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Pourquoi suivre le parcours de ces masques liés à la bourian à travers l’Atlantique ? Par ce que l’étude de la circulation concernant ces masques entre l’Europe, l’Amérique et l’Afrique nous amène à aborder des aspects historiques et actuels de plusieurs « sujets majeurs » des sciences sociales, comme ceux que j’énumère ensuite. Une macro et une microstoire de l’esclavage et de la séquence des faits post abolitionniste ; les représentations des liens (historiques, culturelles, ainsi que liens dits « de sang ») avec l’outre-mer ; des questions de transmission et d’identité, « ethnique » ou communautaire ; l’articulation entre parenté et groupe d’appartenance ; les premières phases du processus de colonisation, ainsi que le processus d’indépendance de certains pays africains (en particulier le Togo). Les circulations, changements et innovations concernant les musiques et les danses, pour ne citer que quelques-uns parmi d’autres sujets possibles355.

355 Chivallon (2008), par exemple articule jazz et bateau négrier en passant par la pensée de Gilroy. Dans le domaine des circulations de fêtes, et plus spécifiquement des fêtes populaires liées au Brésil, c’est la lignée de recherche proposée par Felipe Ferreira (2013) qui m’a servi de modèle.

Dans l’ouvrage « L’invention du Carnaval au XIXème siècle : Paris, Nice, Rio de Janeiro », l’auteur montre comment les façons de faire « la plus grande des fêtes », circulent entre plusieurs villes d’Europe telles que Paris, Nice, Turin, Vénice, Naples, Rome et le Brésil. Suite à la lecture de son ouvrage, on se

Vu à partir d’une perspective historique, tout l’enjeu identitaire s’articule avec des problématiques liées à la transmission. Transmission ici inclut, c’est clair, le transmis et le non transmis. Inclut aussi l’interrogation : de quelle façon on intègre un élément nouveau dans l’ensemble de choses tenues par « traditionnelles » qu’on doit transmettre ? Sur ce point, on pourrait appliquer – même si c’est dans un autre contexte – la notion de Barth (1969) des groupes ethniques et ses frontières : le groupe serait constitué par ses frontières plutôt que par ses membres, les frontières en question étant poreuses. De la même façon, la transmission d’un corpus de savoirs « traditionnels » porte en soi toujours la possibilité de l’inclusion de nouveaux éléments qui, à leur tour, seront transmis comme faisant partie de la « tradition ». À ce propos, le plus grand exemple dans ce travail est l’introduction du masque du vodoun Mami Watà dans la bourian.

Parcours de construction de l’objet

L’idée initiale d’étudier la musique de la bourian en master m’a amené à étudier les pratiques musicales et festives des Agudàs, puis à m’intéresser aux pratiques musicales et festives liées aux pratiques des Agudàs. Dans un souci de situer l’objet dans un contexte local et régional, je me suis intéressé d’abord aux pratiques festives des populations géographiquement proches des Agudàs, des régions côtières du golfe du Bénin, pour ensuite m’intéresser aux pratiques des populations historiquements proches des Agudàs. En effet, à partir des références émises par les Agudàs eux-mêmes sur l’origine de leurs pratiques, mon intérêt s’est élargi à d’autres points de l’Atlantique. Je me suis rendu compte que j’étais, à un niveau personnel et même géographique, assez bien placé pour le faire : en faisant le terrain principal au Bénin et Togo ; en étant brésilien avec mes origines familiales au nord-est du Brésil (la région qui présente un lien historique privilégié avec le golfe du Bénin), et ayant une certaine intimité avec ses expressions culturelles. Enfin, le fait d’être résidant depuis longtemps en France, ce qui pouvait me donner un accès facile au Portugal.

rend compte que vouloir saisir les changements des fêtes populaires en se restraignant au contexte local (comme l’avaient fait Moraes (1957) et Damatta (1990) à propos de Rio) serait conserver un regard trop limité sur la question. À propos des articulations entre masque, fête et société C.f. : Bertrand (2013) ; Goerg (1999) ; Koffi (1999) ; Mitchell (1956) ; Andrieu (2009) ; Bakhtine (1994) ; et spécifiquement Mello e Souza (2002), qui articule Brésil et Angola/Congo.

