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Transposition au cas irrégulier : le théorème de Yen

Chapitre 4 Echantillonnage irrégulier et interpolation 73

1.2 Transposition au cas irrégulier : le théorème de Yen

Le théorème de Shannon peut être transposé au cas d’un échantillonnage irrégulier,

c’est-à-dire un échantillonnage dont le pas entre deux échantillons voisins n’est pas constant. S’il existe

une fonctionγ continue et inversible deRdansRtelle queγ(t

n

) =nT et telle quef(γ

−1

(.))

1. Théorèmes d’échantillonnage 77

−1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 −2 −1 0 1 2 3 4 5 6

FIG.4.5: Même exemple que Figure4.2, cependant quelques échantillons ont été ajoutés. La fréquence

d’échantillonnage est doublée sur une portion du signal. L’interpolateur idéal “sinus cardinal” doit

s’adapter à la position des échantillons afin que ses zéros suivent la même irrégularité.

manière suivante [Clark 85] :

f(t) =

+∞

X

n=−∞

f(t

n

)sinc(ω

0

(γ(t)−nT))

Pour démontrer ce résultat, supposons qu’une telle fonctionγ, c’est à dire que la fonction

f(γ

−1

(.))respecte le critère de Shannon. Alorsf(γ

−1

(.))peut s’écrire :

f(γ

−1

(t)) =

+∞

X

n=−∞

f(γ

−1

(nT))sinc(ω

0

(t−nT))

=

+∞

X

n=−∞

f(t

n

)sinc(ω

0

(t−nT))

Et, par changement de variableτ =γ

−1

(t), on obtient :

f(τ)) =

+∞

X

n=−∞

f(t

n

)sinc(ω

0

(γ(τ)−nT))

Ce qui démontre le résulat.

Remarquons que dans le cas oùγ est la fonction identité, c’est-à-dire lorsque

l’échantillon-nage est régulier, on retombe bien sur le théorème de Shannon énoncé dans le précédent

para-graphe.

Dans le cas régulier, la même fonction interpolatrice (le sinus cardinal) est appliquée à

chaque échantillon. L’interpolation (ou le filtrage) est alors dite “uniforme” ou spatialement

invariante. Au contraire dans le cas irrégulier chaque échantillon pondère une fonction

inter-polatrice différente, du fait de la dépendance en γ(t). L’interpolation est alors spatialement

variante.

78 Chapitre 4. Echantillonnage irrégulier et interpolation

−1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 fonction de distorsion

FIG.4.6: Fonction de distorsion associée à l’exemple de la Figure4.5. Cette fonction effectue une

trans-formation sur le temps afin de répartir les échantillons régulièrement. Elle a été obtenu par interpolation

linéaire des pointsnT = γ(t

n

)(cercles). L’abscisse représente les instants successifs des échantillons

irréguliers ; l’ordonnée représente les instants successifs des échantillons réguliers obtenus par

trans-formation.

Cette formule d’interpolation peut s’interpréter comme la modification locale de la

fré-quence du sinus cardinal afin que celui-cis’adapteaux instants d’échantillonnage, c’est-à-dire

qu’on l’étire ou le contracte afin qu’il s’annule aux instants d’échantillonnage. Cela se voit sur la

Figure4.5, Figure qui reprend l’exemple de la Figure4.2en doublant le nombre d’échantillons

sur un certain segment.

Une autre manière d’interpréter cette formule est de voir cela comme une distortion (par

dilatations et contractions) du signal échantillonné afin que les échantillons soient

régulière-ment répartis. Cette transformation s’effectue par le biais de la fonctionγ, appelée fonction de

distorsion. Celle associée à l’exemple de la Figure4.2est représentée Figure4.6.

AppelonsS

ω0

l’ensemble des fonctions dont le spectre est contenu dans la bande[−ω

0

,+ω

0

],

donc échantillonnable à la fréquence2ω

0

. AppelonsS

ωγ0

l’ensemble des images desS

ω0

parγ().

Il est intéressant de noter que les éléments deS

ωγ0

ne sont pas nécessairement à bande limitée,

et ce, même si le nombre moyen d’échantillons respecte le critère de Nyquist. Siγ()réalise un

zoom uniforme (ie :γ(t) =at), alors la largeur de bande def est diminuée d’un facteur1/a.

f(at)←→

T F

1

aF(

ν

a)

Comme, en première approximation, γ peut être considérée comme localement linéaire, on

réalise localement des contractions/dilatations, et ainsi la largeur de bande du signal se trouve

modifiée.

