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Il existe un grand nombre d’études analysant les effets de l’entraînement. L’une des pionnières est celle de Eleanor A. Maguire et son équipe (Maguire et al., 2000). Dans cette étude, les chercheurs ont comparé un groupe de conducteurs de taxis londoniens à un groupe semblable contrôle, à l’aide de l’IRMa. Ils ont trouvé une organisation cérébrale différente entre ces deux groupes, c’est-à-dire des différences dans la structure spécifique aux hippocampes. En comparaison au groupe contrôle, les conducteurs de taxis ont un volume significativement plus élevé de matière grise dans la partie postérieure de l’hippocampe. Les chercheurs expliquent ces différences du fait de la complexité des rues de Londres, ainsi que de l’examen à passer pour obtenir une licence. Un autre point très intéressant est que les chercheurs ont trouvé une corrélation entre les changements corticaux observés, du fait de leur métier, avec le nombre d’années d’expérience. Plus précisément, le volume de l’hippocampe droit corrèle positivement avec le temps passé à exercer cette profession. La plasticité cérébrale est donc reliée directement au type d’activité mais également au temps passé à exercer cette même activité. Les auteurs en concluent que des changements corticaux, tels que le volume de matière grise, peuvent être induits suite à une activité ‘normale’.

Effectivement, plusieurs études ont démontré que la pratique musicale est associée à une performance supérieure dans diverses tâches exécutives. Les chercheurs décrivent ce phénomène comme ‘l’avantage du musicien’ (pour revue voir : Putkinen & Saarikivi, 2018). En comparant les performances à des tests cognitifs évaluant l’inhibition et la flexibilité cognitive chez 90 enfants âgés entre 9-15 ans, ils constatent que les enfants musiciens surpassent les enfants non-musiciens dans les deux tâches, et ce, quel que soit leur âge (Korkman, 2008; Saarikivi et al., 2016). Ces

50 différences comportementales sont associées à des différences dans la structure et le fonctionnement cérébraux entre des adultes musiciens et non-musiciens, plus précisément dans des aires cérébrales impliquées dans la pratique musicale telles que les aires auditives ou sensorimotrices (Gaab & Schlaug, 2003; Gaser & Schlaug, 2003 & 2006; Bermudez & Zatorre, 2005; Bangert & Schlaug, 2006; Zatorre et al., 2007). De la même manière, plusieurs études ont démontré que les personnes bilingues présentaient de meilleures capacités cognitives que les non-bilingues (Bialystok, 2017; Lehtonen et al., 2018; Putkinen & Saarikivi, 2018). L'une de ces études a révélé que les bilingues engageaient moins le cortex cingulaire antérieur que les monolingues lors d'une tâche de Flanker, suggérant des capacités d’inhibition et un traitement des conflits plus efficaces chez les bilingues que chez les monolingues. Cette découverte a été retrouvée dans une étude en IRMf plus récente qui a montré que les bilingues présentaient moins d'activation au niveau du cortex cingulaire antérieur lors de la tâche de stop-signal (Abutalebi et al., 2012; Rodríguez-Pujadas et al., 2014).

En réponse à ces études, l’équipe de Bogdan Draganski s’est posé la question suivante : la structure du cerveau humain adulte se modifie-t-elle en réponse aux exigences environnementales ? Pour tenter d'y répondre, ils ont sélectionné 24 jeunes adultes (moyenne d’âge : 22 ± 1,6 ans) pour leur apprendre à jongler (Draganski et al., 2004). Tous les participants ont passé trois IRM à trois temps différents : avant d’apprendre à jongler, dans les trois mois qui suivent c'est-à-dire quand ils étaient capables de jongler pendant 60 secondes consécutives et enfin, trois mois après le deuxième scan sans pratiquer de jonglage. Concernant le premier scan (i.e. baseline en anglais), il n’y avait aucune différence cérébrale entre le groupe de jongleur et le groupe contrôle. En revanche, au moment du deuxième scan, les jongleurs présentaient une expansion de matière grise au niveau du temporal moyen en bilatéral et du sillon intra-pariétal postérieur gauche comparé au premier scan. Cette augmentation diminue au moment du troisième et dernier scan. Ces changements structuraux sont étroitement liés aux performances de jonglages. Cette étude contredit l’opinion générale selon laquelle la structure anatomique du cerveau humain adulte ne change pas, à l'exception des changements de morphologie causés par le vieillissement ou les conditions pathologiques. Les résultats prouvent également que la

51 plasticité cérébrale induite par l'apprentissage se reflète également au niveau structural du cerveau humain.

Cette même équipe a continué ses travaux sur la plasticité cérébrale en se demandant si un apprentissage sur les connaissances, appelées ‘abstraites’ dans l’article, impliquerait les mêmes changements cérébraux anatomiques qu’un apprentissage moteur. Pour tester cette hypothèse, ils ont analysé des étudiants allemands inscrits en médecine pendant leur période d’examens (Draganski et al., 2006). Ils ont repris le même format que l’étude précédente avec trois scans IRM à trois temps différents : en prétest, en posttest immédiat et en posttest différé. Encore une fois, il n’y a pas de différence cérébrale entre les participants au moment du premier scan. Ensuite les résultats démontrent une augmentation du volume de matière grise au niveau du cortex pariétal postérieur et de la partie inférieure en bilatéral. Ils observent également une augmentation du volume de matière grise continue entre les trois temps de l’étude au niveau des hippocampes postérieurs. Les chercheurs en concluent que la plasticité cérébrale est une caractéristique du système nerveux qui a évolué pour faire face aux changements de l'environnement. Ils mettent également en évidence que comprendre les changements dans la structure anatomique du cerveau résultant de l'apprentissage et de l'adaptation est essentiel pour comprendre la capacité de notre cerveau à s'adapter.