L’expérience et les données de terrain dont je me sers dans ce travail sont ceux d’un ensemble de voyages réalisés pendant la période du doctorat et du master356. J’ai débarqué donc pour la première fois dans cette région d’Afrique, en 2010, dans le cadre du Master en anthropologie puis j’ai réalisé un nouveau voyage, en 2011. Durant le premier voyage, j’ai fait une mise en contexte de la région côtière du Bénin : Cotonou, Porto-Novo et Ouidah, puis Lomé, au Togo et enfin Accra, au Ghana, où j’ai eu un rapide contact avec la population descendente de retournés du Brésil, appelée « Tabom people » et j’ai pu visiter leur centre culturel lié à l’ambassade brésilienne, la Tabom Brazilian House357. Lors de ce premier voyage, mon centre d’intérêt était Ouidah, ancien port esclavagiste de la côte béninoise.

Lors d'un deuxième voyage, réalisé en 2011, j’ai défini l’axe géographique des recherches : Porto-Novo–Ouidah, qui inclut à mi chemin entre les deux villes, la métropole béninoise, Cotonou. Jusqu’au XIXe siècle, Cotonou n’était qu’un village de pêcheurs sans intérêt particulier et la ville ne s’est développée qu’à partir de la présence française. Ainsi, on peut dire que Cotonou, qui réunit actuellement des gens venus de toutes les régions du Bénin, n’est à la « racine » ou à l’« origine » de nulle famille, et spécialement d’aucune famille Agudà. Ces habitans sont tous originaire d’ailleurs, nottement des régions centrales et mériodionales du pays. En ce qui concerne les familles brésiliennes béninoises, les références de foyer d’origine et des traditions se

356 De Athayde, Joao (2012) « La musique de la bourian à Ouidah et Porto-Novo. Un patrimoine brésilien chez les Agudàs du Bénin ? » mémoire de Master II en anthropologie sur la direction de J.-L. Bonniol.

357 À propos des descendants de retournés du Brésil à Accra, connus comme le « Tabom people », Cf. Amos et Ayesu (2005), Schaumloeffel (2008), Essien (2016) et Diaz (2016).

Les Taboms sont un petit groupe constitué essentiellement d’anciens esclaves retournés du Brésil arrivés à Accra vers les années 1830. Parmi ces retournés du Brésil, plusieurs s’étaient auparavant établis au Nigéria, arrivant à Accra que dans un deuxième mouvement. Diaz s’est penché notamment sur les aspects ethnomusicologiques de cette communauté, qui ne pratique ni la bourian ni la samba, leur principale manifestation dans ce domaine étant l’agbe, qui n’est pas chantée en portugais.

Par contre, selon les témoignages que j’ai recueillis au Togo, on devrait être en mesure d’identifier deux différents groupes vivant au Ghana renvoyant leurs origines au Brésil ne dévéllopant pas d’échanges significatifs les uns avec les autres. Les Taboms étant le premier contingent, le second serait constitué par, d’une part, les branches des familles afro-brésilienne Baeta et Lima qui se seraient installées dans la région de Keta (Volta Region) au XIXème siècle, et, d’autre part, des familles togolaises afro-brésiliennes qui se sont déplacées vers le Ghana pour des raisons économiques et/ou politiques. Beaucoup de Togolais, toutes origines confondues, sont partis au Ghana comme une alternative au régime à la fois autoritaire et, selon la période, économiquement peu performant de Gnassingbé Eyadema. Plusieurs familles afro-brésiliennes Togolaises m’ont affirmé avoir des branches habitant depuis longtemps le Ghana voisin. Leur identité et leurs pratiques culturelles, me semble-t-il, restent encore à enquêter.

