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Chapitre 2. État de l’art

2.3. Transport sédimentaire

2.3.1. Généralités

2.3.1.a. Structure de l’écoulement

Lorsqu’un écoulement (éolien ou marin) circule au-dessus d’une surface rugueuse, la zone proche de la surface, où la rugosité de la surface et la viscosité du fluide ont une influence sur la vitesse de l’écoulement, est appelée couche limite (Prandtl, 1935). Celle-ci est caractérisée par une zone verticale au-dessus de la surface, qui s’étend jusqu’à une limite supérieure, à partir de laquelle la vitesse de l’écoulement atteint 99% de sa vitesse totale (Schlichting et Gersten, 2000). Au sein de la couche limite, la vitesse de l’écoulement augmente avec la distance au-dessus du sol de manière logarithmique selon la loi de la paroi définie par Plandt et von Kármán :

𝑢

𝑧

𝑢

= 1

𝜅ln⁡

(

𝑧

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avec 𝑢(𝑧) la vitesse du vent u à la hauteur z, 𝑢 la vitesse de cisaillement du vent, κ la constante de Kármán (fixée à 0,4, mais peut varier selon l’intensité du transport, Li et al., 2010), et z0 la longueur de la rugosité qui dépend des caractéristiques de la surface rugueuse (taille et forme des grains pour du sable), mais peut être définie comme 1/30 du diamètre du grain (Pye et Tsoar, 1990). C’est principalement dans cette région que s’opèrent l’initiation du mouvement et le transport des grains de sable (Figure 2.3). Au-dessus de la couche limite, la surface du sol n’influence plus l’écoulement et la vitesse horizontale est égale à la vitesse de l’écoulement du fluide non perturbé à la même hauteur.

Figure 2.3. Représentation de la variation de la vitesse en fonction de l’altitude.

2.3.1.b. Modes de transport

La possibilité et la manière dont un grain de sable individuel est transporté sont régies par trois forces principales : (1) la gravité (Fg) qui maintient le grain à la surface du sol, (2) la traînée (Fd) qui déplace le grain dans le sens de l’écoulement et (3) la portance (Fl) qui est créée par la pression exercée par le fluide sur la surface du grain. Un grain stationnaire commence à vibrer, puis se déplace lorsque la vitesse de cisaillement à la surface du grain dépasse une valeur critique spécifique (c'est-à-dire que la portance verticale dépasse la force gravitationnelle, Fl>Fg). Cette valeur est connue sous le nom de vitesse de cisaillement seuil et entraîne le soulèvement vertical du grain (équation 2.2, Bagnold, 1941 ; Pye, 1983 ; Sherman et Hotta, 1990 ; Sherman et Bauer, 1993). La quantité d’énergie nécessaire pour amorcer un mouvement lorsqu'aucun autre grain n'est entraîné est plus importante que lorsqu'il y a déjà un transport actif. On parle alors de seuil statique. En revanche, lorsque les grains sont déjà entraînés par l’écoulement, d’importants transferts d’énergie s’opèrent des grains mobiles vers les grains immobiles. On parle alors de seuil dynamique. Une fois que la vitesse de cisaillement seuil est dépassée, il existe différents modes de transport (Bagnold, 1941) :

(1) Le charriage rassemble le transport de sédiments par roulement sur la surface et le transport par saltation qui caractérise les processus par lesquels les grains de sable sont soulevés et projetés

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sur une courte distance avec une trajectoire parabolique. La hauteur et le temps de trajet sont principalement liés aux caractéristiques du grain (taille, forme, densité) et de l’écoulement (turbulence, vitesse).

(2) La suspension caractérise le transport des particules sur de longues distances sans toucher le sol.

(3) Le sheet flow correspond au transport de sédiments en fine couche proche de la surface, sans nécessairement la toucher lorsque l’écoulement est intense.

