Chapitre 5 Démosaïçage généralisé et implications pour le système visuel humain 105
2.2 Evaluation des performances des différentes mosaïques
La méthode LMMSE donne les filtres de démosaïçage linéaires optimaux au sens des moindres
carrés, et ce quelque soit le motif du capteur. Il nous permet donc de comparer les
perfor-mances des différents capteurs. Lukac a proposé une méthode adaptative s’appliquant à
n’im-porte quelle mosaïque [Lukac 05a] et effectue un comparatif des performances de différentes
mosaïques [Lukac 05a]. Le fait que notre algorithme soit linéaire le rend plus “objectif”, car il
ne sera pas biaisé par certains motifs dans l’image.
Les résultats des simulations sur la base d’images sont donnés dans la Table 5.2 en terme
de PSNR. On constate que toutes les mosaïques ne présentent pas la même qualité d’image.
Comme nous pouvions nous y attendre, la mosaïque de Bayer donne de meilleurs résultats que
les mosaïques basées sur des bandes. Cependant, la mosaïque de Lukac ainsi que la mosaïque
pseudo-irrégulière (proposée à la fin du chapitre précédent) donnent toutes les deux des résultats
supérieurs à ceux de la mosaïque de Bayer. La mosaïque irrégulière a un gain de 0.5dB de
moyenne par rapport à Bayer, et la mosaïque de Lukac un gain de 0.2dB ou 0.4dB selon son
orientation.
Nous avons également fait des simulations sur l’image “Circular Zone Plate” (CZP), dont les
résultats sont montrés à la Figure5.4. Cette image achromatique permet de bien faire apparaître
les défauts de fausses couleurs. Elle est générée par une sinusoïde de révolution, modulée en
fréquence par la position spatiale dans l’image, avec l’origine des axes pris au centre de l’image :
(x, y ∈[−256,256]
2) CZP(x, y) = 128 + 128∗sin( π
512(x
2
+y
2)) (5.15)
La particularité de cette image est que son contenu fréquentiel au voisinage d’un point (x,y) dans
118 Chapitre 5. Démosaïçage généralisé et implications pour le système visuel humain
(a) Images originale (b) Mosaïque à bandes verticales
(c) Mosaïque à bandes diagonales (d) Mosaïque de Bayer
(e) Mosaïque de Lukac (f) Mosaïque pseudo-aléatoire
FIG.5.4: Démosaïçage de l’image CZP. (a) image CZP originale ; (b-f) images reconstruites après
sous-échantillonnage à travers différentes mosaïques.
le domaine spatial correspond à la fréquence (x,y) dans le domaine de Fourier. On constate que
l’on obtient bien des fausses couleurs aux positions des porteuses de chrominance telles qu’on
2. Comparaison des performances des différents motifs d’échantillonnage pour un capteur
couleur 119
(a) (b)
(c) (d)
FIG.5.5: Démosaïçage de l’image CZP (256x256 pixels) avec simulation d’une optique circulaire
passe-bas. (a) Image originale (b-d) Reconstruction à partir de la mosaïque de Bayer, diagonale à bandes et
de la mosaïque irrégulière proposée.
peut les observer sur les spectres d’amplitude des mosaïques, excepté pour la mosaïque
pseudo-irrégulière. En effet, pour cette dernière, seul le contenu fréquentiel local importe, alors que
la transformée de Fourier nous donne l’information sur le contenu fréquentiel de l’image prise
dans sa globalité. Ainsi des porteuses localisées aux très basses fréquences apparaissent sur le
spectre (en fait tous les multiples de 1/n, n étant la taille du superpixel), mais elles
n’inter-viennent pas dans le problème du démosaïçage. Ainsi, cette image nous donne des informations
sur les fréquences spatiales qui causent effectivement du recouvrement spectral entre l’intensité
et la chrominance.
Tentons d’expliquer pourquoi les deux mosaïques (irrégulière et Lukac) donnent de meilleurs
résultats que la mosaïque de Bayer. Deux propriétés majeures interviennent dans la quantité de
recouvrement entre intensité et chrominance, et donc dans la qualité de l’image reconstruite :
1) les fréquences des porteuses de chrominances, 2) leurs orientations. La chrominance doit
être, naturellement, modulée à des fréquences les plus éloignées possible du centre du spectre.
Cependant les directions horizontales et verticales sont les orientations les plus sensibles aux
fausses couleurs dans les images naturelles [Dubois 05]. Ainsi, si l’on considère la distance
au centre, les mosaïques à bandes présentent les plus mauvaise caractéristiques, puisqu’elles
modulent au tiers de la fréquence de Nyquist. Au contraire, les mosaïques de Bayer et de
Ny-120 Chapitre 5. Démosaïçage généralisé et implications pour le système visuel humain
quist modulent la chrominance aux fréquences
12, optimisant ainsi ce critère. Cependant, la
mosaïque de Lukac préserve totalement une des deux directions horizontale ou verticale (selon
l’orientation du motif), tandis que la mosaïque de Bayer module dans les deux directions. La
mosaïque de Lukac est donc meilleure que celle de Bayer si l’on considère ce second critère,
et c’est sans doute pourquoi il y a une différence de 1dB de moyenne pour le plan B. Le
mo-tif pseudo-aléatoire préserve quant à lui les deux directions horizontales et verticales. Toutes
les chrominances ne sont pas modulées à
12de la fréquence de Nyquist, mais celles qui ne le
sont pas possèdent moins d’énergie. Par conséquent le motif pseudo-aléatoire effectue un bon
compromis entre le critère sur les fréquences et celui sur les orientations.
Les considérations que nous venons de faire sont renforcées si l’on considère que l’optique
du système est circulaire. Si cette dernière est réglée de manière à avoir un maximum de
ré-solution achromatique dans les directions verticales et horizontales sans pour autant, avoir de
repliement spectral, alors les fréquences admissibles pour la chrominance se trouvent dans les
coins du spectre. La Figure5.5(a)montre le résultats de la reconstruction de l’image CZP avec
une telle optique circulaire. Les fausses couleurs sont substantiellement réduites dans le cas
de la mosaïque irrégulière proposée. Ceci est confirmée par les mesures de qualité objective
moyennées sur la base d’images Kodak consignées Table 5.3 dans laquelle on constate, par
exemple, un gain de plus de 1 dB par rapport à la mosaïque de Bayer en présence de l’optique
passe-bas circulaire.
D’autre part, de l’effet de grille, tel que décrit par Alleysson et al., est présent dans les
images reconstruites. Il est cependant faible, du fait du bon calibrage des filtres.
3 Nouveau modèle de séparation des canaux spatiaux et
chro-matiques
Dans cette section, nous tentons de reconstruire une image couleur à partir d’une mosaïque
quelconque par un algorithme similaire à celui par sélection de fréquence (cf. p.60),
c’est-à-dire par une estimation de l’intensité puis par démodulation des porteuses de chrominance.
Contrairement à la méthode LMMSE que nous venons de décrire, dans laquelle les filtres sont
construits par apprentissage sur une base d’images, nous essayons ici de les modéliser,
c’est-à-dire que nous essayons de les déduire d’un modèle théorique.
Dans le document
L'échantillonnage spatio-chromatique dans la rétine humaine et les caméras numériques
(Page 118-121)