-64) à Lagos : l’Uniao Descendentes Brazileiros (sic218) et la Brazilian Descendants Association. La première association est présidée par une femme, Mme Juliana Antônia. Lors de la première visite dans cette

214 Pour plus de détails à ce sujet je renvoie, en portugais, aux publications d’Euridice Figueiredo (2009), à la thèse d’Édimo Pereira (2013) et à l’article d’Edmilson Pereira et Édimo Pereira (2011) ; et en français, au compte-rendu de l’ouvrage d’Olinto Maison d’eau, écrit par Chistian Merlo (1977) et à l’article déjà cité de Jean-Yves Paraïso (2009).

215 L’ouvrage a été édité exclusivement en portugais, tous les extraits cités sont donc de ma traduction.

216 Olinto se réfère aux yorouba du Nigeria.

217 Olinto (1964 : 162) d’ailleurs décrit sa rencontre avec A.B. Laotan, qui habitait à Lagos et dont j’ai abordé l’ouvrage antérieurement.

218 Selon les règles de la langue portugaise, l’expression correcte serait « União dos Descendentes de

association, le couple d’écrivains est reçu par des cris « viva brasileiro ! » [Vive brésilien !], auquel on répond « viva ! », le même cri qu’ils entendent lorsque la Burrinha du Nigeria sort dans les rues et qui, selon les informations données à Olinto, serait utilisé depuis presque un siècle219. À cette occasion, suite à ces cris, Georges Borges Da Silva, âgé de 80 ans, « s’est levé et a chanté le refrain de la "Burrinha" (sic), nom donné au "Bumba-Meu-Boi" au Nigeria : "Olá-lá-lá, brasileiro está na rua"220 ». Il y a là un changement à noter : lors de mon entretien avec le président de la Brazilian Descendants Union de Lagos, Daniel Faustino221 m’a informé qu’ils appellent leurs masques « MeBoï222 ». Olinto remarque que si la sortie de la bourian est « une nécessité pour ceux qui habitent le quartier brésilien », pour les Brésiliens d’autres quartiers plus lointains cela n’était qu’un souvenir, et ils ont été surpris de savoir par son biais que la Burrinha sortait encore à Lagos. Olinto et Zora ont été à Porto-Novo pour la fête du Bonfim deux années d’affilée : la première fois en janvier 1963, sur l’indication de Pierre Verger, qui les avait prévenus que l’événement était « quelque chose à ne pas manquer223 ». Le Bonfim des Agudàs a impressionné Olinto : une fête « catholique et œcuménique, présentant des caractéristiques essentiellement brésiliennes224 ». Je vais par la suite traduire une partie de la description de la fête du Bonfim faite par Olinto225 et interposer mes commentaires.

219 Par contre, lors de mon terrain à Porto-Novo je n’ai pas entendu ce cri ; la salutation festive des Agudàs était « bravo yoyo ! » pour les hommes et « bravo yaya ! » pour les femmes.

220 Olinto (1964 : 178) « Oh-la-la Brésilien est dans la rue » est un refrain cité par des divers auteurs à propos du Nigeria mais que je n’ai pas entendu au Bénin.

221 Propos tenu à Porto-Novo le 20 /10/ 2013.

222 Olinto (1964 : 192) décrit la participation des masques de bœuf (Bumba-Meu-Boï) au sein de cette association à Lagos et à Porto-Novo (la traduction est mienne) :

