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5.2.1 État des recherches internationales

Il a été possible de recenser plusieurs recherches relativement similaires à l’analyse que nous réalisons ici. Toutes ont cependant des spécificités et il n’est hélas pas possible de les comparer telles quelles à notre étude. Aucune recherche n’a à notre connaissance été réalisée sur le sujet en Suisse. Relevons les résultats des recherches les plus complètes :

Fabelo (2000) a réalisé son étude sur 25’000 détenus au Texas. Ce chercheur a vérifié la relation entre la conclusion d’une formation certifiante et la récidive deux ans après la sortie de prison. Le constat de ce chercheur est clair : plus les détenus sont formés, moins ils récidivent : « In general, inmates with higher levels of education tend to have lower recidivism rates. Inmates with a 9th grade education or higher had a 18 % lower recidivism rate than those with a 4th grade education or lower (14 % were re-incarcerated after 2 years compared to 17 %) » (Fabelo, 2000, p. 1). Il faut encore signaler une particularité de cette étude : le plus grand effet de baisse de récidive a eu lieu chez les analphabètes et les illettrés qui ont appris à lire : « The largest impact on recidivism rates occured when high risk inmates (young property offenders) who were Nonreaders became Readers. High risk Nonreaders who learned to read had a 37 % lower recidivism rate than high risk Nonreaders who did not learn to read (19 % recidivism rate compared to 30 %) » (Fabelo, 2000, p. 1).

Boe (1998) a effectué une vaste étude sur plus de 6000 personnes au Canada, effectuant un suivi également durant les 24 mois suivant la sortie de prison. Il résume sa recherche en observant que la progression scolaire des participants « a une incidence modeste mais décisive sur les résultats de la mise en liberté du délinquant. (…) Les participants aux programmes de FBA dont la progression scolaire n’atteignait pas la moyenne avaient un taux de réincarcération de 40 %.

(…) Les participants dont la progression devançait la moyenne avaient un taux de réincarcération de 35 % » (Boe, 1998, p. 6). Malgré une faible incidence, il faut constater chez Boe que des effets ont lieu et qu’il vaut la peine de poursuivre dans cette voie.

D’autres recherches quelque peu semblables donnent des résultats comparables, comme celle de Karpowitz & Kenner (1997) qui perçoivent une réduction drastique de la réincarcération de 29 % dans trois Etats des USA. Lochner & Moretti (2004), ont également perçu une probabilité d’incarcération et de taux d’arrestation plus faible grâce à la formation en prison dans une étude américaine datant de 2004.

Ryan & Mauldin (1994) ont réalisé une recherche pour résumer l’état des lieux des recherches traitant la relation formation en prison et récidive : ils ont analysé 97 articles publiés entre 1969 et 1993. Ils ont examiné le lien entre l’éducation en milieu correctionnel et les taux de récidive. Les auteurs font état de solides données démontrant une relation positive entre l’éducation en milieu correctionnel et une baisse de la récidive. Des 97 articles, 83 présentaient des preuves documentées d’un contrôle de la récidive par l’éducation en milieu correctionnel, soit 85 %, tandis que seulement 14 de ces articles démontraient une relation négative ou nulle, soit 15 %.

Steurer (2003), dans son étude effectuée pour trois Etats américains (Ohio, Minnesota et Maryland), perçoit un effet significatif de la formation en prison : « The re-arrest, re-conviction, and re-incarceration rates were lower for correctional education participants compared to the non-participants, and in every category the differences were statistically significant » (Steurer, 2003, p. 39-40). L’élément intéressant dans son analyse est que Steurer a déterminé le niveau de formation antérieur des détenus : « In order to assess the impact of education, we wanted to determinate where both study groups were in terms of their educational backgrounds. Only 37.7 % of the education participants reported completing high school, GED, vocational training or college compared to 57.9 % of the participants placing the participants at a higher risk of recidivism than the non-participants.» (Steurer, 2003, p. 19).

En principe, le constat suivant a été observé : dans tout type de formation, que cela soit en prison ou à l’extérieur, les personnes les mieux formées continuent de se former encore plus, alors que les moins formés ont tendance à délaisser la formation. Dans cette étude de Steurer, ce n’est pas le cas, c’est même le contraire.