L’une des grandes découvertes de ces études princeps est que la plasticité cérébrale au niveau structural du cerveau existe toujours même à l’âge adulte, mais aussi chez les personnes âgées (Buschkuehl et al., 2008; Li et al., 2008; Karbach et al., 2010; Schmiedek et al., 2010; Zinke et al., 2012 & 2014; Borella et al., 2017). Elles mettent également en lumière le fait que le cerveau humain est un organe très structuré anatomiquement mais aussi très plastique et réceptif à l’apprentissage (Posner & Rothbart, 2005).

Il existe par conséquent des études réalisées chez l’enfant du fait que c’est à cette période de la vie que la plasticité cérébrale reste la plus forte. Une étude a comparé deux groupes d’enfants ayant suivi un apprentissage musical de 15 mois (Hyde et al., 2009). Le but de cette étude est de relier les changements cérébraux aux changements comportementaux. Le choix de

52 l’entraînement n’est pas anodin non plus du fait que l'apprentissage de la musique instrumentale est une expérience intense, multi sensorielle et motrice qui offre une opportunité idéale pour étudier la plasticité cérébrale. Cette étude suit le même protocole que les études décrites plus haut, c’est-à-dire deux scans IRM : un premier en prétest et un deuxième en posttest immédiat. Les résultats montrent des changements structuraux dans les aires motrices et auditives, qui sont corrélés avec les performances comportementales. Une autre étude encore (Diamond & Lee, 2011; Diamond, 2012) démontre que plusieurs activités permettent d’améliorer les performances aux fonctions exécutives comme : un entraînement informatisé, des jeux non informatisés, de l’aérobic, des arts martiaux, du yoga, de la méditation (i.e. mindfulness en anglais) et des programmes scolaires adaptés.

Grâce à ces multiples études, on sait que tous les programmes qui présentent des résultats probants sont des programmes qui impliquent un entraînement, répété avec une difficulté adaptée à l’enfant et surtout croissante tout au long de la période d’apprentissage. En effet, la difficulté croissante est indispensable pour empêcher l’automatisation des processus cognitifs, et également empêcher la mise en place de stratégies (Green & Bavelier, 2008; Klingberg, 2010; Enriquez-Geppert et al., 2013). Pour que l’entraînement soit efficace, les capacités cognitives doivent être challengées tout au long de la durée de l’apprentissage. Ceci fonctionne exactement comme pour un programme d’entraînement sportif pour lequel l’intensité ou la répétition d’un mouvement sont augmentées à chaque séance afin de progresser (Diamond & Lee, 2011; Diamond & Ling, 2016). Le deuxième point à prendre en compte est la durée et la fréquence de l’entraînement. Plus l’entraînement est long avec une fréquence répétée, plus les résultats sont forts aussi bien au niveau comportemental que cérébral (Diamond & Ling, 2016; Chavan et al., 2017), même s'il est vrai qu'un unique entraînement de quelques minutes seulement chez l’adulte peut induire une amélioration de performance et un changement au niveau cérébral fonctionnel (Houdé et al., 2000). Le troisième point à prendre en compte est la motivation des participants. En effet, leur implication et leur désir de s’améliorer doivent être présents tout au long de la durée de l’entraînement (Green & Bavelier, 2008). Si les tâches utilisées durant l’apprentissage sont considérées comme ennuyeuses ou répétitives par les participants, cela aura des effets négatifs

53 sur les résultats. De la même manière, si les participants n’ont pas de retours (i.e. feedbacks) ou de récompenses selon leurs performances, cela influencera leur motivation et donc leur performance. Et enfin, le dernier point à prendre en compte dans la mesure de l’effet d’un entraînement doit être le fait de comparer le groupe suivant un entraînement à un groupe contrôle ou témoin (Jolles et al., 2010; Wujcik et al., 2017) et tout particulièrement en comparant à un groupe de contrôle actif qui suit un entraînement. Par exemple il est possible de proposer aux participants du groupe contrôle de répondre à des questions de culture générale de type Incollables®. Dans ce cas, les participants du groupe contrôle ainsi que ceux du groupe suivant l’entraînement sont face aux mêmes attentes et donc à la même motivation (Diamong & Ling, 2016).

Malgré ce que l’on sait pour l’instant grâce aux différentes études, il manque cependant toujours une étude de l’effet de l’entraînement cognitif ‘pur’ chez l’enfant (Karbach & Unger, 2014; Karbach et al., 2017; Wiebe & Karbach 2017), parce que les résultats de ce type d’étude permettraient de pouvoir être capable de fournir des interventions (i.e. des entraînements) qui seraient désignées pour compenser des déficits exécutifs liés au développement et au déclin cognitif dû au vieillissement.

II.

Les effets de transfert dans les études de l’entraînement des fonctions