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3.1 Croissance par Pulvérisation Cathodique

3.2.2 Transport

a Transport Tunnel Le régime de transport entre l’électrode métallique ferro- magnétique et le canal semi-conducteur est un paramètre important pour expliquer l’éventuelle polarisation en spin du courant injecté. La taille des plots utilisés est un paramètre critique de cette étude puisqu’il est difficile d’obtenir une couche isolante fine sur des tailles caractéristiques bien supérieures à la centaine de na- nomètres. Or les plots créés par les masques solides font 700 µm de diamètre. Il convenait donc de s’assurer que ce type de barrière pouvait permettre un transport tunnel sur des surfaces aussi étendues.

Il existe trois critères dits critères de Rowell5servant à prouver que le régime de transport principal est le transport tunnel. Le premier de ces critères est une dépendance de la conductance de la barrière exponentielle avec l’épaisseur. Ce critère n’a pu être testé. Les autre critères s’analysent à partir des caractéristiques courant-tension d’une jonction. La conductance G(V ) = dVdI doit pouvoir être ajus- tée par un modèle simple, modèle de Simmons [Simmons, 1963] dans le cas d’une barrière symétrique ou modèle de Brinkman [Brinkman, 1970] pour une barrière asymétrique. Enfin, le dernier critère qu’il faut vérifier est que la dépendance de la résistance à tension nulle de la barrière en fonction de la température est faible mais de type isolant – c’est à dire que la résistance décroit avec la température.

La complexité de la structure complète utilisée pour l’injection ne permet pas de mesurer des caractéristiques courant-tension discriminantes pour identifier le ré- gime de transport entre l’électrode et le semi-conducteur. La présence d’une jonc- tion p − i − n entraînant de trop fortes non linéarités dans cette caractéristique. Il a fallu pour faire cette étude remplacer le substrat SiGe QW par un simple substrat de silicium dopé n+ = 1019cm−3 sur lequel, après désoxydation, de l’alumine a été déposée pleine plaque. La croissance des plots de cobalt-platine puis le recuit de l’échantillon ont été réalisés dans des conditions exactement similaires à celles utilisées lors de la croissance des échantillons conçus pour l’étude de l’injection de spins.

L’étude de la caractéristique courant-tension et de la résistance à tension nulle se font entre un contact pris sur le plot et la face arrière de l’échantillon collé à la laque d’argent sur la masse du banc de mesure. Pour assurer un contact ohmique en face arrière, une électrode de titane-or est déposée. Après recuit cet empilement fait un contact parfaitement ohmique grâce au fort dopage de la couche de silicium.

5. On pourra trouver une description de ces critères bien détaillée dans [Hanbicki, 2003] et [Jönsson-Åkerman, 2000].

FIGURE III.34: (a) Caractéristiques I(V) des empilements Pt/Co/Al2O3/Si n+ en fonction de la température. (b) Evolution de la

résistance de la barrière en fonction de la température pour une tension de consigne UGde 10 mV.

Les mesures des caractéristiques courant-tension se font à l’aide d’une alimen- tation de tension Keithley 2400 permettant simultanément de lire le courant débité. Le montage est donc extrêmement simple puisqu’il suffit de connecter le plot en face avant et la face arrière de l’échantillon à l’alimentation de tension. Pour ne pas endommager la barrière tunnel, le plot sur lequel est effectuée la mesure n’est pas déconnecté aux changements de température. Cinq plots ont été contactés et testés à température ambiante avant d’effectuer l’étude en température sur un plot unique. Sur ces cinq plots, un seul ne présentait pas une caractéristique courant- tension convaincante. Il est donc raisonnable de penser que le régime de transport prédominant est le même sur la majorité des plots.

Les caractéristiques I(V) ont été tracées à différentes températures, certaines sont présentées au (a) de la figure III.34. Il est possible d’ajuster ces courbes ex- périmentales avec le fit de Brinkman et al. [Brinkman, 1970] pour une barrière non-symétrique comme schématisée dans ce graphe. Les paramètres importants sont d l’épaisseur de la barrière, Φ sa hauteur et ∆Φ = Φ1 − Φ2 son asymé-

trie. La figure III.35 page ci-contre montre l’ajustement des points expérimentaux de la caractéristique courant-tension par un polynôme du troisième degré. A partir des coefficients de ce polynôme, on peut déduire une épaisseur et une hauteur de barrière théorique.

