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Puissance d'excitation (mW)

V.2 Modèle de polaritons désordonnés en interaction

V.2.2 Transition de Dicke dans l’ensemble grand canonique

Le modèle de Dicke [3] prédit l’apparition d’une phase associée à la superradiance des émetteurs avec une occupation macroscopique de l’état fondamental [88, 179].

Nous présentons ici la condensation des polaritons dans le modèle de Dicke telle qu’elle a été décrite dans le groupe de P.B. Littlewood [60]. Nous décrivons donc les excitons comme des systèmes à deux niveaux couplés à un mode de la cavité. Le système expérimental présente, bien sûr, un temps de vie fini mais nous supposerons que nous somme dans le régime de quasi-équilibre, dans lequel le temps de thermalisation du système est inférieur à son temps de vie. La description du système ouvert est possible bien que plus complexe [180, 181].

Nous nous proposons de décrire le système à l’équilibre thermodynamique dans l’ensemble grand canonique par l’intermédiaire du grand potentiel calculé dans l’approximation du champ moyen. Nous en déduirons l’équation d’état et le diagramme de phase de N systèmes à 2 niveaux en interaction avec un mode du champ. Les prédictions de ce modèle seront ensuite comparées aux données expérimentales.

V.2.2.a Grand potentiel dans l’approximation du champ moyen

Le nombre d’excitations présentes dans le système à une constante (−N/2) près s’écrit : Nex = aa +X

i

Siz. (V.4)

Avec cette définition, lorsque tous les émetteurs sont dans leur état fondamental et que la cavité ne contient pas de photon : hNexi = −N/2. Nous définissons le nombre d’excitations par excitons n = hNexi/N. Quand la cavité est vide, ce dernier varie donc entre −1/2 et 1/2. L’approximation de champ moyen revient à négliger les corrélations quantiques entre le champ et les émetteurs. L’opérateur décrivant le mode de cavité est simplement remplacé par un nombre réel a → N λ avec λ ∈ R, ce qui fixe la phase globale du système. Ce dernier sera ensuite utilisé comme paramètre variationnel pour déterminer l’état d’équilibre thermodynamique. À la limite thermodynamique (N → ∞), l’approche de champ moyen devient exacte car chaque système à 2 niveaux est couplé au champ de cavité moyen créé par les nombreuses autres excitations électroniques et les fluctuations du champ de cavité sont négligeables.

Le système est ouvert et il peut échanger des photons avec l’extérieur (pertes à travers les miroirs de la cavité) ou encore le nombre de système à 2 niveaux dans l’état excité peut varier de par le contact avec les excitons créés par PL. Comme le nombre d’excitations et l’énergie du système ne sont pas fixés, nous introduisons le potentiel chimique du système µ et la température T . Les propriétés à l’équilibre thermodynamique sont données par la fonction de partition grand canonique :

Ξ(T, µ) =Trace e−β(H−µNex) , où β = 1

Avec les notations précédentes dans l’approximation du champ moyen : H − µNex =X i hi, avec hi = (~ωc− µ)λ2+ −~ωi−µ 2 √ N giλ √ N giλ ~ωi−µ 2  (V.6) Le système se comporte comme des spins indépendants et dans la base des états propres du Hamiltonien à une particule :

hi = (~ωc− µ)λ2+ −˜i 0 0 ˜i  , où ˜i = r N g2 iλ2+ (i− µ 2 ) 2. (V.7) La fonction de partition du système se factorise Ξ = Qiξi et le grand potentiel s’exprime comme la somme des fugacités des différents systèmes à 2 niveaux fi :

Φ(T, µ) = −1 β ln(Ξ) = X i fi, (V.8) avec fi = −1 β ln(ξi) = λ 2(~ωc− µ) − 1 β ln e −β˜i+ eβ˜i . (V.9) La connaissance du grand potentiel φ en fonction de ses variables naturelles (T et µ) nous renseigne sur l’ensemble des propriétés thermodynamiques du système.

V.2.2.b Transition de phase de Dicke

Le système est à l’équilibre thermodynamique quand le grand potentiel est minimal : ∂ ∂λΦ = 0 ⇔ λ(~ωc− µ) = λ 2 X i g2 i ˜i tanh(β˜i) (V.10) La solution λ = 0 décrit la phase normale dans laquelle le nombre de photons dans la cavité N λ2 reste faible devant le nombre d’émetteurs. Nous verrons que cette phase correspond à la description en termes de polaritons comme décrits précédemment. Cette solution devient cependant instable quand le potentiel chimique se rapproche de l’énergie des émetteurs ; la figure V.6 représente le grand potentiel dans le cas homogène (ie. sans désordre) pour différentes valeurs du potentiel chimique.

Ce modèle prédit une transition de phase continue avec l’apparition d’une phase condensée qui se traduit par un paramètre d’ordre non nul λ 6= 0 et un champ macroscopique dans la cavité (superradiance). La transition de phase s’accompagne d’une brisure spontanée de symétrie et les modes de Goldstone correspondant au choix de la phase du condensat (phase de λ ∈ C) apparaissent dans la phase condensée. Cette brisure de symétrie est provoquée par les fluctuations quantiques du système et cette transition peut a priori apparaître même à température nulle.

