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Chapitre 3 – Modélisation macroscopique du couplage carbonatation / chlorures dans les matériaux

3.2 Equations de transport macroscopiques

3.2.3 Transfert du dioxyde de carbone

Nous rappelons dans ce paragraphe les réactions chimiques qui interviennent dans le mécanisme de carbonatation de la portlandite Ca(OH)2, les valeurs des constantes d’équilibre thermodynamique associées pour ensuite aborder les cinétiques physico-chimiques de la dissociation de H2CO3, de la dissolution de Ca(OH)2 et des CSH et la description du transport du CO2 à travers la phase gazeuse. Le tableau 3-1 résume le mécanisme réactionnel [36] et les constantes d’équilibres associées aux étapes du mécanisme de carbonatation de la portlandite [76]. Dans le tableau 3-1, le taux d’avancement δi0(mol.L

-1.s-1) de la réaction chimique (Ri) est donné par une loi de cinétique chimique en fonction de la concentration des espèces en solution lorsque (Ri) n’est pas en équilibre. Pour les besoins de la modélisation, on peut exprimer le taux d’avancement des réactions (Ri) par unité de volume de matériau poreux en multipliant δi0 par la fraction volumique d’eau liquide w = φ × Se.

Tableau 3-1 : Les équilibres thermodynamiques et les taux d’avancement des réactions (Ri).

Réactions Equilibres Taux d’avancement

(RH) H2O + CO2↔ H2CO3 KH = 0,94 δH0

(R1) H2CO3+ OH−↔ HCO3+ H2O Log K1 = 7,66 δ10

(R2) HCO3+ OH−↔ CO32−+ H2O Log K2 = 3,66 δ20

(RE) H2O ↔ H++ OH− Log KE = -14 δE0

(Rp) Ca(OH)2↔ Ca2++ 2OH− Log Kp = -5,19 δp0

(Rc) Ca2++ CO32−↔ CaCO3 Log Kc = 8,36 δc0

3.2.3.1 Cinétique de dissociation de H2CO3

Le taux d’avancement δ10de la réaction R1 peut s’écrire de la forme suivante d’après Danckwerts [77] :

𝛿10 = 𝜑𝑆𝑒𝑘1([𝐻2𝐶𝑂3][𝑂𝐻] −[𝐻𝐶𝑂3]

Ce taux d’avancement représente le nombre de moles de H2CO3 consommées par la réaction R1 par unité de temps et de volume de solution. Danckwerts [77] a estimé la constante de vitesse k1autour de 6000 mol-1.L.s-1.

Selon Thiéry [36], la réaction de dissolution de HCO3 (réaction R2) est considérée à l’équilibre parce que l’utilisation de la même constante de vitesse que celle de la réaction R1 conduit à une chute très rapide du pH de la solution ce qui est surprenant.

3.2.3.2 Cinétique de dissolution de la portlandite

La réaction de dissolution de la portlandite est lente. En effet la dissolution dépend de l’accessibilité des cristaux de portlandite qui est réduite lorsque la calcite les recouvre et vient freiner la diffusion des espèces Ca2+, CO32−et OH. En assimilant les amas de cristaux de la portlandite à des sphères (cf. figure 3-1), Thiéry [36] a démontré que la cinétique de dissolution de la portlandite est donnée par l’équation (3-8).

Figure 3-1 : Amas de cristaux de portlandite de forme sphérique recouvert d’une couche de calcite [36].

𝛿𝑝0 = 𝜕𝑆𝐶𝑎(𝑂𝐻)2

𝜕𝑡 = −𝑋𝑃0 1

1+𝐷 𝑅𝑝(𝛾)𝑅𝑐(𝛾)(𝑅𝑐(𝛾)−𝑅𝑝(𝛾)) (3-8)

où SCa(OH)2est la teneur en portlandite (mol/L), h est une constante égale à 5,6× 10−4 mol/m2.s [78] et D est un paramètre de transfert considéré comme indépendant de la formulation du matériau et calé sur des données expérimentales [36] , D= 1,5× 10−14 mol/m.s. Rp(γ), Rc(γ), R0 sont respectivement le rayon des sphères de portlandite qui diminue au cours de la carbonatation, le rayon de la calcite qui augmente pendant la carbonatation et le rayon initial des amas de cristaux de portlandite.

𝑅𝑝(𝛾) = 𝑅0(1 − 𝛾)1/3 (3-9)

𝑅𝑐(𝛾) = 𝑅0(1 − 𝛾 +𝛾̅̅̅̅̅̅̅̅𝐶𝑎𝐶𝑂3 𝛾𝐶𝑎𝑂𝐻2 ̅̅̅̅̅̅̅̅̅𝛾)

1/3 (3-10)

où γ̅̅̅̅̅̅̅̅ et γCaCO3 ̅̅̅̅̅̅̅̅̅ sont respectivement le volume molaire partiel de la calcite et de la portlandite CaOH2 (m3/mol). γ est la fraction molaire exprimée par:

𝛾 = 1 − 𝑆𝐶𝑎(𝑂𝐻)2

𝑆0

𝐶𝑎(𝑂𝐻)2 (3-11)

où S0

Ca(OH)2 est la teneur initiale en portlandite. Il reste:

𝑋𝑃0 = −ℎ 𝑆𝑝(𝛾)𝑙𝑛 ([𝐶𝑎2+𝐾].[𝑂𝐻]

𝑝 ) (3-12)

𝑆𝑝(𝛾) = 3

𝑅0(1 − 𝛾)2/3𝑆0𝐶𝑎(𝑂𝐻)2𝛾̅̅̅̅̅̅̅̅̅ 𝐶𝑎𝑂𝐻2 (3-13) où Sp(γ) est la surface des sphères de portlandite par unité de volume de matériau poreux.