« Au milieu des fêtes religieuses du Nigeria, il y a en une qui, sans avoir de connotations catholiques, est utilisée dans les principales festivités de l’église tout au long de l’année : celle du "Bumba-Meu-Boï". À Noël, au nouvel an, le jour des Rois et pendant les fêtes de juin, le "Bumba-Meu-Boï" sort dans la rue. Son gardien, l’homme qui conserve les calungas [poupées géantes] à la maison (rangées au-dessus du plafond du salon, car la taille du bœuf, du cheval, de l’autruche et de la femme ne leur permet pas d’être entreposés ailleurs), est Benedito Ramos. Homme grand, joyeux, Benedito Ramos appartient à l’union des descendants de Brésiliens. Avec Georges Borges da Silva, il fait partie de ceux qui connaissent encore le mieux de vers en portugais. Il est parmi ceux qui ont le plus d’enthousiasme pour crier : "Brasileiro está na Rua !" ["le Brésilien est dans la rue"] et "viva brasileiro ! " ["Vive le Brésilien"], qui précède le passage du "Bumba-Meu-Boi". Dans les fêtes de l’église, Benedito Ramos est toujours présent. Dans les réunions de l’union des descendants de Brésiliens, c’est lui qui donne la direction des travaux. Et ainsi, par le biais de fêtes comme celle du Bonfim à Porto-Novo, Dahomey, celle de Saint Joseph à Lagos, celle de Nossa Senhora dos Prazeres, celles de juin et par le biais du "Bumba-Meu-Boi", le Brésil continue à exister en Afrique, dans le miracle d’une culture qui s’est refusée à mourir. »

223 Olinto (1964 : 181).

224 Olinto (1964 : 183).

« J’ai assisté à plusieurs fêtes religieuses qui, étant catholiques et œcuméniques, présentent des caractéristiques essentiellement brésiliennes. La fête du Bonfim du Dahomey a été la première à m’impressionner. Le patriarche de la communauté brésilienne locale, Casimir D'Almeida, m’avait adressé une invitation spéciale pour la fête. Le samedi soir, la veille de la messe, une réunion de deux mille descendants de brésiliens environ226 a eu lieu en plein air, pour le Bumba-meu-Boi, avec des lanternes et des papiers colorés étendus sur une vaste cour en terre, des chaises placés autour, puis apparaissent le bœuf (boï), l’autruche (ema), le cheval, en leurs mouvements si brésiliens. Les vers sont tous en portugais. (...) c’est tout un spectacle, ce groupe énorme de gens, avec jeunes filles, enfants, jeunes hommes et vieux en train de danser notre musique et chanter nos vers. À un moment donné, Casimir D'Almeida, déjà dans une tradition française, a ordonné d’ouvrir des bouteilles de champagne en l’honneur des visiteurs. Pendant que les verres se touchaient, quelqu’un a crié : "Viva Nosso Senhor do Bonfim !" [Vive notre Seigneur du Bonfim227 !] ».

Ici et dans d’autres occasions, Olinto remarque que les Agudàs de Porto-Novo avaient acquis une influence française dans leurs mœurs, comme boire du vin et du champagne, ou manger la feijoada (grains d’haricots cuits) avec des pigeons, quand normalement ce plat tenu pour typique au Brésil est fait à base de viande de porc et de bœuf.

« Le matin qui suit228, tous en blanc et avec une bande verte où on trouvait l’inscription “Nosso Senhor do Bonfim”, les membres de la société sont allés à la messe229. Le sermon du prêtre a porté sur la tradition bahianaise du Bonfim. Il a fait allusion au retour des hommes amenés de l’Afrique au Brésil, maintenant avec des descendants Brésiliens, et au fait qu’ils ont implanté le catholicisme dans le Dahomey230. Après la messe, hommes et femmes sont restés un peu de temps dans la cour devant l’église, pour parler. Puis, ils sont allés changer d’habits, car la phase finale de la fête allait commencer. C’était le déjeuner, réalisé à l’extérieur, à six kilomètres de Porto-Novo, sous des tentes en paille et avec un accompagnement musical231. (...) tous portaient les mêmes vêtements. Avant la fête, on choisit un pagne et les hommes en font des

226 On remarque le grand nombre de participants, bien plus que ceux présents dans les années où j’ai pu être présent à la fête.

227 Olinto (1964 : 183).

228 Nous sommes donc le dimanche du Bonfim.

229 Jusqu’à aujourd’hui, on continue de s’habiller en blanc avec la bande vert à cette occasion. Olinto n’a pas mentionné que la bande s’appelait à l’occasion « fasha » ou « faixa », (« bande » en portugais), comme les Agudàs l’appellent actuellement. Est-ce que cela est un signe d’une récente « rébrésilianiation » du terme que désigne l’objet, ou juste qu’Olinto n’était pas attentif à ce détail ?

