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5.3 Travail et récidive

5.3.1 Point de situation en Suisse

Nous l’avons vu plus haut dans le cadre de référence, le travail durant la détention est considéré comme important et utile pour de multiples raisons, la principale étant que le travail en prison permet de maintenir un rythme et des compétences que demandera un employeur à la sortie. Pour cette raison, en Suisse, le travail durant une peine est obligatoire. C’est d’ailleurs le cas aux Etablissements de Bellechasse.

Bien que peu d’études soient existantes, l’administration pénitentiaire est consciente que le fait d’avoir un emploi à la sortie de prison augmente la stabilité de la personne et diminue parallèlement ses risques de récidive. C’est ainsi que, en vue d’un allègement de régime dès la moitié de sa peine, le détenu peut demander sa semi-liberté7 à la seule condition qu’il ait un contrat de travail.

Ne reste plus qu’aux établissements pénitentiaires helvétiques et aux autorités de placement (les cantons qui ont condamné et qui sont responsables de l’exécution de la peine) à donner les moyens à leurs détenus de trouver du travail. Ce n’est hélas pas toujours le cas.

Dénicher un contrat n’est pas simple, car s’il faut le faire depuis un pénitencier, avec accès limité à l’extérieur, des contacts faibles avec les agences de placement et sans lien aux sites internet contenant un panel important d’offre d’emplois, la tâche devient extrêmement difficile.

Les autorités ont souvent une tendance à dire aux détenus de se prendre en main pour rechercher du travail mais peinent à leur donner les moyens pour y arriver. Il faut parfois trouver un emploi avec une permission de quelques heures. Et si le détenu n’est pas parvenu à trouver du travail dans ce temps donné, il n’est pas certain qu’il puisse obtenir une deuxième permission.

7 Appelé régime de travail externe depuis le 01.01.2007 avec l’entrée en vigueur du nouveau code pénal

5.3.2 Etat des recherches

Plusieurs recherches ont été effectuées sur le sujet, hélas aucune en Suisse, et toutes décrivent une relation non négligeable entre travail et récidive, avec presque systématiquement une relation faite avec la formation du détenu, qu’elle ait été réalisée antérieurement à la peine ou durant le séjour.

Baader & Shea (2007) le disent par exemple très explicitement : « Nous avons constaté que le taux de récidive baisse de manière significative, entre 20 et 50 points, pour les sortants de prison qui obtiennent un emploi stable, mais que la grande majorité des ex-détenus n’appartient pas à cette catégorie. Les causes sont multiples, telles que le profil professionnel antérieur des détenus, les difficultés rencontrées à la sortie et les carences du travail et de la formation en prison » (Baader & Shea, 2007, p. 13).

D’autres études confirment ces différences importantes et significatives. On citera ici Gendreau, Little & Goggin (1996) qui observent la force que l’emploi peut avoir à la sortie : « L’emploi est un excellent outil de réadaptation. Différentes analyses ont permis de confirmer de façon empirique que l’emploi constitue un facteur de risque d’importance moyenne pour la récidive chez les délinquants » (Gendreau, Little &

Goggin, 1996, pp. 575-607, trad.). Steurer (2003) perçoit également les mêmes effets, dans sa recherche : « Research has shown that employment is a key factor in the successful reentry of offenders into the community after incarceration » (Steurer, 2003, p. 17).

Quant à Lochner (2004), son analyse américaine est plus basée sur la comparaison entre les salaires perçus à la sortie de prison et la récidive. Et là aussi, il discerne une corrélation négative entre le crime et les salaires : « A number of recent studies have empirically estimated a significant negative correlation between wages and crime using both cross-sectional variation in individual wages and time series variation in average wages across locations » (Lochner, 2004, p. 11). Il affirme donc que plus le salaire est élevé à la sortie, moins le risqué de se retrouver dans la délinquance est élevé.

On distingue donc que l’instabilité de l’emploi constitue sans nul doute un des principaux facteurs de risque et de besoins chez les délinquants. Motiuk (1996) signale de plus que « Les délinquants qui n’ont jamais occupé d’emploi stable risquent beaucoup plus de récidiver que ceux qui ont des antécédents d’emploi stable. On pourrait par conséquent réduire considérablement la récidive en déterminant la situation sur le plan de l’emploi d’un délinquant au moment de son arrestation. Donc l’analyse de ses besoins à son admission dans un établissement pénitentiaire, et en suivant son évolution dans le milieu du travail pourraient constituer des objectifs de programme de formation ou éducatif » (Motiuk, 1996, p.

1). L’idée de Motiuk est bonne, mais en règle générale, la mission judiciaire à ce moment de la situation est l’instruction de l’affaire en cours, et sa tâche de réinsertion du détenu est réléguée au second, voire au troisième plan. C’est

pourtant idéalement dans ce sens-là qu’il faudrait aller. Seul bémol à cette vision de cet auteur : Motiuk oublie les effets du choc carcéral des premiers jours ou des premières semaines d’incarcération ; une personne qui vient d’être arrêtée est rarement en état de penser ou de réfléchir à ses besoins en terme de formation pour son avenir, ses besoins étant beaucoup plus proche de la situation vécue que future.

Aussi, malgré toutes ces connaissances et ces études, et sachant qu’une des raisons de l’incarcération était en partie due à l’absence de travail, le constat est identique chez Baader & Shea (2007) en France que chez Simon (1999) en Grande-Bretagne dans son livre sur le travail des prisonniers : les sortants de prison se trouvent dans une situation pire une année après la sortie qu’une année avant.

Et c’est aussi ce que résument avec un peu de dépit Baader & Shea : « La recherche confirme ce que les détenus ne cessent de répéter : un emploi stable à la sortie est un facteur important dans la prévention de la récidive. Or seul 25 % des sortants réussissent à trouver une activité professionnelle régulière dans les douze mois après la sortie » (Baader & Shea, 2007, p. 1).

6 A NALYSE QUANTITATIVE : LES EFFETS DE LA FORMATION

SUR LA RECIDIVE