Quelle en sont les conséquences pour l’étude ? Les participants aux cours étant de très faible niveau de formation ont un risque de récidive plus élevé que les non participants. Et cette variable pourrait modifier le résultat. Et pourtant, malgré cette spécificité, le résultat est sans appel : il y a une différence significative de plus de 10

% entre les deux groupes, les participants aux formations étant les moins récidivistes. Nous serons attentifs à cette variable-là dans le cadre de notre étude, comme nous le verrons plus loin.

Nous mentionnerons tout de même une étude dans laquelle a été perçu un effet nul, voire négatif sur la récidive. Allen (2006) observe qu’il n’existe aucun effet de la formation en prison dans son étude et affirme que ce sont les caractéristiques individuelles qui déterminent si le détenu va récidiver ou pas, ce qui biaise ses analyses sur les effets de la formation : « Although individual characteristics may determinate both whether an inmate enrolls in an educational course and whether they choose to recidivate, we are unable to conclude that the programms themselves reduce recidivism » (Allen, 2006, p. 4). Il dit également qu’il existe des variables plus importantes, plus influents et significatives que la formation, comme les contacts avec la drogue ou l’alcool.

Il va même plus loin dans sa critique de la formation en prison en disant : « We suspect the relationship between participating in a prison course and recidivating to be endogenous. » (Allen, 2006, p. 15), reprenant à son compte les réflexions des

sociologues Brewster & Sharp (2002, pp. 314-334), lesquels pensent que la formation en prison peut donner aux détenus des espoirs de succès inespérés, qui une fois déçus, se manifesteront dans la frustration et ceux-là retourneront éventuellement dans des activités délictueuses.

Il prend aussi à son compte les remarques de Katz & Levitt (2003, pp. 318 – 343) qui disent que les programmes de formation et d’éducation en prison peuvent réduire la valeur dissuasive de la prison en l’humanisant, ceci augmentant les risques de nouveaux délits.

5.2.2 Etat des recherches en Suisse

Si quelques études ont été effectuées au niveau international, comme on a pu le voir ci-dessus, il est extrêmement difficile de trouver une analyse de ce type en Suisse. Tosi (1989), qui s’est penché sur le thème de la formation en prison (sans relation avec la récidive) en 1989, faisait déjà état de cette situation : « En Europe, peu d’auteurs se sont occupés du sujet en question ; en Suisse moins encore.

Toute recherche dans ce domaine est nécessairement confrontée à un manque endémique d’études, à des statistiques partielles, biaisées, peu fiables et peu valides. (…) Chaque établissement de détention publiant un rapport annuel, quelques pages sont parfois dédiées à la formation et aux apprentissages. Ces pages restent bien souvent assez vagues, les statistiques éventuelles ne sont pas normalisées » (Tosi, 1989, pp. 44-45).

A notre connaissance, aucune étude sur la thématique n’a jamais été effectuée en Suisse. Il faut ainsi se résoudre à observer que le terrain est vierge en la matière dans notre pays.

Seule Voyaume (2008) a présenté tout dernièrement, en été 2008, un mémoire de licence comparant deux groupes, l’un comprenant des apprentis ayant échoué ou abandonné leur apprentissage et l’autre comprenant ceux qui sont arrivés au terme de leur formation. Si l’étude n’est pas tout à fait identique, les résultats de Voyaume sont probants, puisque un écart significatif de récidive a été relevé (56 %, respectivement 28 %).

5.2.3 Recherches de l’Unesco

Dans leur « Enquête internationale sur l’état de la situation de l’éducation en prison » (De Maeyer & Rangel, à paraître), Hugo Rangel, chercheur à l’Observatoire International sur l’éducation en prison et Marc De Maeyer, directeur de l’Observatoire international sur l’Education en prison à l’Institut de l’Unesco pour l’éducation effectuent une étude similaire à ce présent travail, mais sur le plan international. Les résultats ne sont pour l’heure pas connus, mais dans un échange d’e-mails, De Maeyer ne souhaitait pas s’avancer suite à ma question de la relation entre formation et récidive : « Récidive. C’est un grand débat. Ma position est de

dire que même si l’éducation ne réduit pas la récidive, l’éducation reste un droit ! » Vu le rôle de cette instutition, il semble donc que les chercheurs ne puissent pas trop s’avancer sur ce terrain et doivent modifier leurs recherches en conséquence pour entrer dans un discours correspondant au cadre « Unesco ».