concentrent sur Ouidah, Agoué et Porto-Novo. Même à Porto-Novo, plusieurs familles citent Ouidah comme étant la ville de leur première maison familiale. Au Bénin, on appelle souvent Ouidah « la ville des Brésiliens ». Dans mon mémoire (2011), j’abordais déjà le contraste fondamental qui guide mon étude des groupes de bourian : l’usage d’instruments de musique différents entre la bourian de l’Association à Porto-Novo, qui utilise les pandeiros (tambourins) et tous les autres groupes, qui ont pour référence les bourians de Ouidah et qui jouent des tambours carrés. C’est à ce moment que s'établit aussi ma « méthode de base » pour l’étude des bourians. Pendant la semaine, j’essaie de retrouver, pour des entretiens ou des conversations informelles, des Agudàs ou des individus non Agudàs qui peuvent m’apporter des informations concernant les Agudàs et la culture locale. Je cherche notamment à côtoyer des membres des groupes bourian, et parfois – étant musicien moi-même – à m'entraîner avec eux au niveau des rythmes et des chansons. J’essaie de me renseigner sur les prochaines présentations des groupes, ce qui n’est pas aussi simple qu’il pourrait y paraître. La plupart des sorties bourian se font lors des veillées funéraires et des commémorations d’anniversaire de mort. On peut, certes, prévoir une fête d’anniversaire (de disparition), en revanche, on ne peut pas prévoir quand une mort aura lieu. La bourian peut donc être appelée à faire une sortie d’un jour à l’autre et parfois dans une autre ville. À cela se rajoutent les quelques fois où, pour l’une ou l’autre raison, les membres des groupes sont imprécis avec les informations ou hésitent sur leur propre agenda et, le plus important, les quelques présentations pour lesquelles le chef de groupe n’a pas vu d’intérêt à ma présence. Cela s’est produit spécialement pour la bourian de Porto-Novo. Cette bourian sort, en principe, avec une vingtaine de membres environ. À un moment donné, le chef m’a « révélé » qu’il faisait des sorties à bas tarif avec huit, sept voir moins de membres du groupe. Il m’a fait comprendre qu’il n’avait pas trop d’intérêt à ce que j’assiste à ces « petites » sorties, préférant que je sois le témoin des grandes sorties, plus exubérantes, où l'on ferait de meilleurs clichés photographiques ou enregistrements vidéo. Malgré cela, en insistant un peu, j’ai pu obtenir une copie d’une vidéo commandée par une famille qui accueille ce même groupe de bourian lors d’un anniversaire de décès, où on voit que le groupe ne se présente qu’avec cinq ou six participants. Une fois que j’arrive à obtenir les dates et les lieux des sorties bourian, réalisés d’habitude les week-ends, j’essaie de me déplacer entre les villes pour pouvoir y assister. Ces déplacements en « taxi-brousse » se font

alors normalement sur l’axe Porto-Novo–Cotonou–Ouidah. Mes terrains ont souvent été calés par deux fêtes annuelles, fondamentales en ce qui concerne la bourian, car on a l’opportunité d’y assister à des sorties spéciales. La première est la fête du Bonfim, à Porto-Novo, en janvier, se déroulant le deuxième dimanche après l’Épiphanie, c'est-à-dire exactement la même date de la fête du Bonfim à Salvador de Bahia358. La deuxième, ce sont les retrouvailles de la famille De Souza, placées un week-end autour du quatre octobre qui, selon la tradition familiale, serait la date de naissance du fondateur de la famille, Francisco Félix De Souza, connu comme le Chacha.

D’autre part, mon arrivée sur le terrain de 2014-2015 a été calée de manière à pouvoir passer la période de Noël et ensuite le jour de l'An chez la famille Aguidissou da Costa, à Ouidah et de pouvoir témoigner de leur manifestation singulière : la sortie de masques Aglagodji359. Celle-ci peut parfois être confondue avec la bourian, mais pourtant elles ont peu de choses en commun au niveau plastique. Toutefois il s’agit, certes, d’une fête avec des masques, de la musique (les paroles ne sont pas en portugais) et des danses qui évoquent l’origine Agudà de la famille. Dans cet aspect fonctionnel, on peut dire que l’Aglagodji est effectivement similaire à la bourian. Cette famille se définit comme « des Brésiliens (ou Agudàs) de San Tomé 360». La fête de la famille Aguidissou reste cependant pratiquement non documentée361.

