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Electrodynamique quantique dans une micro-cavité fibrée

II.1 Couplage d’un émetteur à un mode de cavité

II.1 Couplage d’un émetteur à un mode de cavité

Nous allons brièvement rappeler les différents modèles qui ont été développés pour décrire le couplage entre un émetteur et un mode de cavité. Dans chacun des cas nous décrirons les nouveaux états propres apparaissant suite au couplage. Nous commencerons par le modèle de Jaynes-Cummings décrivant le couplage d’un atome à deux niveaux à un mode bosonique, avant de décrire son extension à N systèmes à deux niveaux (modèle de Tavis-Cummings). Nous finirons enfin en décrivant le modèle de deux oscillateurs harmoniques couplés qui peut être vu comme un cas limite du modèle précédent et qui est fréquemment utilisé pour décrire le couplage d’un puits quantique à un mode de cavité.

II.1.1 Hamiltonien de Jaynes-Cumming

Le système {émetteur + cavité} en interaction est décrit par le Hamiltonien somme du Hamiltonien de la cavité, de l’émetteur, et de leur interaction :

ˆ

HJC = ˆHcav + ˆHem+ ˆHint. (II.1) Le Hamiltonien de la cavité s’exprime aisément en seconde quantification à partir de l’énergie des photons ~ωl

c et des opérateurs création-annihilation (ˆa

l et ˆal respectivement) d’un photon dans le mode TEMqmn de polarisation ~. Ces modes ont été décrits dans le chapitre précédent (cf. I.1.1.a) et sont les modes propres de la microcavité FFP. Chaque mode l = (q, m, n,~) est représenté par un oscillateur harmonique indépendant :

ˆ Hcav =X lcl(ˆalˆal+ 1 2)' ~ωc(ˆaˆa +1 2). (II.2)

Nous considérons ici que l’émetteur ne se couple qu’à un mode du champ [79] [80]. Les photons de cavité sont des bosons et les opérateurs création-annihilation associés vérifient les relations de commutations canoniques bosoniques hˆal, ˆal0

i

= δl,l0.

Dans une boîte quantique comme dans un atome, le confinement tri-dimensionnel des électrons conduit à des transitions d’énergie discrètes. En général, il est possible d’isoler une transition unique de fréquence ωX, séparant l’état fondamental |gi de l’état excité |ei. Dans les émetteurs solides, l’excitation élémentaire représentée par |ei est appelée exciton. Le modèle de l’atome à deux niveaux décrit l’état interne de l’émetteur à l’aide des opérateurs de monté-descente : ˆσ=|gi he|, ˆσ+=|ei hg| = ˆσ, et le Hamiltonien de l’émetteur s’écrit :

ˆ

Hem = ~ωX(ˆσ+σˆ+1

2). (II.3)

L’interaction dipolaire entre l’émetteur et le mode du champ donne lieu, dans l’approximation de l’onde tournante au Hamiltonien d’interaction suivant [4] :

ˆ

Hint = ~g(ˆaσˆ+ ˆaˆσ+). (II.4) ˆ

Hint décrit l’interaction cohérente entre la lumière et la matière à l’aide de processus d’absorption (ˆa ˆσ+) et d’émission (ˆaσˆ) d’un photon par le système à 2 niveaux. La constante de couplage g sera calculée selon le type d’émetteur au §II.3.

Le Hamiltonien ˆHJC est diagonalisé en considérant les états habillés [81] :

|n, −i = sin θn|e, n − 1i − cos θn|g, ni , (II.5) |n, +i = cos θn|e, n − 1i + sin θn|g, ni ,

où n ∈ N est le nombre d’excitations présentes dans le système, et θn est l’angle de mélange défini par tan 2θn =−2gn/δ, avec δ = ωc− ωX le désaccord entre la cavité et l’émetteur. Le spectre d’énergie est appelé « échelle de Jaynes Cummings » :

ωn,±= nωc+1 2



−δ ±pδ2+ 4g2n. (II.6) À résonance les états |n, +i et |n, −i sont séparés de 2gn, appelé séparation de Rabi (cf. figure II.1). L’ anharmonicité du spectre est causée par la non linéarité intrinsèque du système à deux niveaux, et permet de créer des états non classiques du système couplé [82,15,83,84,85,86], ce qui explique l’attention qu’a attiré ce modèle depuis son introduction.

