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Chapitre 3. Matériel et méthodes

3.2. Site d’étude

3.2.1. La côte girondine

La côte girondine se situe dans le sud-ouest de la France et se compose de plages sableuses s’étendant sur environ 135 km de long. Elle est délimitée par la péninsule du Médoc au Nord et la ville de Biscarosse au Sud. L’entrée du Bassin d’Arcachon, qui représente la seule échancrure de la côte, permet de diviser le littoral girondin en deux parties (1) un secteur nord de 110 km de long composé de plages sableuses d’orientation principale Ouest-Ouest-Nord-Ouest, changeant d’orientation au nord de la pointe de la Négade et (2) un secteur sud de 25 km de long de plages sableuses d’orientation nord-ouest à Ouest, fortement influencé par la dynamique des passes du bassin d’Arcachon (Figure 3.1.a).

La côte est soumise à un régime méso à macrotidal avec un marnage moyen de 3,7 m, atteignant au maximum 5 m, lors des marées de vives eaux (Castelle et al., 2015) et se compose principalement de sable quartzeux fin (125 à 250 µm) à médium (0,25 à 0,5 mm) (Pedreros et al., 1996). Les plages sont exposées à un climat de houle énergétique formé dans l’océan Atlantique Nord et arrivant avec une incidente principale d’Ouest à Nord-Ouest. Les vagues incidentes montrent une forte variabilité saisonnière avec des moyennes mensuelles de hauteurs significatives de vagues (Hs) et de période entre pics (Tp) s’étalant de 1,1 m et 8,5 s en juillet avec une direction dominante Ouest-Nord-Ouest à 2,4 m et 13 s en janvier avec une direction dominante ouest (Castelle et al., 2017a). Cette direction préférentielle Ouest-Nord-Ouest du climat de vagues génère un transport sédimentaire net dirigé vers le sud, induit par le courant de dérive littorale, allant de 100 à 350.103 m3/an le long de la côte girondine (Idier et al., 2013), localement en inversion près de Soulac et au nord de Biscarrosse où la côte est orientée Nord-Ouest. Cette forte variabilité saisonnière se retrouve aussi dans l’activité éolienne qui présente des vents

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d’intensité et direction moyenne de 4,51 m/s et 311° (Nord-Ouest) en été (Figure 3.2.a) et de 5,34 m/s 264° (Ouest) en hiver (Figure 3.2.b) avec des maximums pouvant dépasser les 36 m/s durant les événements extrêmes de tempête, générant un transport sédimentaire estimé entre 15 et 30 m3/m/an (Froidefond et Prud’homme, 1991).

Figure 3.1. (a) Carte de localisation avec les différents systèmes dunaires de la côte girondine,

elle-même représentée en jaune. Le triangle rouge représente l’emplacement de la station météo du Cap-Ferret et le rectangle bleu délimite la zone représentée en figure 3.2.b. (b) Localisation de la plage du

Truc Vert sur fond de données topographiques (LiDAR 2005, Robin et al., 2020a, modifié).

Figure 3.2. Rose des vents de 2003 à 2020 (a) durant l’été (avril à octobre) (b) durant l’hiver

(novembre à avril). La ligne noire en pointillés représente l’orientation principale de la côte girondine (10,8°) (données horaires à 10 m, station météo du Cap-Ferret, MétéoFrance).

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Le système dunaire caractérisant la côte girondine a une largeur comprise entre 0,2 et 10 km et se compose de plusieurs champs dunaires transgressifs distincts et successifs (Tastet et Pontee, 1998). La chronologie de formation de ce système a notamment été mise en évidence par Tastet et Pontee (1998) grâce à (1) une étude approfondie des dunes et de leur distribution à l’aide d’observations et de cartes de l’Institut Géographique Français (IGN), (2) l’analyse de documents et de cartes historiques du XVIIIe siècle et (3) la datation au C14 de paléosols côtiers dans le Médoc et la Dune du Pyla. Ainsi, depuis la fin de la dernière période glaciaire (qui débute il y a 110 000 ans et s’achève il y a 10 000 ans environ), la combinaison entre d’importants apports en sédiments, la variation du niveau moyen des mers et une dynamique éolienne soutenue ont conduit au développement de plusieurs générations de dunes (Tastet et Pontee, 1998). Ces champs de dunes s’étendent sur 10 km à l’intérieur des terres, allant des plus jeunes à l’Ouest vers les plus âgées à l’Est (Froidefond et Prud’homme, 1991). La première génération de dune se compose de dunes paraboliques. Il est difficile de connaître exactement leur période de mobilité, mais elle pourrait se situer entre 5000 et 3500 BP ou entre 3000 et 2300 BP, avant d’être naturellement végétalisées à partir de 2300 BP. La seconde génération, aussi appelée dunes modernes, se compose de barkhanes ayant été actives entre 1500 et 200 BP. Cette période temporelle a notamment été marquée par le Petit Âge glaciaire (entre le début du XIVe et la fin du XIXe siècle) durant lequel la mobilité des dunes était générale en Europe et où la déforestation, liée au besoin de combustible par les habitants, a favorisé le développement des dunes. Leur mobilité a été stoppée au milieu du XIXe