Les courbes ont été ajustées sur la plage de tension variant de -0,3 V à 0,3 V. La masse effective pour la barrière d’alumine a été prise égale à la masse de l’électron libre. Les valeurs obtenues pour l’épaisseur de barrière varient de 3,85 nm à 5 K à 3,60 nm à 300 K ce qui est cohérent avec les 3,2 nm déposés. En revanche les hauteurs de barrière estimées, comprises entre 6,5 et 6,7 eV sont su- périeures aux valeurs attendues – entre 1 eV et 3 eV pour de l’alumine amorphe [Rottländer, 2002] – et les valeurs de l’asymétrie ∆φ ne sont pas exploitables et

FIGURE III.35: Ajustement de la caractéristique courant- tension d’un empilement Pt/Co/Al2O3/Si n+ par un polynome

d’ordre 3 en accord avec le fit de Brinkman [Brinkman, 1970].

varient considérablement avec la température – de -37 eV à 5 K à +25 eV à 300 K. Il faudrait affiner les paramètres d’ajustement de la courbe et étudier la variation du niveau de Fermi du silicium dopé n++ 6 pour pouvoir exploiter correctement ces valeurs. Mais il faut noter que cet ajustement est bon sur toute la plage des températures étudiée, ce qui confirme le second critère de Rowell.

Le montage réalisé pour vérifier le troisième critère de Rowell est schéma- tisé au (b) de la figure III.34 page précédente. La détection synchrone est utilisée comme générateur de tension ; elle fixe une tension sinusoïdale UG = 10 mV à

une fréquence de 1 kHz. La résistance utilisée pour le montage vaut R = 43 kΩ. Ce montage permet d’obtenir la résistance de l’échantillon à tension nulle et donc de tracer la dépendance de cette résistance en fonction de la température. Travailler avec une détection synchrone permet d’améliorer considérablement le rapport si- gnal sur bruit et de travailler avec des tensions très faibles – la tension appliquée sur l’échantillon est inférieure à 10 mV qui est le point mesuré le plus faible lors des caractéristiques I(V) – et donc pour lesquelles l’approximation linéaire reste acceptable. Pour se convaincre de la validité de cette approche, différentes mesures de RTension nulle ont été réalisées à différents zooms sur la caractéristique courant-

tension, c’est à dire pour différentes valeurs de tension délivrées par la détection synchrone : 4 mV, 10 mV et 20 mV. Les trois mesures donnent des valeurs de ré- sistance à tension nulle égales, la mesure avec UG = 4 mV étant plus bruitée, elle

n’a pas été retenue. La courbe présentée au (b) de la figure III.34 page ci-contre montre bien une dépendance de la résistance en température typique du transport

6. Le modèle de Brinkman et al. concerne les barrières asymétriques séparant deux métaux. L’utiliser pour une jonction Métal/Isolant/Semi-conducteur peut conduire à des biais, en particulier au niveau des variations en fonctions de la température car le niveau de Fermi d’un semi-conducteur se déplace beaucoup plus que celui d’un métal.

tunnel (voir [Jönsson-Åkerman, 2000]). Le troisième critère de Rowell est donc également vérifié.

Malgré les efforts réalisés pour faire des mesures de transport dans les mêmes conditions que celle utilisées lors des mesures d’électroluminescence, cette étude comporte quelques biais. Les mesures d’électroluminescence sont réalisées en cou- rant pulsé et non lentement variable comme pour les mesures de transport tunnel. Si les densités de courant injectées sont similaires entre les mesures de transport et celles d’électroluminescence – typiquement de l’ordre du milli-Ampère –, le sub- strat de silicium dopé n+est en revanche beaucoup moins résistif et le contact face arrière de meilleure qualité. La barrière est donc plus exposée aux phénomènes de charge qui risquent de l’endommager puisque la chute de tension sur le reste de l’échantillon est moindre.

Pour conclure, les mesures réalisées semblent montrer que le transport depuis des plots de 700 µm de diamètre de la couche métallique vers le substrat de sili- cium dans les structures Si n+/Al2O3/Co/Pt est dominé par le transport tunnel. La

meilleure confirmation de cette observation est le résultat obtenu sur l’injection de spins pour ce type de structures (voir la section 3.3 page 155).

b Resistance d’interface Même si cela n’entre pas directement dans le cadre de cette étude, il est intéressant de s’intéresser aux propriétés de résistance de la barrière tunnel utilisée afin de déterminer si l’électrode Al2O3/Co/Pt peut éga-

lement, dans ces conditions, servir de détecteur électrique de courant polarisé. Datta et Das ont en effet montré qu’en utilisant une structure de transistor planaire [Datta, 1990], il y avait une différence de résistance de l’ensemble Electrodes- Canal semi-conducteur suivant la configuration magnétique – parallèle ou anti- parallèle – des électrodes. Mais Fert et al. ont montré que cette variation n’était sensible que pour une certaine fenêtre de valeurs de la résistance de la barrière tunnel, ou plus précisément pour une certaine fenêtre du rapport rb

rSC [Fert, 2001]

[Fert, 2007], où rb est la résistance de la barrière et rSC la résistance de spin du

canal semi-conducteur.