II.1.2 Modèle de Tavis-Cummings

Le modèle de Tavis-Cummings [87] est une généralisation du modèle précédent décrivant l’interaction entre un mode du champ et N systèmes à deux niveaux de fréquence ωi et de couplage gi. Les Hamiltoniens qui décrivent les émetteurs et leur couplage au mode de cavité s’écrivent : ˆ Hem = X ii(ˆσi +σˆi +1 2), ˆ Hint = X i ~gi(ˆaσˆi+ ˆaˆσ+i ). (II.7) Cette fois ci le sous-espace à n excitations ne contient plus 2 états couplés mais n + 1. L’introduction des états de Dicke [3], pour décrire l’état des émetteurs permet de définir un état « superradiant » :

|Si = ˆs|0i , avec ˆs = 1 g X i giσˆ+i , g = s X i g2

i et |0i le vide d’excitation . (II.8) Cet état superradiant est le seul état couplé au mode de cavité, et le Hamiltonien d’interaction se réécrit comme ˆHint = ~g(ˆaˆs + ˆaˆs). Les autres états sont dits « noirs ». Ils participent cependant à la dynamique du système par l’intermédiaire du Hamiltonien de l’émetteur

ˆ

Hem. Lorsque un photon est absorbé, l’ensemble des émetteurs partage cette excitation et g représente le couplage collectif. Dans le cas où tous les émetteurs possèdent le même couplage au mode de cavité (gi = g0), le couplage collectif vaut : g =N g0.

Nous nous limiterons ici au cas où les émetteurs possèdent tous la même fréquence propre ωX, et le même couplage au mode de cavité g0. Nous détaillerons au §III.3 le cas d’une inhomogénéité de fréquence et de couplage des émetteurs afin de modéliser le désordre dans les échantillons.

II.1 Couplage d’un émetteur à un mode de cavité 39 La résolution dans le cas général (à désaccord quelconque) est complexe [88], nous donnons ici les n + 1 états habillés à résonance (δ = 0) :

ωn,s = nωl+ 2p√

N g0, avec p = −n 2, ...,

n

2, (II.9)

où n est le nombre d’excitations dans le système. Ce modèle permet de décrire la transition de Dicke vers une phase supperadiante, prédite dès 1973 [88] et observée récemment pour des atomes en cavité [89]. Plus généralement, ce modèle est utilisé pour la description de l’intrication entre émetteurs [90, 91, 92].

II.1.3 Oscillateurs harmoniques couplés : polaritons

Dans la limite d’un grand nombre de systèmes à deux niveaux (N  1) couplés à un mode du champ, le modèle précédent peut se ramener au modèle plus simple de deux oscillateurs harmoniques couplés. Cette approche (approximation de Holstein-Primakoff [93]) est valide tant que les effets de saturations peuvent être négligés, ce qui est le cas à faible excitation : n N. Le mode superradiant est alors caractérisé par des opérateurs création-annihilation (ˆb, ˆb) ayant des relations de commutations bosoniques, et le Hamiltonien précédent se réduit à :

ˆ

H = ~ωcˆaˆa + ~ωXˆbˆb + ~g(ˆaˆb + ˆaˆb

). (II.10)

Le problème de deux oscillateurs harmoniques couplés est soluble analytiquement et le Hamiltonien peut être diagonalisé par l’introduction d’opérateur création-annihilation (ˆplp, ˆpup) représentant une quasi-particule, superposition de l’exciton et du photon, les polaritons : ˆ plp = hcˆa + hxˆb, ˆ pup = hxˆa− hcˆb, (II.11) où |hc|2 = 12(1− √ δ δ2+4g2) et |hx|2 = 12(1 + √ δ

δ2+4g2) sont les coefficient de Hopfield [94], qui représentent le poids respectif du photon et de l’exciton dans le polariton de basse énergie (LP). Dans la base des polaritons, le Hamiltonien est diagonal et les énergies propres valent : ˆ H = ~ωlplplp+ ~ωupupup, avec  ωlp = ωc+ωX 21 22+ 4g2 ωup = ωc+ωX 2 +122+ 4g2 . (II.12) Le couplage d’un puits quantique à un mode de cavité est habituellement décrit par le modèle de deux oscillateurs harmoniques couplés [95]. Nous discuterons précisément la nature bosonique de l’excitation élémentaire d’un puits quantique couplé à une cavité FFP au §II.3.4. La figure II.1 récapitule les spectres obtenus à résonance dans les différents modèles. Dans la limite de faible excitation les énergies propres des différents modèles coïncident, traduisant l’universalité de la signature du couplage d’un émetteur quelconque à un mode du champ. Le système est décrit par deux états habillés ou polaritons séparés en énergie par ~Ω = 2~g, où Ω est appelé fréquence de Rabi du vide.

La mise en évidence de ce doublet par l’observation de deux pics bien séparés [6] a marqué le développement de l’électrodynamique quantique en cavité (CQED) dans le régime de couplage fort, comme nous allons le détailler ci dessous.

FigureII.1 – Schéma des premiers niveaux d’énergie pour les modèles de Jaynes-Cummings (à gauche) et pour le modèle de deux oscillateurs couplés qui correspond au modèle de Tavis-Cummings à résonance δ = 0 (à droite).