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Manipulation d’un courant polarisé

Dans le document Injection de spins dans les semi-conducteurs (Page 141-145)

Une des étapes pour la réalisation du transistor de Datta et Das est de savoir manipuler les spins dans un canal semi-conducteur. Il existe deux méthodes pour manipuler une population de spins en mouvement dans un canal semi-conducteur : soit en appliquant un champ magnétique, soit en utilisant l’effet Rashba induit par un champ électrique, solution proposée par Datta et Das.

1.4.1 Manipulation de spins par un champ magnétique

Le moyen le plus simple pour manipuler un spin est d’appliquer un champ magnétique sur l’électron

Lorsqu’un champ magnétique−→B est appliqué sur un moment magnétique−→m, il exerce sur celui-ci un couple→−Γ . En absence d’amortissement, l’équation fonda- mentale de la dynamique s’écrit alors :

d−→L dt =

− →

Or le moment magnétique est relié au moment cinétique de spin par−→m = γ−→L ou γ = −g e¯2mhest le facteur gyromagnétique dépendant du facteur de Landé g ≈ 2 pour les électrons libres, de e la charge de l’électron et de m sa masse. L’équation IV.19 page ci-contre s’écrit alors :

d−→m dt = γ

m−→B (IV.20)

Dans cette équation, il est manifeste que ddt−→m est perpendiculaire à−→m et à−→B, cela impliquant que la norme de−→m est constante et que l’angle entre−→B et−→m est constant. La solution, lorsque le mouvement n’est pas amorti, est donc un mou- vement de précession du moment autour du champ magnétique à la pulsation ω donnée par :

ω = |γB| = |geh¯

2mB| (IV.21)

Réaliser un transistor à spins dans un canal semi-conducteur fonctionnant grâce à la précession de spin sera possible dès lors que l’injection et la détection élec- trique en configuration locale par des électrodes ferromagnétiques sera réalisée. Il faut pour cela appliquer un champ magnétique perpendiculaire à la direction d’ai- mantation des électrodes, suffisant pour faire précesser les spins de π lors de leur trajet dans le canal. L’application ou non du champ magnétique permet alors avec deux électrodes dans un état d’aimantation donné de passer d’un état passant à un état non passant. Son utilisation pour manipuler des spins dans une vanne de spin entièrement métallique a été démontrée par Jedema et al. [Jedema, 2002].

La précession de spins autour d’un champ magnétique a été astucieusement utilisé dans l’étude de l’injection de spins dans les semi-conducteurs par Motsnyi et al.[Motsnyi, 2002]. Pour détecter optiquement des spins injectés dans une spin- LED, il est nécessaire que ceux-ci soient dans la direction de confinement du puits quantique (voir partie 1.3 page 124). Dans la plupart des études de la littérature, les spins sont injectés perpendiculairement au plan de croissance en usant d’un fort champ magnétique pour redresser l’aimantation d’une électrode planaire. Mots- nyi et al. ont injecté des spins depuis une électrode planaire puis utilisé un champ oblique (voir figure IV.10 page suivante) pour les faire précesser de λ/4 avant d’at- teindre la zone de recombinaison. Ils ont ainsi pu valider en une étape l’injection et la manipulation de spins via effet Hanle dans le GaAs.

Une illustration spectaculaire de l’effet Hanle a été montrée par Huang et al. [Huang, 2007] grâce au transport d’électrons chauds dans le silicium.

FIGURE IV.10: D’après [Motsnyi, 2002]. Schéma du dispositif proposé par Motsnyi et al. pour injecter puis détecter des spins dans le GaAs.(a) En absence de champ magnétique, les spins ne sont pas détectés.(b) Lorsque le champ magnétique augmente, les spins commencent à précesser autour de la direction de−→B . En raison du déphasage entre les spins, le signal détecté est faible. (c) Pour un champ magnétique suffisamment fort, l’ensemble du cône de précession autour de la direction du champ appliqué est occupé, l’orientation moyennée des spins détectés suit celle du champ magnétique.

1.4.2 Manipulation de spins par un champ électrique

Appliquer un champ magnétique est le moyen le plus simple pour manipu- ler des spins dans un canal semi-conducteur. Cependant, cette option n’est pas réalisable si le but est d’intégrer des dispositifs manipulant le spin dans une ap- plication technologique. La proposition de transistor à spin formulée par Datta et Das [Datta, 1990] en 1990 tient compte de cette problématique et son intérêt réside entre autre dans le moyen de manipuler les spins par un champ électrique via l’effet Rashba.