2.3.2. Transport sédimentaire éolien

L’étude de la dynamique du transport de sable par le vent dans les dunes a débuté dès la moitié du XXe siècle avec les travaux de Raplh Bagnold (Bagnold, 1941). Aujourd’hui, l’étude de la dynamique des dunes dépasse les frontières terrestres avec de forts intérêts sur les mouvements dunaires de divers astres du système solaire, tels que les planètes Mars, Vénus (Claudin et Andreotti, 2006 ; Bourke et al., 2008) ou encore ceux d’une lune de Saturne, Titan (Lancaster, 2006). Grâce à ses travaux, Bagnold (1941) fut le premier à paramétrer la vitesse de cisaillement seuil (𝑢𝑡) (équation 2.2). Pour rappel, la notion de seuil à partir duquel le mouvement débute est généralement exprimée par la contrainte de cisaillement critique (𝜏𝑐). Cependant, comme il est difficile de mesurer la contrainte d’une surface (𝜏), l’initiation du mouvement est définie comme le moment où la vitesse de cisaillement (𝑢) est dépassée par la vitesse de cisaillement seuil (𝑢𝑡) qui est déterminée par :

𝑢𝑡= 𝐴

(

𝜌𝑠− 𝜌

)

⁡𝑔⁡𝐷50

𝜌 (2.2)

avec A la constante de Bagnold (correspondant à 0,1 si le grain était préalablement statique, et 0,082 s’il était déjà en mouvement), 𝜌𝑠la densité du grain, 𝜌 la densité de l’air, g la constante gravitationnelle et 𝐷50la taille de grain médian.

Ainsi, le transport par le vent se fait presque entièrement à moins de 0,5 m de la surface du sol dont près de 90 % se font à moins de 0,025 m (Bagnold, 1941). Si le transport éolien par charriage représente entre 5 % et 25% du sable transporté (Bagnold, 1941 ; Nickling et McKenna Neuman, 2009), le transport par saltation n’est pas seulement le mode dominant, mais c’est aussi le plus puissant une fois le transport initié. Ce mode de transport est notamment à l’origine de la plupart des formes éoliennes (Livingstone et Warren, 1996 ; Nickling et McKenna Neuman, 2009). Lors de la saltation, le vent ne peut pas transporter un nombre infini de grains de sable puisqu’il apporte une puissance finie aux grains qui leur permet de se déplacer. Il existe donc un seuil à partir duquel le flux de sable est saturé. Une fois atteint, il y a un équilibre entre l’écoulement et le transport de grain qui se traduit par l’absence

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d’accrétion ou d’érosion sur la surface, le nombre de grains déposés et arrachés est équivalent (Andreotti, 2004 ; Iversen et Rasmussen, 1994). Au-dessus de ce seuil, la vitesse du vent est affectée par le transport de sable et diminue. Le transport sédimentaire est donc un des processus clés intervenant dans le mouvement des systèmes dunaires, mais il n’est pas toujours évident de mesurer le flux de sédiment sur le terrain d’étude. C’est pourquoi il est généralement estimé à l’aide de modèles semi-empiriques (Bagnold, 1936 ; Kawamura, 1951 ; Zingg, 1953 ; Kadib, 1965 ; Hsu, 1973 ; Lettau and Lettau, 1978 ; Sørensen, 2004). Ces modèles incluent des constantes empiriques pour prédire le taux de transport sédimentaire, nommé q, dans des conditions environnementales idéales, avec des grains uniformes, et sur des surfaces horizontales. Ces modèles sont généralement déterminés par des expérimentations en soufflerie avec différentes vitesses de cisaillement et tailles de grain. S’il existe près d’une vingtaine de modèles pour estimer le taux de transport sédimentaire (voir Dong et al., 2003 pour une revue des différents modèles), seuls les principaux sont listés par ordre chronologique dans le Tableau 2.1.

Tableau 2.1. Modèles semi-empiriques de taux de transport sédimentaire généralement utilisés, ici, d

correspond à la taille de référence de grain, soit 0,25 mm.