siècle par la plantation de pins maritimes (Pinus maritima) afin de protéger de l’ensablement les prairies et villages à proximité. Les deux générations de dunes représentent respectivement environ 25 000 et 85 000 ha (BRGM et ONF, 2018). La forêt nouvellement plantée, qui était devenue la principale ressource économique de la région, était cependant fragilisée par l’abrasion des grains de sable transportés par le vent et par l’effet corrosif des embruns salins. Ainsi, une dernière génération de dune partiellement formée par des processus naturels et modelée par des actions de gestion humaine a été établie depuis la fin du XIXe siècle afin de protéger la forêt adjacente.

Les différentes initiatives de gestion menées le long de la côte girondine au cours des deux derniers siècles sont rassemblées à travers la Figure 3.3.a en six phases majeures. Après une période de libre évolution (Figure 3.3.a phase 1), l’établissement de la troisième génération de dune, afin de protéger la forêt, débuta au début du XIXe siècle par la mise en place de clôtures en bois et de palissades (Figure 3.3.a phase 2). L’interaction entre le transport sédimentaire éolien et ces structures, qui réduisent l’intensité du vent a favorisé le dépôt et l’accumulation de sable formant de petites dunes (Barrère, 1992). Ces dernières ont ensuite été stabilisées par la plantation de végétation généralement composée d’Ammophila arenaria et ont continué de s’élever et de s’élargir formant le système de dunes connu de nos jours. Les travaux les plus importants se sont principalement déroulés à la moitié du XIXe puis du XXe siècle (Figure 3.3.a phase 3 et 5). Entre ces deux époques, une crise économique et financière d’échelle européenne, touchant de nombreux pays, a limité les travaux dunaires. De plus, le système

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dunaire a subi d’importants dommages suite à de fortes tempêtes dans les années 1910 et 1920 et au cours la Seconde Guerre mondiale. Durant cette dernière, l’accès aux dunes littorales était restreint de par l’occupation allemande qui utilisait les dunes comme moyen de surveillance du littoral et le sable comme source de granulat (Figure 3.3.a phase 4). Entre les années 1950 et 1980, d’importants travaux ont été mis en œuvre afin de remodeler, à l’aide d’engins motorisés, les dunes qui avaient été largement entaillées par de nombreuses caoudeyres. La morphologie et les dimensions spécifiques utilisées pour les travaux de façonnage, conçus par l'ingénieur J. J. Goury, sont connues sous le nom de "profil idéal" (Figure 3.3.b). Celui-ci est caractérisé par une pente douce face à la mer (d’environ 20%), d’un plateau subhorizontal (pente d’environ 5%), d’une pente plus raide face à la forêt, correspondant à l’angle de repos du sédiment (environ 60%), avec une largeur entre 150 et 200 m et une hauteur de 12 à 15 m (Paskoff, 2001) (Figure 3.3.a phase 5). À partir des années 1980, les gestionnaires de l’ONF, qui sont en charge de la gestion des dunes sur la côte girondine, ont appliqué des mesures de gestion plus douces, basées sur une approche éco-dynamique, afin de maintenir cette forme dunaire et de limiter l’évolution des caoudeyres. Ces méthodes rassemblent principalement (1) la pose de branchages pour limiter le transport du sable, (2) l'installation de clôtures pour améliorer l'accumulation de sédiments et (3) la plantation d’Ammophila arenaria pour stabiliser l'accumulation de sédiments (Figure 3.3.a phase 6). Aujourd’hui, le système dunaire de la côte girondine présente de nombreuses variations morphologiques principalement liées à l’action de chaque gestionnaire en charge de chaque portion de côte, mais aussi au taux d’érosion chronique allant de 0 à 5 m/an le long de la côte (Castelle et al., 2018b). Ainsi, les caractéristiques morphologiques des dunes établies actuelles sont très variables le long de la côte (Figure 3.4) et varient le long d’un gradient nord-sud, avec des largeurs de dune allant de quelques dizaines à plusieurs centaines de mètres (pour une largeur moyenne de 187 m), et des hauteurs de dune variant entre 10 et 21 m (pour une hauteur moyenne de 16,6 m) (Brossard et Nicolae Lerma, 2020).

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Figure 3.3. (a) Principales phases d’évolutions morphologiques et des stratégies de managements du

système dunaire de la côte girondine durant les deux derniers siècles avec la liste des principaux événements de tempêtes (Bossard et al., 2020), (b) Profil idéal imposé lors des travaux de reprofilage

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Figure 3.4. Photographies aériennes de différents systèmes dunaires présents sur la côte girondine

avec du nord au sud (a) la Pointe de la Négade, (b) Lacanau Nord, (c) le Truc Vert et (d) le Trencat (ph. V. Marieu).

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