230 Ce genre de discours, où on fait des louanges à l’aspect pionnier des Agudàs par rapport au catholicisme dans la région, n’était pas répété par le prêtre ni dans la messe décrite par Guran en 1996, ni dans la messe à laquelle j’ai pu assister en 2015.

231 Olinto malheureusement ne précise pas où, dans les environs de la ville, le pique-nique a lieu. Trente-deux ans plus tard, en 1995, selon Guran, celui-ci a lieu dans le centre-ville, comme il l’est de nos jours.

chemises et les femmes une robe complète, ou seulement une jupe, (...). Pendant qu’on se dirigeait vers l’endroit du déjeuner, une sensation d’intimité semblait lier les personnes, et la similitude des habits contribuait à augmenter le sentiment que là se trouvait une communauté avec sa propre vie.

L’après-midi était d’une luminosité impossible. Même avant d’arriver sur le lieu du déjeuner, j’entendais les tambours qui tapaient au rythme de la samba. Plusieurs tables, côte à côte, s’étiraient sous les tentes. (...) Plusieurs familles se réunissaient dans la commémoration. Deux d’entre elles attiraient l’attention, par le nombre de leurs membres : les D’Almeida et les [Da] Silva. Les Souza, descendants de Francisco Félix De Souza, le Chacha De Souza, sont partout au Dahomey, surtout à Ouidah et Alada, les Damata Santana se concentrent plus à Cotonou, de façon que Porto-Novo réunit plus D’Almeida et Silva que de membres des autres familles brésiliennes. Celles-ci restent à des tables à part, les Silva sous le commandement de Apollinaire Da Silva, les D’Almeida ensemble avec leur chef, Casimir D’Almeida ».

On remarque qu’Olinto ne cite aucune famille à laquelle mes interlocuteurs de la famille Da Silva-Paraïso se référent comme étant des « familles associées », comme par exemple les Amaral232.

« Le déjeuner, avec les danses qui l’ont suivi, a duré presque six heures. Il y a eu de tout : une poêlée de crabes à la mode du Nord-Est brésilien, du poisson au lait de coco, acarajé (qu’ils appellent accra), du piron de farine de manioc et pour finir, ce chef d’œuvre sorti du mélange culturel Brésil-France fait au Dahomey : une feijoada [haricots] avec des pigeons. Le tout est arrosé avec du bon vin français233. Mme Casimir D’Almeida a ouvert la danse. En peu de temps, un grand nombre de personnes dansait au son des tambours234 ».

La bourian était sortie le samedi précédent. Ce dimanche du Bonfim on dansait certainement de la samba, mais apparemment il n’y eut pas de sortie de masques de la bourian. Je rappelle qu’aujourd’hui les masques sortent le samedi et le dimanche.

232 Olinto oscille entre l’inclusion ou non des particules « De », « Da » présentes dans certains patronymes, car dans le Brésil du XXe siècle, tout comme aujourd’hui, il n’y a pas de règle à ce sujet, la pratique la plus courant étant celle de ne pas mentionner la particule.

233 Il ne s’agit que d’un signe supplémentaire montrant que les Agudàs, en tant qu’« occidentaux Brésiliens », s’identifiant comme des « yovo » (« blancs »), s’associaient sans plus de problèmes à certains aspects et symboles de la culture française. Le meilleur exemple que j’ai trouvé fut le suivant : dans une des photos de Pierre Verger pour l’article séminal de Gilberto Freyre dans la revue O Cruzeiro n.43 (1951 : 73) [cf. image n. XX] on peut lire une annonce d’une « Grande soirée Brésilienne Bourihan » où l’on voit le dessin d’un cheval et les drapeaux brésiliens et français croisés.