Le fait de modifier la fréquence maximale d’un signal grâce à une fonction de distorsion

trouve une application directe dans la compression de données. Dans le cas de

l’échantillon-nage régulier, la fréquence d’échantillonl’échantillon-nage se fait sur la base de la fréquence maximale

glo-bale du signal. Or cette fréquence maximale peut n’apparaître que de manière très localisée

dans le signal, et ainsi on sur-échantillonne certaines portions du signal. Ce sur-échantillonnage

n’a aucune conséquence sur la reconstruction mais il est inutilement coûteux en mémoire. Au

2. Analyse spectrale 79

FIG.4.7: Spectre d’une sinusoïde sous-échantillonnée au-delà du critère de Nyquist : échantillonnage

régulier (à gauche), aléatoire (à droite).

contraire il est possible d’estimer la bande passante instantanée du signal à échantillonner et

ainsi de faire varier la densité locale en échantillons nécessaire à la reconstruction parfaite du

signal [Clark 85, Le Floch 97]. Le nombre d’échantillons utilisés dans ce cas est le nombre

minimal (optimal du point de vue de la compression des données).

L’interpolation de Yen souffre des mêmes défauts que l’interpolation par sinus cardinal dans

le cas régulier, à savoir la complexité algorithmique, la décroissance lente et le ringing. Elle

est donc très peu utilisée en pratique. Une application directe du théorème de Yen est faite

dans [Ahumada 89], par le biais de réseaux de neurones.

1.3 Comparaison d’une interpolation à partir d’un sous-échantillonnage

régulier vs. irrégulier

Un exemple de conséquence spectrale du sous-échantillonnage d’un signal est donnée

Fi-gure4.7. Ces courbes ont été obtenue en sous-échantillonnant une sinusoïde de manière

régu-lière dans un cas, et aléatoire dans l’autre. Dans le cas régulier l’énergie est concentrée sur deux

fréquences. C’est la conséquence de l’aliasing. Dans le cas aléatoire, cette énergie est répartie

sur une large bande de fréquences. Le signal résultant n’a pas de cohérence, il ne véhicule pas

d’information.

La Figure4.8montre le résultat de l’interpolation de l’image CZP dans les cas régulier et

ir-régulier. Comme on peut le voir, les cercles concentriques résultants du repliement spectral sont

transformés en bruit. Ainsi, l’échantillonnage irrégulier permet de supprimer une information

erronée.

Du point de vue perceptif, il est rapporté que les symétries et la répétition d’un signal

basse-fréquence sont hautement perceptibles, et sont difficiles à éliminer perceptuellement [Oliva 06,

Barstow 53,Huang 65].

2 Analyse spectrale

Comme l’illustre la Figure 4.8, l’échantillonnage aléatoire a pour propriété de convertir

l’effet de Moiré, inhérent à l’échantillonnage régulier, en bruit. Il s’agit dans les deux cas de

la conséquence du repliement spectral. La littérature dans le domaine a tendance à parler de

80 Chapitre 4. Echantillonnage irrégulier et interpolation

(a) (b)

(c) (d)

FIG. 4.8: (a) Image CZP sous-échantillonnée irrégulièrement. (b) Image CZP sous-échantillonnée

ré-gulièrement. 1 échantillon sur 9 a été conservé dans les deux cas. (c) image irrégulière interpolée,

psnr = 9,44dB. (d) image régulière interpolée, psnr = 9.36dB. La méthode d’interpolation

utili-sée dans les deux cas est la convolution normaliutili-sée bautili-sée sur un noyau gaussien d’écart-type 2 pixels.

Les deux images ont la même qualité objective, mais véhiculent des informations très différentes.

propriété d’anti-aliasing à propos de l’échantillonnage irrégulier. Il me semble qu’il faudrait

parler plutôt d’anti-Moiré. Car dans les deux cas, le repliement spectral intervient. C’est sa

manifestation qui diffère, et ainsi la perception que l’on en a.

C’est l’aspect fréquentiel qui permet dans le cas régulier de comprendre les conséquences du

sous-échantillonnage sur le signal. C’est pourquoi nous nous intéressons au contenu fréquentiel

des signaux échantillonnés aléatoirement.