3.2.3.3 Cinétique de carbonatation des silicates de calcium hydratés CSH

Les silicates de calcium hydratés issus de l’hydratation du ciment sont aussi susceptibles de se carbonater. Cette carbonatation produit de la calcite plus ou moins cristallisée (notée ici CaCO3-CSH) par rapport à la calcite créé après carbonatation de la portlandite, ainsi que du gel de silice (SiO2. 3H2O) qui sera noté SH dans la suite.

𝐶3𝑆2𝐻3+ 3𝐻2𝐶𝑂3 → 3𝐶𝑎𝐶𝑂3𝐶𝑆𝐻+ 2𝑆𝑖𝑂2. 3𝐻2𝑂 + 3𝐻2𝑂 (3-14)

La cinétique de carbonatation des CSH (δCSH0 ) est calculée par l’équation suivante :

𝛿𝐶𝑆𝐻0 =𝜕𝑆𝐶𝑆𝐻

𝜕𝑡 = −𝜑𝑆𝑒 𝐾𝐻

𝜏𝐶𝑆𝐻[𝐶𝑂2]

(3-15)

des CSH. Il est calibré à partir des travaux de Grandet [79] (τCSH ≈ 3000 s).

Dans cette étude, la présence des autres hydrates dans le béton est négligée par manque de données sur leurs cinétiques de carbonatation. Pour la portlandite, sa teneur au cours du couplage est déterminée à l’aide de la cinétique de dissolution détaillée dans le paragraphe 3.2.3.2.

3.2.3.4 Loi de transport du dioxyde de carbone à travers la phase gazeuse

Le transport du dioxyde de carbone est considéré diffusif à travers la phase gazeuse. L’expression du flux molaire du dioxyde de carbone est donnée par l’équation (3-16) en retenant l’hypothèse que la pression totale de gaz est constante et égale à la pression atmosphérique [39].

𝐽𝐶𝑂2 = −𝐷𝐶𝑂2(𝜑, 𝑆𝑒)𝑔𝑟𝑎𝑑[𝐶𝑂2] (3-16)

Thiery [36] a calé l’expression empirique (2-58) du calcul du coefficient de diffusion du dioxyde de carbone en comparant ces résultats numériques avec ceux des essais expérimentaux de Papadakis [80]. Il a obtenu l’équation (3-17) que nous utiliserons dans cette modélisation:

𝐷𝐶𝑂2 = 𝐷𝑐𝑜20 𝜑2.74(1 − 𝑆𝑒)4.2 (3-17)

3.2.3.5 Couplage entre le transfert d’ions chlorure et le dioxyde de carbone

Le modèle développé dans le cadre de cette étude prend en compte les phénomènes réversibles issus du couplage carbonatation / chlorures : le sel de Friedel qui se forme pendant la pénétration des ions chlorure (cf. équation (2-9) va se dissoudre pour libérer les ions chlorure pendant la pénétration du dioxyde de carbone (cf. équation (2-11)). Ces réactions de dissolution et de précipitation sont conditionnées par la constante d’équilibre KSF définie par l’équation (2-10). Ainsi, la loi d’évolution de la porosité est exprimée en fonction de l’état de carbonatation de la portlandite, des CSH et du sel de Friedel. L’évolution de la porosité est exprimée par :

∆𝜑 = 𝛾̅𝑆𝐹(𝑆𝑆𝐹0 − 𝑆𝑆𝐹) + 𝛾̅𝐶𝑎𝐶𝑂3𝑆𝐶𝑎𝐶𝑂3− 𝛾̅𝐶𝑎𝑂𝐻2(𝑆𝐶𝑎𝑂𝐻0 2 − 𝑆𝐶𝑎𝑂𝐻2) + ∆𝛾̅𝐶𝑆𝐻(𝑆𝐶𝑆𝐻0 − 𝑆𝐶𝑆𝐻) (3-18)

où γ̅SF, SSF0 , SSF , SCSH0 , SCSH et ∆γ̅CSH sont respectivement le volume molaire (m3/mol), la teneur initiale et instantanée du sel de Friedel, la teneur initiale et instantanée des CSH et la variation du volume liée à la carbonatation d’une mole de CSH qui est égale à 2,3× 10−6 m3/mol [36].

Les volumes molaires partiels sont difficiles à obtenir, car ils dépendent de la composition de l’électrolyte. Le calcul du volume molaire partiel γ̅i pour les espèces ioniques se fait par l’équation d’Atkins [81] : 𝛾̅𝑖 =4 3𝜋𝑟𝑖3𝑁𝐴− 4.2𝑧𝑖 2 𝑟𝑖 (3-19)

où ri et NA sont respectivement le rayon ionique et le nombre d’Avogadro. Finalement, le bilan volumique de la solution interstitielle impose :

∑ 𝛾̅𝑖𝐶𝑖,𝑙+

𝑛−1

𝑖=1

𝛾̅𝐻2𝑂𝐶𝐻2𝑂 = 1

(3-20)

où CH2O est la concentration de l’eau liquide (mol/m3).