Dans le cas homogène (ωi = ωX et gi = g0 = g/√

N) la condition pour obtenir une phase condensée s’écrit :

V.2 Modèle de polaritons désordonnés en interaction 117

10 5 0 5 10

λ

0

5

10

15

20

Grand potentiel

-0.7 -0.5 -0.2 -0.1

FigureV.6 – Dépendance du grand potentiel pour N=1 (cas homogène) avec le paramètre de champ moyen λ. Les différentes courbes sont tracées pour des valeurs du potentiel chimique µ différentes allant de ωc− 0,7 à ωc− 0,1. La température vaut 10 K, le couplage 1 meV et le désaccord δ = −1,6 meV.

En effet, si la condition V.11 est vérifiée, alors il existe une température en dessous de laquelle la phase stable sera la phase superradiante1.

Avec la connaissance du grand potentiel le système est complètement décrit par la donnée de la température et du potentiel chimique. Expérimentalement nous contrôlons le nombre d’excitations présentes dans le système à l’aide de la puissance de pompe et nous pouvons mesurer l’énergie des excitations du système. Dans la suite, nous relierons les paramètres thermodynamiques (T et µ) aux grandeurs expérimentales.

V.2.2.c Équation d’état et diagramme de phase

Le nombre d’excitations dans le système est donné par l’intermédiaire de la dérivée du grand potentiel par rapport au potentiel chimique. Plus précisément :

1. Si maintenant on se place dans l’ensemble canonique (µ = 0), on retrouve l’équation originelle de K. Hepp et E.H. Lieb [88]. La transition de Dicke dans l’ensemble canonique nécessiterait un couplage supérieur aux fréquences propres des émetteurs et de la cavité. Même si ces conditions sont réunies [89] la prise en compte du terme en A2 dans le Hamiltonien de couplage au champ rend la transition impossible à cause de la règle de Thomas-Kuhn-Reich [182, 183]. Rien ne s’oppose cependant à la transition dans l’ensemble grand canonique [60], mais il est intéressant de noter que la prise en compte du terme en A2dans le couplage modifie légèrement la condition de transition :

(~ωc− µ + 2κ)(~ωX− µ) < g2, (V.12) où κ est la constante de couplage associée au terme en A2.

n = λ2+ 1 N X i hSz ii avec hSz ii = ∂(~ωi− µ)Φ, (V.13) d’où n = λ21 2N X ii− µ 2˜i tanh(β˜i). (V.14) Dans la phase condensée, la densité d’excitations dans le système a 2 origines :

– la population macroscopique des photons de cavité λ2,

– la population thermalisée des excitations électroniques renormalisée par l’interaction avec le champ.

Dans la phase normale (λ = 0) on retrouve simplement la contribution des systèmes à 2 niveaux d’origine sans renormalisation : − 1

2N

P

itanh(β~ωi−µ 2 ).

La relation V.14 est importante car elle nous permet de relier le potentiel chimique à la densité d’excitations dans le système.

Comme le montre la figure V.7 pour le cas homogène, la transition de phase quantique est gouvernée par la densité et cette transition peut a priori être observée même à température nulle.

0.6 0.4 0.2 0.0 0.2 0.4 0.6

densité d'excitation

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

1

/

(

kB

T

)

(m

eV

1 )

FigureV.7 – Diagramme de phase température-densité dans le modèle de Dicke. Les courbes tracées présentent la densité critique au dessus de laquelle la phase superradiante (à droite de la courbe) remplace la phase normale (à gauche de la courbe). Les courbes sont tracées pour différents désaccords entre la cavité et l’émetteur (sans désordre) qui sont de gauche à droite : δ = −10, −5, −2, 0, 2, 5 et 10 meV pour un couplage : g = 4 meV.

Pour une énergie de la cavité inférieure ou égale à celle des émetteurs (δ ≤ 0), la transition apparaît à des densités d’excitations faibles devant la densité correspondante à l’inversion de population (n = 0). Un faible nombre d’excitons interagissent par l’intermédiaire de la cavité et quand leur densité excède une valeur critique nc(donné par g et δ), ils condensent. À température fixée, la présence du désordre augmente la densité critique permettant la transition, mais l’allure du diagramme de phase reste similaire (ie. condensation avant inversion de population [60]).

V.2 Modèle de polaritons désordonnés en interaction 119 Dans le cas d’un désaccord δ > 0 la température critique n’augmente plus de façon monotone avec la densité. Le diagramme présente un profil ré-entrant traduisant le fait que la transition de la phase normale vers la phase condensée peut aussi bien s’effectuée en augmentant ou en diminuant la température à densité fixée. Quand l’énergie de la cavité est largement supérieure à celle des émetteurs (δ > g) et que la densité augmente, les excitons ne condensent pas, même après avoir passé l’inversion de population. On observe même qu’à grand désaccord la variation de la température critique est symétrique par rapport à n = 0 en δ → −δ, traduisant en fait la symétrie des états à 2 niveaux. Quand la densité s’approche de la saturation n ∼ 0,5 le système est constitué par quelques émetteurs non excités (trous) interagissant par l’intermédiaire de la cavité, qui vont provoquer la condensation à partir d’une densité critique. À désaccord positif, la prise en compte du désordre va supprimer la condensation pour des températures trop élevées [60].

Plus généralement l’effet du désordre est négligeable devant les fluctuations thermiques quand kBT > ∆.