Reconsidérer l’extension de l’objet : Lagos 1963 et Porto-Novo 2015, expériences similaires dans le dévoilement d’une « fête étendue »

Il n’y a pas de mention chez Olinto de l’existence d’une fête du Bonfim au Nigeria235. C’est une différence d’importance, car à Porto-Novo la bourian est étroitement associée à la fête du Bonfim. À Lagos, pendant le séjour d’Olinto, la bourian sortait pendant la période de Noël et du nouvel an, mais aussi pendant les fêtes de juin (dîtes Festas Juninas au Brésil). Ces fêtes, à ma connaissance, n’ont jamais été mentionnées comme ayant lieu au Dahomey236. Par contre, ce n’était pas au moment de ces fêtes où la bourian participait, mais à celui de la fête de Nossa Senhora dos Prazeres237, organisée par une société féminine de même nom, et qui s’est tenue entre le samedi 4 et le lundi 6 mai 1963, qu’Olinto dit que « plus qu’en n’importe quelle phase de mon séjour en Afrique, j’ai ressenti et mesuré cette sympathie, cette liaison, ce lien du brésilien avec l’africain238 ». À ma connaissance, cette fête n’a jamais eu lieu au Dahomey, mais sa structure est la même que celle du Bonfim de Porto-Novo, cependant sans les masques et sans la samba. Dans la fête de N.S. dos Prazeres, Olinto décrit, le samedi, une messe et une petite procession qui se transforme en un cortège festif traversant le quartier brésilien en dansant239. Le dimanche qui suit, la foule se réunit chez M. Owolabi Martins, devant la lagune de Lagos. « Auparavant le déjeuner officiel de la fête se réalisait à Ikoyi, quartier élégant de Lagos (...). On tuait un bœuf, on mangeait à volonté et on dansait joyeux, comme, encore aujourd’hui, cela se passe au Dahomey lors de la fête du Bonfim. ». La fête dure tout le dimanche. À l’intérieur de la maison, se trouvent « quelques hommes – patriarches de la communauté – qui discutent seulement et

235Ce qu’on trouve est la mention à une Société « Nosso Senhor do Bonfim », qui aurait existé à la fin du XIXe siècle, mais aurait déjà disparu lors du séjour d’Olinto au Nigeria dans les années 1960 : « Déjà dans les alentours de 1880, les sociétés de São João [Saint Jean], Nossa Senhora dos Prazeres [Les allégresses de Marie], Nosso Senhor do Bonfim [Notre Seigneur du Bonfim], réunissaient des brésiliens dans des fêtes régulières. En 1903 a été fondé la "Brazilian Friendly Society". » Olinto (1964 : 218).

236 Olinto (1964 : 191-192).

237 Littéralement « Notre Dame des plaisirs » ; forme d’adoration de la Vierge Marie plus connue en français comme « Les sept allégresses de Marie ».

238 Olinto (1964 : 189-190) Les mots « brésilien » et « africain » ont été écrits en minuscules dans l’original.

239 Cette structure des deux cortèges, un court et plus solennel, la « sortie de l’église », et l’autre, plus festif et à travers ou vers les rues où habitent des familles brésiliennes, est le même dont j’ai pu témoigner en 2010 dans le Bonfim à Porto-Novo. En 2015, par contre, seulement la sortie de messe a eu lieu, mais celle-ci était plus festive que celle de 2010, car elle comptait avec la présence du personnage-vodoun Mami Wata. La vision du prêtre catholique en compagnie de Mami Wata provoquait des sourires chez les participants (il n’y avait pratiquement pas de « spectateurs » ; presque tous les présents participaient du cortège).

n’entrent pas dans les jeux et danses ». Ceux qui accompagnent les tambours sont les femmes de tout âge et les jeunes hommes célibataires. Olinto raconte ensuite un petit passage qui peut, à première vue, sembler ne pas avoir d’importance, mais il se trouve que j’ai vécu exactement la même situation au Bonfim à Porto-Novo, et cela m’a amené à reconsidérer l’extension de l’objet « fête du Bonfim à Porto-Novo » et le mettre à jour.