Référence Modèle Notes

Bagnold (1936) 𝑞 = 𝐶 (𝐷50 𝑑 ) 0.5𝜌 𝑔𝑢 3 C=1,5 (sable uniforme) ; 1,8 (sable naturel) ;

2,8 (sable mal trié)

Kawamura (1951) 𝑞 = 𝐶𝜌 𝑔(𝑢− 𝑢∗𝑡)(𝑢− 𝑢∗𝑡) 2 C=2,78 Zingg (1953) 𝑞 = 𝐶 (𝐷50 𝑑 ) 0.75𝜌 𝑔𝑢 3 C=0,83 Owen (1964) 𝑞 =𝜌 𝑔𝑢 3(1 −𝑢∗𝑡 2 𝑢2) (𝐶1+ 𝐶2𝑤𝑠 𝑢) C1=0,25 ; C2= 0,33 ; ws : Vitesse de chute Kadib (1965) 𝑞 =Φ𝜌𝑠𝑔(𝜌𝑠−𝜌)𝑔𝐷503 𝜌 Φ : transport empirique

intégrant de manière non linéaire u* et d

Hsu

21 Lettau et Lettau (1978) 𝑞 = 𝐶 (𝐷50 𝑑 ) 0.5𝜌 𝑔(𝑢− 𝑢∗𝑡)𝑢 2 C=6,7 Sørensen (2004) 𝑞 =𝜌 𝑔𝑢 3(1 − (𝑢 𝑢𝑡) −2 ) (𝐶1+ 𝐶2(𝑢 𝑢∗𝑡) −2 + 𝐶3(𝑢 𝑢∗𝑡) −1 ) Pour d=0,17 mm, C1=0 ; C2= 3 ; C3=2,1

2.3.3. Transport sédimentaire marin

Contrairement au transport sédimentaire éolien, le calcul du transport sédimentaire marin sur les littoraux présente une grande complexité de par la variabilité de l’hydrodynamique et des différents phénomènes qui la régisse. En effet, la vitesse du fluide couvre de larges gammes d’échelles spatiotemporelles et la combinaison de flux réguliers (liés aux courants côtiers) et oscillatoires (liés aux vagues) rend difficile l’estimation des flux sédimentaires sur les plages. De plus, d’autres paramètres viennent s’ajouter tels que la variation du niveau moyen de l’eau, l’effet du déferlement des vagues qui génèrent de la turbulence favorisant la remise en suspension du sédiment (Grasso et al., 2012) ou encore l’influence de la bathymétrie (i.e., la pente moyenne de la plage et les barres sableuses). Ces paramètres induisent différents modes de transport sédimentaire qui peuvent coexister. De nombreuses formules différentes ont été développées pour estimer le transport sédimentaire marin sur les plages et s’organisent principalement autour de deux approches, une énergétique (Bagnold, 1963) et une probabiliste (Einstein, 1972). Par exemple, inspiré des formules de Bagnold (1963), Bailard (1981) a développé une formule prenant en compte les profils de vitesse instantanée vague-courant (équation 2.3) :

𝑞

𝑠

⃗⃗⃗

= 0,5𝑓𝑐𝑤 𝑔(𝑠 − 1)

(

ɛ𝑏 𝑡𝑎𝑛𝛷

[

|

𝑢

⃗ |

2𝑢

]

+ ⁡ ɛ𝑠 𝑊𝑠⁡⁡[⁡

|

𝑢

⃗ |

3𝑢

⁡]

)

(2.3)

avec 𝑞⃗⃗⃗ le transport sédimentaire, 𝑓𝑠 𝑐𝑤 le coefficient de frottement lié à l’interaction vague-courant, s la densité, ɛ𝑏 et ɛ𝑠 respectivement des facteurs d’efficacité du transport par charriage et suspension, 𝛷 l’angle de frottement du sédiment, 𝑊𝑠 la vitesse de chute, 𝑢⃗ la vitesse du courant et [ ] la moyenne sur plusieurs périodes de la vague.

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