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Chapitre 2. État de l’art

2.4. Dunes littorales

2.4.4. d. Modèles d’évolution

L’évolution de caoudeyres est ainsi le reflet d’interactions entre des processus environnementaux (abiotiques) comme le transport de sable, la vitesse du vent, les précipitations, la température, et des processus écologiques (biotiques) comme l’établissement et la croissance de la végétation qui modulent leur initiation, leur développement, leur activité ou leur stabilité (Hesp, 2002 ; Pye et Boltt, 2017). Cependant, les processus biotiques et abiotiques ne fonctionnant pas de manière indépendante, leurs rétroactions sont essentielles pour certaines étapes du développement des caoudeyres.

D’après les travaux de Corenblit et al. (2015) sur l’évolution des systèmes biotiques-abiotiques, Schwarz et al. (2019) ont proposé un modèle conceptuel afin de caractériser l’évolution des caoudeyres en utilisant trois phases de succession. La phase géomorphologique est dominée par la perturbation physique (tempêtes, inondations) et par la dynamique du relief liée aux forces hydrodynamiques, éoliennes et au transport sédimentaire. La dispersion des graines et les processus biotiques sont contrôlés par l’environnement (Corenblit et al., 2015). La phase biogéomorphologique se compose des rétroactions biomorphodynamiques intégrant la morphologie et les caractéristiques de la végétation interagissant avec les flux de transport de sable. Enfin, lorsque la fréquence et/ou l’intensité des perturbations diminuent, les changements morphologiques de l’environnement sont dictés par la végétation, c’est alors la phase écologique. Ce nouveau modèle conceptuel prend en compte les évolutions morphologiques et les rétroactions des trois phases de succession (Figure 2.16.a, b).

L’initiation d’une caoudeyre débute au stade géomorphologique (1) où son évolution est principalement contrôlée par l’accélération de l’écoulement éolien et par le transport sédimentaire qui augmente sa profondeur et sa largeur par érosion (Figure 2.16.a). Cette dynamique empêche l’établissement d’espèces végétales intolérantes à l’érosion (Figure 2.16.b, IV) ce qui en retour favorise le transport sédimentaire qui vient alimenter le lobe de dépôt, entraînant sa migration vers les terres. La phase de transition (1.5) débute lorsque l’érosion diminue à cause de l’élargissement de la caoudeyre.

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La rétroaction négative sur la biomasse s’affaiblit et laisse place à la colonisation de quelques espèces végétales tolérantes à l’érosion (Figure 2.16.b, V). Le passage au stade biogéomorphologique (2) s’effectue lorsque la végétation a atteint un couvert suffisant pour piéger le sable transporté par le vent.

À partir du stade biogéomorphologique (2), la végétation peut coloniser les parois de la caoudeyre, limitant ainsi son expansion, ainsi que le lobe de dépôt et le bassin de déflation (Figure 2.16.a). À ce stade, le développement morphologique est régi par les interactions entre les processus biotiques et abiotiques. En effet, l’érosion supprime la végétation alors que l’accrétion tend à favoriser son développement. Ainsi, la réponse de la végétation face à ces processus, à l’intensité du vent et du transport sédimentaire est cruciale pour le développement de la caoudeyre. Les espèces végétales peuvent être (I) intolérantes, (II) tolérantes ou (III) dépendantes de l’enfouissement (Maun, 2009), mais aussi (IV) intolérantes ou (V) tolérantes à l’érosion (Maun, 1994 ; McLeod et Murphy, 1983). La végétation peut aussi s’établir au niveau du lobe de dépôt entraînant une modification morphologique de ce dernier pouvant évoluer en dune parabolique (Carter et al., 1990 ; Battiau-Queney et al., 1995). Cependant, une forte perturbation supprimant cette végétation peut mener à un retour au stade géomorphologique (1). Enfin, si le couvert végétal augmente dans la caoudeyre, le transport sédimentaire va laisser place à une sédimentation continue qui va diminuer sa profondeur et sa largeur, menant ainsi au stade écologique (3).

Dans le stade écologique (3), la végétation favorise le dépôt dans le bassin de déflation au détriment du lobe de dépôt (Figure 2.16.a) grâce à la rétroaction positive entre l’accrétion de sable et la biomasse végétale qui diminue la vitesse du vent (Figure 2.16.b). Cette rétroaction positive influence la morphologie, mais aussi la composition des espèces au sein de la caoudeyre caractérisée par la succession des plantes (III) dépendantes puis (II) tolérantes et enfin (I) intolérantes à l’enfouissement. Cette succession permet un développement du sol et apporte une stabilité plus importante face à l’érosion grâce au système racinaire. Cependant, le système reste toujours sensible et d’importants dépôts de sable (apportés par une forte activité éolienne comme des tempêtes) qui peuvent enfouir la végétation, initier de nouveaux processus érosifs et ainsi amener le système dans un état transitoire (Figure 2.16.b, 2.5). Durant cette transition, la végétation n’est plus adaptée aux conditions environnementales, la diminution de la biomasse et l’augmentation de l’accrétion mènent au stade biogéomorphologique (2). Enfin, l’importance des processus biotiques et abiotiques détermine l’évolution du système vers le stade géomorphologique (1) ou écologique (3).

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Figure 2.16. Modèle conceptuel du développement des caoudeyres avec (a) la relation entre les trois

stades (géomorphologiques, biogéomorphologique et écologique) et la morphologie associée (les lignes pointillées indiquent le cours du temps) et (b) les boucles de rétroactions présentes entre

chaque stade (Schwarz et al., 2019).

Ce nouveau modèle permet d’outrepasser le modèle non cyclique qui avait été développé par Gares et Nordstrom (1995) dans lequel l’évolution des caoudeyres était définie par quatre stades avec (1) de petites entailles dans la dune qui vont (2) initier la formation de la caoudeyre puis (3) le développement d’une caoudeyre large avant (4) le début d’un comblement et d’une re-végétalisation de la caoudeyre. En effet, le modèle de Schwarz et al. (2019) se base sur les processus (accrétion, érosion, vent, croissance des plantes) permettant d’expliquer le comportement cyclique, grâce aux boucles de rétroactions, du développement des caoudeyres. Cependant, comme indiqué par les auteurs, il faut encore incorporer certains facteurs environnementaux (e.g., l’intensité et la direction des vents, les vagues, la marée et les précipitations contrôlant l’humidité du sol et le transport sédimentaire, les événements extrêmes) et écologiques (e.g., la probabilité de colonisation selon les espèces végétales, les taux de croissance selon les ressources disponibles, la sensibilité aux perturbations) et réaliser des observations à long terme afin de mieux comprendre les processus.

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