Chapitre 4 Echantillonnage irrégulier et interpolation 73
1.1 Echantillonnage régulier
1.1.1 Théorème de Shannon
Soit f un signal continu à une dimension, de Rdans R. La version régulièrement
échan-tillonnéef
echde ce signal s’écrit comme le produit du signal par un peigne de Dirac :
f
ech(t) = f(t)Ø
T(t) = f(t)
+∞
X
k=−∞
74 Chapitre 4. Echantillonnage irrégulier et interpolation
FIG.4.1: Schéma du spectre d’amplitude def
ech. Le spectre def est périodisé.
où T est l’intervalle entre deux échantillons. La transformée de FourierF
echdu signal
échan-tillonné est égale, par propriété de la transformée de Fourier (TF), au produit de convolution
entre la TF def et celle du peigne de DiracØ(t):
F
ech(ν) = F(ν)∗ 1
T
+∞X
k=−∞δ(ν− k
T) =
1
T
+∞X
k=−∞F(ν− k
T)
Dans le cas d’un échantillonnage régulier, le spectre def est donc périodisé. Il est répliqué tous
lesν
e=
T1(Figure4.1).
Ainsi, si le signalfest à bande limitée (c’est-à-dire si sa TF est à support borné), alors f peut
être reconstruit sans erreur à partir de ses échantillons par l’intermédiaire d’un filtre passe-bas
idéal, à condition que la fréquence d’échantillonnageν
esoit supérieure à deux fois la fréquence
maximale def. Et nous avons dans ce cas :
F(ν) = F
ech(ν)·rect
νe(ν)
où rect
νeest une porte centrée sur la fréquence nulle et de largeur ν
eet d’amplitude T. La
−1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 −2 −1 0 1 2 3 4 5 6
FIG.4.2: Sinus cardinal (en vert) pondéré par un échantillon. Il participe à la reconstruction du signal
original (en rouge). Les échantillons sont représentés en bleu. Une condition nécessaire à la
reconstruc-tion parfaite est que l’interpolateur prenne la valeur 1 à l’instant d’un échantillon et la valeur 0 aux
instants de tous les autres échantillons.
1. Théorèmes d’échantillonnage 75
FIG. 4.3: Spectre d’amplitude def
ech. Le spectre def et ses réplicats se chevauchent. On ne peut pas
récupérerfpar filtrage passe-bas.
transformée inverse d’une porte étant le sinus cardinal, le signal reconstruit s’écrit :
f(t) =
+∞
X
k=−∞
f(kT)sinc(πν
e(t−kT)) (4.1)
Ceci constitue le théorème de Shannon. La fréquenc
νe2
est appelée fréquence de Nyquist. Elle
correspond à la fréquence maximale que peut contenir le signal f si on souhaite pouvoir le
reconstruire par filtrage linéaire sans erreur.
Un signal analogique à bande limitée est donc égal à une somme pondérée de sinus
cardi-naux décalés et dont les coefficients de pondérations sont les échantillons mesurés à intervalles
réguliers. Il est à noter que si l’on veut une reconstruction sans erreur du signal, alors la fonction
d’interpolation utilisée doit valoir1en0(pour que l’on retrouve bien les échantillons mesurés)
et doit s’annuler tous lesnT (afin de ne pas perturber la valeur des échantillons mesurés). Cette
condition est remplie par la fonction sinus cardinal (Figure4.2).
Dans la pratique, la plupart des signaux ne sont pas à bande limitée, ne serait-ce que parce
que la fenêtre d’observation est nécessairement de durée limitée. Ainsi une telle reconstruction
souffre d’artefacts de reconstruction se manifestant par des oscillations le long des contours.
Cet artefact est appelé phénomène de Gibbs.
Par ailleurs le support infini de la fonction sinus cardinal rend l’implémentation exacte
irréa-lisable, puisque la somme dans l’Equation (4.1) est alors infinie. La reconstruction de signaux
à l’aide de fonctions à supports bornés, telles que les splines [Unser 99], est nettement plus
efficace. De plus la décroissance lente du sinus cardinal rend l’interpolation très sensible au
bruit.
1.1.2 Repliement spectral
Dans le cas où la condition de Shannon n’est pas repectée, c’est-à-dire lorsque ν
max, la
fréquence maximale du signal, est supérieure à la fréquence de Nyquist, alors le spectre répliqué
à la fréquenceν
evient recouvrir une partie du spectre centré en zéro (Figure4.3). C’est ce que
l’on appelle le repliement spectral, ou aliasing en anglais. Le signal reconstruit par filtrage
passe-bas n’est plus égal àf.
Les composantes fréquentielles situées au-dessus de la fréquence de Nyquist sont
transla-tées en fréquences et se retrouvent alors à des fréquences inférieures à la fréquence de Nyquist.
Ces composantes hautes fréquences sont alors perçues comme une information basse fréquence.
Cette information n’a alors pas de sens, elle est erronée. La Figure4.4illustre ce phénomène.
76 Chapitre 4. Echantillonnage irrégulier et interpolation
FIG.4.4: Illustration du phénomène de Moiré dû au repliement spectral. A gauche : signal correctement
échantillonné ; Au centre : on ne garde qu’un échantillon sur neuf, régulièrement espacés ; A droite :
image reconstruite à partir de la version sous-échantillonnée. Des motifs structurés apparaissent dans
les régions de hautes fréquences de l’image.
L’image de gauche, constituée de cercles concentriques respecte le théorème de Shannon, sa
fréquence maximale est à la limite de la fréquence de Nyquist. L’image de droite est la
recons-truction de la même image dont on a gardé un échantillon sur neuf. L’image sous-échantillonnée
viole donc largement largement le théorème de Shannon. Le résultat de l’interpolation nous
montre une image dont le contenu est totalement différent de l’image originale. Quelle est la
cible sur les neufs qui apparaissent qui correspond à la réalité ? On ne peut pas le savoir si on
ne connaît pas l’image originale.
Par ailleurs, dans le cas bi-dimensionnel, non seulement un signal de fréquence différente
peut apparaître, mais il peut également être d’orientation différente. C’est ce qui se produit
dans l’exemple de la Figure 4.4, puisque l’image reconstruite n’est pas consituée de cercles
concentriques dont les fréquences auraient été simplement démodulées. Il y a bien eu également
des changements d’orientation des motifs contenus dans l’image, aboutissant à plusieurs motifs
de cercles concentriques. Le résultat est donc une information d’autant plus trompeuse pour
l’observateur, puisque ni la fréquence ni l’orientation ne correspondent à la scène originale.
Le cas des signaux à deux dimensions a l’avantage par rapport aux signaux à une
dimen-sion de permettre des techniques adaptatives pour contourner ce repliement. Lorsqu’il y a de
l’aliasingdans une direction, d’autres directions peuvent en être exemptes.
L’aliasingpeut également se manifester dans le cas d’un échantillonnage temporel sur un
objet en mouvement, comme dans l’exemple classique des roues tournant à l’envers dans les
films.
Dans le document
L'échantillonnage spatio-chromatique dans la rétine humaine et les caméras numériques
(Page 74-77)