Dans un gaz d’électrons bidimensionnel confiné dans un canal semi-conducteur à faible gap, l’effet Rashba induit un décalage énergétique des canaux de spins up et down en absence de champ magnétique. Le terme Rashba qui apparaît dans l’Hamiltonien pour des électrons confinés suivant la direction y est :

H = η(σzkx − σxkz) (IV.22)

où η est le terme de couplage spin-orbite, ki,i=x,z les vecteurs d’onde suivant les

directions x ou z et σi,i=x,z les matrices de Pauli. En considérant des électrons se

propageant suivant la direction +x et en prenant l’axe z comme axe de polarisation des électrons, cet Hamiltonien conduit un décalage ER = ησzkx des deux canaux

de spins – les spins up voyant leur énergie augmenter d’un facteur ηkx, les spins

énergie ont donc deux vecteurs d’onde différents k1xet k2x. E|+i =h¯ 2k2 1x 2m? − ηk1x (IV.23) E|−i = ¯ h2k2x2 2m? + ηk2x (IV.24)

où m? est la masse effective de l’électron dans le canal semi-conducteur. On en déduit pour deux électrons de même énergie :

k1x − k2x = 2m?η ¯ h2 (IV.25) ∆θ = (k1x − k2x)L = 2m?ηL ¯ h2 (IV.26)

∆θ est le déphasage obtenu pour deux électrons de même énergie mais de po- larisation inverse parcourant un canal de longueur L. Le coefficient de couplage spin-orbite η est proportionnel au champ électrique lié aux effets de surface dus à la structure bidimensionnelle du canal semi-conducteur, comme démontré par Lommer et al. [Lommer, 1988]. L’intérêt de ce système est que ce coefficient peut être modulé par l’application d’une tension de grille sur le canal.

Pouvoir réaliser un transistor à spin nécessite de savoir déphaser les deux si- gnaux de π le long du canal bidimensionnel. Une valeur de η ≈ 3, 9.10−12 eV.m dans une hétérostructure InGaAs/InAlAs montrée par Das et al. [Das, 1989] conduit à un tel déphasage pour une longueur de 0, 67 µm. Cette longueur est compatible avec les longueurs de diffusion de spin trouvée dans de tels matériaux, typiquement quelques micromètres : par exemple lGaAs

s f = 2 µm à 300 K [Fert, 2001]. Pour le

transport dans le silicium, un canal de Si1−xGexsur Si1−yGeyavec des valeurs de x

et y adaptées pour réaliser un puits quantique [Jantsch, 2005] pourrait être une piste à explorer pour réaliser de tels systèmes, en profitant de la longueur de diffusion de spin dans le silicium liée au couplage spin-orbite du germanium

Un exemple de manipulation de spin par effet Rashba dans un canal d’InAs a été démontré très récemment par Koo et al. [Koo, 2009]. En injectant et détec- tant électriquement des spins en configuration non-locale depuis des électrodes de nickel-fer dans un gaz d’électrons bidimensionnel confiné dans un film d’InAs, ils montrent des modulations de la tension de collection en fonction de la tension de grille appliquée. Cet effet est directement lié à la précession des spins due à l’effet Rashba.

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Injection de spins dans le GaAs

Une fois acquise l’épitaxie de structures MgO/FePt à aimantation perpendicu- laire sur GaAs, nous nous sommes fixé deux objectifs. Premièrement de valider

FIGURE IV.11: D’après [Koo, 2009] (a) Schéma du dispositif utilisé par Koo et al. pour l’injection, la détection et la manipu- lation de spin dans un gaz d’électrons bidimensionnel. La tension mesurant l’accumulation de spins est représentée à droite sur le schéma.(b) Variation de la tension de collection en fonction de la tension de grille appliquée pour deux canaux de longueurs dif- férentes.

l’injection de spins depuis l’électrode ferromagnétique vers le semi-conducteur en détectant optiquement le courant polarisé à l’aide d’une spin-LED et deuxiè- mement de détecter l’injection de spins en utilisant l’effet Kerr polaire comme présenté par Crooker et al. en 2005 [Crooker, 2005] mais sans nécessairement ap- pliquer de champ magnétique grâce aux électrodes à aimantation perpendiculaire. Maitriser l’épitaxie du GaAs était nécessaire pour réaliser le deuxième objectif, ce qui est présenté dans la section 2.1.2 page suivante.

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