Olinto a toujours montré un intérêt et un attachement sentimental spécial à l’égard de ceux nés au Brésil240. C’était le cas de Mme Isabel Sousa, née en 1871 à Rio de Janeiro. Pendant le déjeuner festif du dimanche de la fête de N.S. dos Prazeres, Olinto dit à Mme Sousa que le lendemain il viendra la chercher, dans cette même maison où ils se trouvaient pour la fête (chez M. Owolabi Martins), pour lui faire visiter son appartement et parler un peu du Brésil. Effectivement, le lendemain à 16h, Olinto revient chez M. Martins et s’étonne de rencontrer sur place pratiquement les mêmes personnes que le jour précédent. Il n’a pas été informé que la fête continuait. On lui explique alors tout simplement que « c’était une obligation de l’organisatrice (Juíza) de rester sur place jusqu’au lundi, en compagnie de quelques membres de la Société de N.S. dos Prazeres ».

En 2015, le lundi après-midi, suite au week-end assez exténuant de la fête du Bonfim – que je tenais alors pour terminée – je passe, un peu par hasard, devant la maison familiale des Amaral, où se localise le couvent de la bourian. Je constate que le portail est grand ouvert et que les gens y circulent. Je décide d’y entrer ; j’aperçois le chef de la bourian, Auguste Amaral, recevant ses proches de la communauté brésilienne – essentiellement ceux de sa classe d’âge – assis dans la cour, au son de la musique du Brésil en CDs241. Auguste me reçoit très bien et me dit que l’on buvait et mangeait ce

240 Il a trouvé six personnes nées au Brésil, à Lagos (p. 211) et une au Dahomey, à Porto-Novo (p.239).

241 À l’occasion, on entendait essentiellement divers genres de samba de Rio, parmi lesquels les chanteurs très populaires, et toujours en activité, Zeca Pagodinho et Martinho da Vil et le chanteur et joueur de tambourin renommé Jackson do Pandeiro [« Jackson du Tambourin »] (1919-1982), originaire de l’État de la Paraïba, frontalier avec le nord de l’État du Pernambouc. Auguste, le principal joueur de pandeiro de la bourian, faisait des éloges de Jackson, en disant : « lui, oui, il sait jouer le pandeiro », en montrant une photo du musicien issue de la pochette du CD, où on le voyait tenir son instrument dans la position verticale, semblable à celle pratiquée à Porto-Novo. Cette manière de tenir l’instrument, qu’on ne retrouve que dans certains styles du Nord-Est Brésilien (le l’ai surtout vu à Pernambouc et au Maranhão),

qui restait de la fête des jours antérieurs. Je me suis aperçu que la relativement modeste commémoration – elle ne comptait pas plus d’une trentaine de personnes et il n’y avait ni groupe de musiciens ni sortie de masques – avait commencé beaucoup plus tôt, car quelques-uns partaient déjà, tandis que d’autres arrivaient et surtout, parce que certains étaient déjà dans un état d’alcoolisation un peu avancé. En fait, plusieurs couples ou des individus seuls passaient dans la cour quelques instants, juste « pour saluer » Auguste, comme ils le disaient. En pantalon et torse nu, le chef de la bourian était alors très content et exceptionnellement souriant et détendu, comme rarement on le voit. J’y retrouve quelques jeunes Agudàs, parmi lesquels des membres du groupe bourian. Je me rends compte qu’en fait ce sont ceux qui habitaient à proximité. Ils restaient assis sur des chaises en plastique un peu plus loin, tandis qu’Amaral et les doyens étaient pour la plupart installés sur des canapés de salon rembourrés, qu’on avait posé exceptionnellement sur un coin de la cour de terre et bien plus confortables que les chaises. Ces jeunes restaient quelques dizaines de minutes et faisaient mention de s’en aller et, malgré mon insistance pour qu’ils restent un peu plus, ils m’ont fait comprendre qu’ils devraient partir, un peu comme si le timing approprié était seulement celui d’un passage, car cette fête ne les concernaient pas à proprement parler. Un des jeunes porteurs, connu comme Mousse, me dit qu’il est venu juste exécuter certaines tâches d’organisation dans le couvent. Je suppose qu’il s’agit probablement de ranger, nettoyer et laver des masques et costumes utilisés lors de la fête, car souvent une partie de ce travail est laissé pour le lendemain d’une sortie.