358 À ne pas confondre avec la fête du « Lavage des Escaliers de L’église de N.S. du Bonfim » de Salvador de Bahia, ayant lieu le jeudi antérieur dans le même lieu et bien plus populaire des nos jours que celle du dimanche. Les deux fêtes, à deux jours d’intervalle l’une de l’autre, sont, bien sûr, liées, mais ne sont pas, strictement parlant, la même fête, la fête du dimanche étant d’ailleurs plus ancienne.

Je dois préciser également que, contrairement à ce qu’on pourrait supposer, l’épiphanie à Porto-Novo n’est pas une fête Agudà. C'est-à-dire, les individus Agudàs catholiques peuvent éventuellement en prendre part, mais pas entant que groupe identitaire. E. Dianteill (2015) montre en détail que dans l’implantation de cette fête dans la ville, les Agudàs n’avaient aucune place en particulier : « L’Épiphanie à Porto-Novo n’est pas une fête des Agouda (les descendants des esclaves afro-brésiliens au Bénin et dans les pays voisins). Personne, ni aujourd’hui ni par le passé, n’associe l’Épiphanie aux Agouda. Elle a été conçue à l’origine par le père Aupiais comme un effort d’évangélisation des Goun, non des autres populations implantées localement. Mgr André Boucher, alors directeur de l’Œuvre apostolique pour les missions, en témoigne (1926 : 141). Par ailleurs, aucun des premiers acteurs de la pièce ne portait un nom afro-brésilien dans les documents de 1923. »

359 « Aglagodji » est le nom d’un des principaux personnages masqués de la fête.

360 L’archipel de Sao Tomé-et-Principe est une ancienne colonie portugaise devenue une république indépendante en 1975.

361 Le seul article, à ma connaissance, qui aborde les masques de la famille Aguidissou da Costa est celui de Rachida De Souza Ayari (1995)

En outre, je me suis rendu compte que les pratiques Kaleta362 au Bénin ont en fait une origine Agudà. Celles-ci se présentent en général sous la forme d’un ou de deux masques accompagnés de musique où un petit groupe d’enfants ou éventuellement d’adultes, demandent de l’argent pendant la période de Noël. Les Kaletas sont disséminés un peu partout dans le Bénin méridional. Il s’agit d’une variation des personnages abras présents dans la bourian, comme le confirment plusieurs Agudàs et non Agudàs lors des conversations363. C’est encore tôt pour affirmer que les kaletas sont issues directement de la bourian ou sont arrivés à peu près au même moment que celles-ci et cela n’est d’aucune manière un des buts de ce travail, mais les Kaletas sont certainement une manifestation « en parallèle » à la bourian et celle-ci sera mentionnée par mes interlocuteurs tout au long de ce travail.

362 Dites aussi « Caleta » ou « Careta ». Au Nigéria, on parle plutôt de Carretas. Il s’agit cependant d’une manifestation qui prend un aspect différent de celle qu’on trouve au Bénin et au Togo. D’après Laotan (1961) l’ensemble du défilé de masques ayant lieu pendant les Pâques, incluant les masques des animaux, était ainsi appelé à son époque.

363 Kaleta vient du portugais « Careta » (grimace), souvent utilisé comme un synonyme de « masque ». Le terme et la pratique existent encore de nos jours au Portugal et au Brésil, évidemment avec des variations et adaptations locales. Cele est une des pistes que j’essaye de suivre dans mes recherches sur la circulation de masques. D’ailleurs, les Kaletas étaient fréquentes dans le Sud-Togo, mais cette pratique semble avoir beaucoup décliné dans les dernières décennies.

Fig.  3-­‐4  :  Kaletas  

Pratique de Kaleta à Ouidah pendant la période de Noël de 2014. On danse pour quelques petites contributions en argent ; néanmoins, il ne s’agit pas d’aumône. En haut : pratique de Kaleta par des enfants. En bas : pratique de Kaleta par des adultes.

