• Aucun résultat trouvé

Chapitre II : Dépôt et re-vaporisation des PFs : état-de-l’art

5. Re-vaporisation de dépôts de produits de fission

5.6. Travaux réalisés à l’Université d’Etat de Moscou et à l’Institut de Chimie Physique

Les travaux réalisés par les chercheurs russes ont ciblé l’interaction entre le CsI et l’oxygène de l’air à haute température ([56] et [57]), ainsi que l’interaction entre le CsI, l’O2

et la vapeur d’eau ([58]). L’objectif était d’établir la spéciation chimique de l’iode résultant de ces interactions.

Il s’agit d’expériences à petite échelle. Dans une première série d’essais ([56]), 100 mg de CsI ont été placés dans un tube en quartz (L = 13 cm et i = 0,6 cm). Le tube est

ensuite soumis à un cycle thermique : un premier chauffage jusqu’à 1000°C pendant 90 s, puis une seconde phase de chauffage à 1280°C pendant 10 s sous air ambiant pour les deux cycles. Après ce cycle thermique, le tube est fermé et refroidi dans un bain d’eau glacée. L’apparition d’un dépôt brun sur les parois du tube a été constatée. Afin de récupérer le dépôt, le tube est rempli 5-6 fois avec du benzène, pendant 3h à chaque fois. Les solutions ainsi obtenues sont analysées par des techniques spectroscopiques.

La deuxième série d’essais ([57]) a été réalisée dans un montage plus élaboré (Figure 25). Le protocole expérimental a été modifié comme suit :

- Deux gammes de température ont été étudiées : 630-660°C et 1200-1250°C ; - Un débit constant d’air sec (10 ml/s) a été assuré pendant toute la durée de l’essai ; - Le CsI a été marqué avec de l’131I. Et deux quantités initiales ont été testées : 1 et

100 mg ;

- Le dépôt est récupéré après lavage dans une solution aqueuse de KOH (3%) et l’activité de l’iode radioactif est mesurée par spectrométrie gamma.

Figure 25. Schéma du dispositif expérimental utilisé pour l'étude de l'interaction entre le CsI et l'air à haute température ([57]) : cellule quartz avec CsI (1) ; ampoule en quartz (2) ; sortie produits de réaction volatils (3) ; entrée gaz réactionnel (4) ; bouchon caoutchouc (5) ; refroidisseur en verre pour la récupération

Les résultats ont révélé la formation d’iode moléculaire dans ces conditions expérimentales. Il a été constaté que la quantité d’iode moléculaire dépend de la température finale du cycle thermique, ainsi que de la durée de celui-ci. Ainsi, à 630-660°C, une fraction infime d’I2 est formée (<0,01% par rapport à la quantité initiale d’iode), à 1000-

1200°C cette quantité représente 2,7% de l’iode initiale, et à 1200-1250°C la fraction d’I2 est

de 10,2-16,3%. Des analyses supplémentaires ont permis de mettre en évidence la formation des ions iodates IO3- mais en très faible quantité (<10-3% par rapport à la quantité initiale, de

l’ordre du µg d’après les auteurs).

Dans une autre étude ([58]), l’hydrolyse des aérosols de CsI en présence d’oxygène a été étudiée. Les auteurs indiquent qu’à haute température et en présence de vapeur d’eau, la réaction suivante est possible :

4CsI + 2H2O + O2 4CsOH + 2I2 (Eq. 3)

Les essais ont été réalisés dans la gamme de température 630-1300°C, et dans des atmosphères mixtes argon/vapeur d’eau et air/vapeur d’eau (teneur vapeur d’eau : 3-93 % vol.). Les analyses post-essais ont été faites par spectrométrie gamma en mesurant l’activité de 137Cs et de 131I.

Le montage expérimental (Figure 26) comprend une chambre réactionnelle (1) avec un élément chauffant en platine (2), suivi d’une colonne (4) remplie de limaille (piège d’aérosols). En aval une série des condenseurs (6 et 7) et des bulleurs Na2SO3 0,05M (5)

permet de piéger les espèces iodées gazeuses.

Figure 26. Schéma du dispositif expérimental utilisé pour l'étude de l'hydrolyse de CsI ([58])

Les résultats de cette étude montrent une dépendance de la quantité d’iode moléculaire formé en fonction des différents paramètres expérimentaux. Ainsi, il a été observé que :

- La quantité d’iode moléculaire formé augmente avec la fraction de vapeur d’eau dans l’atmosphère air/vapeur d’eau ; sous argon ou argon/vapeur d’eau la spéciation du CsI ne semble pas changer (pour une quantité initiale de 1 mg) ;

- La quantité relative de CsI par rapport à l’O2 semble jouer un rôle sur le relâchement

d’iode (sous air). Ainsi, quand la quantité initiale de CsI a été portée de 1 mg à 100 mg, il a été constaté que le rapport Cs/I reste proche de la valeur théorique (1,05), ce qui n’est pas cohérent avec les expériences avec 1 mg de CsI ;

- L’interaction de 100 mg de CsI dans une atmosphère mixte air/vapeur d’eau (H2O 30-

50 % vol.) donne un ratio Cs/I de 0,95-0,97 dans la chambre réactionnelle, que les auteurs ont attribué à la formation des espèces chimiques iodées HI et HIO3.

5.7.

Etude réalisée à Chalmers University of Technology (CUT)

Cette étude, déjà citée précédemment ([49]), s’est focalisée sur le dépôt et la re- vaporisation des monocouches d’oxyde d’iode et d’iodure de césium (marqué à l’131I) depuis des surfaces représentatives de celles de l’enceinte de confinement d’un REP, à savoir diverses surfaces métalliques (aluminium, cuivre, zinc, acier inox) ainsi que certaines surfaces peintes (peinture époxy Teknopox Aqua VA). Trois conditions expérimentales de re- vaporisation ont été testées :

- Sous air humide (chauffage d’un réservoir contenant de l’eau, équilibre liquide- vapeur) dans la gamme de température ambiante – 250°C (montée en température avec un gradient défini) ;

- Sous air sec dans la gamme de température : ambiante, 50°C et 150°C ;

- Sous air sec avec une température de 50°C et sous irradiation (source 60Co, débit de dose 14 kGy/h) ;

Bien que les conditions expérimentales ne soient pas représentatives de celles du circuit primaire en cas d’accident (particulièrement en ce qui concerne la gamme de température et la nature de l’atmosphère), les résultats présentent des tendances intéressantes. Ci-après sont présentés les résultats concernant la re-vaporisation du CsI seulement à partir d’acier 316 (les autres matériaux étant moins représentatifs des surfaces du circuit primaire) :

- Sous air sec, l’iode se re-vaporise d’ores et déjà à température ambiante depuis la surface d’acier 316. Après 96h, jusqu’à 40% de l’iode déposé se re-vaporise et le phénomène s’accélère avec la température (à 150°C moins de 10% d’iode reste à la surface après 100 h) (Figure 27) ;

- Sous air humide, le dépôt est rapidement lixivié par l’humidité de l’air et aucune trace n’est détectée ;

- Dans les conditions de la 3ème série d’essais, après 20 h d’irradiation, moins de 10 % d’131I est détecté à la surface du coupon en acier 316.

Figure 27. Activité de l'131I sur la surface d'acier 316 (ligne rouge points triangles) en fonction du temps à 150°C ([49])