En utilisant les notations de la section 1.3 page 58 et en notant tSCla longueur du canal semi-conducteur entre l’injecteur et le détecteur, Fert et al. ont montré que la variation de résistance de l’empilement Electrode ferromagnétique / Bar- rière tunnel / Canal semi-conducteur / Barrière tunnel / Electrode ferromagnétique s’écrivait, dans l’approximation tSC lSC

s f , comme : ∆R = 2(

P

r FM+ γr b)2 (rFM+ r b) +r SC 2 [1 + ( rb rSC)2] tSC lSC s f (III.38)

Il est intéressant de comparer cette valeur avec la résistance du même empile- ment lorsque les aimantations des électrodes sont parallèles. Valet et al. ont montré [Valet, 1993] : Rparallele` = 2(1 −

P

2)rFM+ rSC tSC ls fSC + 2(1 − γ 2)r b + 2 (

P

− γ)2rSCr b+ rSC(

P

2rSC+ γ2rb) tanh(t SC 2lSC s f ) (rFM+ r b) + rSCtanh(t SC 2lSC s f ) (III.39)

Pour le système étudié CoPt/Al2O3/Si/Al2O3/CoPt en prenant les valeurs sui-

vantes :

– Les données pour le CoPt désordonné n’étant pas accessibles dans la lit- térature, elles sont remplacées par celles du cobalt.

P

= 0, 46 et rFM = 4, 5.10−15Ω m2. [Fert, 2001]

– La polarisation d’une barrière d’alumine est typiquement de l’ordre de γ = 0, 5 [Monsma, 2000]. Les mesures réalisées au paragraphe a page 103 donnent une résistance de 5.105Ω pour des plots de 3, 8.10−7m2soit rb= 0, 19 Ω m2.

– Il est difficile d’estimer la longueur de diffusion de spin dans le silicium, mais elle est d’au moins 350 µm [Huang, 2007]. La résistivité du silicium dépend du dopage, elle vaut ρSi ≈ 10−1Ω cm pour un dopage n = 1018cm−3

[Sze, 1981]. On prendra donc comme valeur rSC= 3, 5.10−7Ω m2.

Les résultats de la variation de résistance ∆R de l’ensemble de la structure suivant les configurations magnétiques des électrodes, ainsi que la variation relative de magnétorésistance ∆R

Rparallele` sont présentés dans le tableau III.36. Ces variations

sont très faibles. tSC ∆R (Ω m2) Rparallele` (Ω m2) R ∆R parallele` 1 nm 5, 4.10−2 2, 9.10−1 18% 10 nm 1, 1.10−2 2, 9.10−1 3,7% 100 nm 1, 2.10−3 2, 9.10−1 0,4 % 1 µm 1, 2.10−4 2, 9.10−1 0,04 % 10 µm 1, 2.10−5 2, 9.10−1 0,004 % 100 µm 1, 2.10−6 2, 9.10−1 0,0004 %

FIGURE III.36: Prédictions théoriques de la variation de la ré- sistance d’une structure Electrode ferromagnétique / Barrière tunnel / Canal semi-conducteur / Barrière tunnel / Electrode fer- romagnétique suivant la configuration magnétique des électrodes en fonction de la longueur tSC du canal semi-conducteur.

On retrouve bien la conclusion de Fert et al. à savoir que la résistance d’inter- face doit être comprise entre rSC(tlSCSC

s f

) et rSC(l

SC s f

tSC) pour avoir une magnétorésistance

significative sur de tels systèmes. Cette condition ne peut être remplie avec des tailles de canal semi-conducteur raisonnables car rb

rSC > 5.105. Une barrière d’alu-

mine de 3,2 nm d’épaisseur est trop résistive pour permettre la détection électrique de courant polarisé. La dépendance exponentielle de la résistance d’une barrière tunnel avec l’épaisseur autoriserait peut-être l’utilisation de ce matériau pour réali- ser le transistor de Datta et Das à condition de savoir fabriquer des couches d’alu- mine sans fuite beaucoup plus fines.

Dans le document Injection de spins dans les semi-conducteurs (Page 114-119)