En revenant à la question des dates-clés du cycle annuel pour l’étude de la bourian, la principale est, sans doute, la fête du Bonfim que se tient en janvier à Porto-Novo. C’est pour cette raison que j’ai décidé de m’établir dans cette ville lors de mon long séjour de terrain (presque six mois) en 2013. Le but principal était celui d’être proche de la bourian de l’Association des ressortissants Brésiliens de Porto-Novo, connue aussi comme « bourian des Amaral », en référence à la famille de son actuel chef, Auguste. J’avais déjà assisté partiellement à la fête en 2010, lors de mon premier séjour en Afrique, et c’est à l’occasion de cette fête que j’ai pu rencontrer Milton Guran, anthropologue brésilien, auteur du livre-référence Agudàs, les « Brésiliens » du Bénin (1999), qui m’a stimulé et poussé à travailler sur la musique des Agudàs. Jusqu’à cette rencontre, je savais que je voulais étudier les Agudàs, mais je n’étais pas encore sûr de l’aspect que je devrais mettre en valeur. J’ai donc suivi ses conseils.

Lors du long séjour de 2013, je me suis donc basé à Porto-Novo, afin de compenser les deux séjours antérieurs, où Ouidah avait pris une place prédominante. J’ai fait de ces deux groupes, le De Souza de Ouidah et l’Amaral de Porto-Novo, mes « groupes témoins » (Sardan 1995), et à partir de ceux-ci, j’ai étendu mes réseaux, parfois en contrepoint avec ces groupes initiaux364. Pendant ce long séjour, j’ai fait des voyages, en général d’une durée d’environ une semaine dans la région des villes d’Abomey365 et Bohycon, et la région des collines (villes de Savalou et Dassa-Zoumé). Un de ces voyages se prolonge par le passage de la frontière du Togo, situé à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest d’Abomey.

Pour pouvoir contextualiser mon objet, j’ai cherché à assister au maximum de manifestations et de fêtes populaires où sont présents les masques, musiques, danses, évocations d’ancestralité, etc. bref, ce que j'appelle la « célébration de traditions ». En

364 L’extrait suivant d’Olivier de Sardan (1995 : 99-100), résume bien sa pensée à ce sujet. « Il est en général utile, voire nécessaire, de se donner un lieu de recherche intensif, portant sur un ensemble social d’interconnaissance, qui puisse servir ensuite de base de référence pour des enquêtes plus extensives. [...] Le piège, où beaucoup sont tombés, serait évidemment de s’enfermer dans ce « groupe témoin », et de ne plus produire que des monographies exhaustives de microcommunautés. Le passage à une enquête plus extensive, où les séjours sur un site se comptent en jours et non plus en mois, semble en effet indispensable. Le travail antérieur dans le « groupe témoin » permet alors de rentabiliser le travail extensif, en fournissant un étalonnage de référence. Car comment comparer sans avoir une base de comparaison ? »

plus, à ces occasions, ceux qui viennent participer à la fête sont généralement dans un état d’esprit particulièrement ouvert et assez disponibles pour des conversations et entretiens. C’était le cas de la fête de l’igname à Savalou mais aussi de la fête de Notsè, au centre sud du Togo, ma première destination dans cette incursion de 40 jours au Togo. De Notsè, je suis la route sud vers Lomé, où j’obtiens de très bons résultats, parmi lesquels un long entretien avec le Chacha VIII, le mito (chef) de la famille De Souza, et ensuite un séjour dans la région d’Anécho, à l’extrême Est du Togo, frontière avec le Bénin. Ce séjour se montre très fructueux, notamment par les jours passés au village d’Atouéta, où j’ai pu retrouver la seule bourian en activité au Togo de nos jours. C’est toujours dans la même région, mais cette fois littéralement au milieu de la brousse, que j’ai pu, pendant deux jours, m’entretenir avec Roberto Pazzi, linguiste et prêtre catholique, dont Bruno Martinelli m’avait offert la copie de ses dictionnaires analytiques des langues locales en m’en conseillant vivement la lecture, en soulignant que Pazzi était le plus grand connaisseur occidental des langues et des cultures locales. Martinelli, qui a été plusieurs fois dans la région d’Anécho, n’a pourtant jamais réussi à rencontrer Pazzi personnellement. Cela s’explique : Pazzi est, on pourrait dire, un prêtre ermite. Pieds nus, il habite depuis des décennies dans une cabane sans courant