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Chapitre 4 – Modélisation multi-échelle des propriétés de diffusion et d’élasticité des pâtes de ciment

4.5 Modèles adoptés pour estimer les propriétés de la pâte de ciment

4.5.1 Modèle détaillé

4.5.1.1 Modèle morphologique détaillé

En se basant sur la revue des modèles existants présentée dans ce chapitre, nous présentons une première représentation morphologique – relativement – détaillée de la pâte de ciment à travers plusieurs échelles (voir figure 4-9). Ce modèle est principalement inspiré des travaux de Ma et al. [105] mais intègre également plusieurs caractéristiques des modèles décrits dans la section 4.5 :

- Niveau II : À l’échelle la plus grande, la pâte de ciment Portland est modélisée comme un assemblage désordonné de grands pores capillaires (GPC > 100nm) et d’inclusions composites constituées d’un noyau de clinker, entourées de deux couches de produits d'hydratation appelées respectivement interne (haute densité) et externe (basse densité).

- Niveau I : À une échelle intermédiaire, la couche interne est considérée comme un mélange désordonné de gels de CSH de haute densité et des nanocristaux d’hydrates. À son tour, la couche externe est considérée à deux échelles comme un mélange de petits pores capillaires (PPC ≈3-100nm), de gels de CSH de faible densité et de microcristaux d’hydrates.

- Niveau 0 : À l'échelle la plus fine, les gels de CSH de haute et de basse densité sont décrits comme des assemblages désordonnés de briques élémentaires de CSH solides et de pores de gel.

Figure 4-9 : Représentation du modèle détaillé de la pâte de ciment.

La particularité de ce modèle est de décomposer le réseau de pores capillaires en petits et grands pores capillaires (PPC et GPC respectivement) pour être en accord avec les plusieurs ordres de grandeur observés pour les tailles de pores capillaires. Dans ce modèle, la diffusion peut se produire à travers les GPC, les PPC de la couche externe et les pores de gel de CSH de haute et de basse densité. La variation de la connectivité de ces différents types de pores en fonction du rapport eau / ciment et du degré d'hydratation est un point clé dans la modélisation des propriétés de transport de la pâte de ciment [105], détaillée ci-dessous.

4.5.1.2 Niveau 0 : gels de CSH

A l'échelle la plus fine, les gels de CSH sont modélisés comme un assemblage de briques de CSH solides et des pores des gels comme le montre la figure 4-9. Deux types des gels de CSH sont considérés, un gel de basse densité (CSH-BD) dans la couche externe et un gel de haute densité (CSH-HD) dans la couche interne. D’après Ulm et al. [127], Constantinides et Ulm [141], les porosités des gels φcshhd et φcshbd des CSH-HD et des CSH-BD sont supposées égales à:

𝜑𝑐𝑠ℎℎ𝑑 =𝑓𝑐𝑠ℎℎ𝑑𝑝

𝑓𝑐𝑠ℎℎ𝑑= 0.24 ; 𝜑𝑐𝑠ℎ𝑏𝑑 =𝑓𝑐𝑠ℎ𝑏𝑑𝑝

𝑓𝑐𝑠ℎ𝑏𝑑= 0.37 (4-6)

volume de la pâte de ciment. Ces valeurs sont ici supposées intrinsèques pour toutes les pâtes de ciment Portland ordinaires [127].

La morphologie désordonnée du gel est prise en compte par le schéma auto-cohérent comme dans l'exemple illustratif du paragraphe 4.3.2.2.

Pour ce type de modélisation, il faut représenter les différentes phases (pores de gel et briques solides) par des ellipsoïdes. Bien entendu, ces pores et briques ne sont en réalité pas des ellipsoïdes, encore moins avec un calibre indentique, et donc les choix des formes seront guidés par ces exigences en termes de percolation des phases solides et fluides à vérifier par la suite : Les coefficients de diffusion des gels de CSH-HD et BD doivent être non-nul pour que l'eau puisse accéder au clinker anhydre pendant l'hydratation, et que la rigidité du gel soit non nulle.

Il existe une controverse dans la littérature sur la forme des briques de CSH solides à utiliser [134-135]. Constantinides et Ulm [141] considèrent que les briques (ou globules) de CSH sont sphériques, alors que Sanahuja et al. [123] considèrent les briques de CSH comme des particules plutôt aplaties. Sur la base des observations expérimentales faites par Garrault [144] sur des briques de CSH, qui a observé des particules élémentaires de dimensions 60 × 30 × 5 nm, nous suivons ici Sanahuja et al. [123], [143] et considérons les briques CSH élémentaires comme des particules solides de forme oblate, dont le rapport d'aspect est ωCSHs = 5/√30 × 60 = 0,12 . Les briques de CSH sont supposées non diffusives. L'effet de la forme utilisée pour modéliser les pores de gel n'a pas été précédemment traité dans la littérature. Sous l'hypothèse ci-dessus de particules solides oblates non diffusives, la figure 4-2 et la figure 4-10 indiquent que la modélisation des pores par une forme sphérique, comme proposé dans la littérature, conduit à des coefficients de diffusion nuls pour les CSH-HD et BD, et n'est donc pas appropriée. Ceci est également vrai pour les CSH-HD si les particules solides sont supposées sphériques, puisque le seuil de percolation de la diffusion est pour une porosité de 1/3 lorsque les solides et les pores sont modélisés par des sphères. Ainsi, les pores des gels doivent être modélisés sous forme de sphéroïdes plats ou allongés dans le cadre de cette étude. Cependant, une forme de pore oblate doit être exclue pour satisfaire les exigences de rigidité et de diffusivité non nulle pour les porosités de gel retenues dans l’équation (4-6) et ωCSHs = 0.12 (voir figure 4-2). Les pores de gels doivent donc être modélisés par des sphéroïdes prolates, avec un rapport d'aspect ωCSHp supérieur à 5,8 afin d’assurer la percolation de la phase poreuse pour les deux porosités des gels dans l’équation (4-6). En raison du manque d'observations expérimentales à cette échelle, nous supposons que ωCSHp = 1/ωCSHs ≈ 8.3.

Figure 4-10 : Estimations auto-cohérentes des modules d’indentation des gels de CSH-HD et BD (traits épais) et des coefficients de diffusion (traits fin) pour plusieurs rapports d’aspect des solides et de pores 𝜔s et 𝜔p, en

comparaison avec des mesures expérimentales de nanoindentation [106-123-138].

Nous souhaitons ici clarifier que les rapports d'aspect considérés ici ne sont que des hypothèses de modélisation pour lesquelles aucune preuve définitive n'a été présentée. Ces valeurs de rapports d'aspect sont choisies puisque, comme résumé dans la figure 4-10: 1) elles permettent d’obtenir une diffusivité non nulle dans les gels de CSH-HD et BD et 2) elles sont au moins aussi cohérentes que les propositions des modèles précédents de Sanahuja et al. [123], Constantinides et Ulm [141] avec des résultats expérimentaux de module de nanoindentation M = E/(1 - 𝜐2) détaillés dans les travaux de Acker [109], Constantinides et Ulm [126], [141].

4.5.1.3 Niveau 1 : Couches internes et externes de CSH

A l’échelle intermédiaire (niveau I de la figure 4-9), les produits d'hydratation sont considérés comme deux couches qui entourent les grains de clinker. Ces couches internes et externes sont constituées des gel de CSH, d'autres produits d'hydratation cristallins (portlandite, sulfo-aluminates) et de petits pores capillaires [105].

Couche interne : La couche interne comprend du gel de CSH haute densité (CSH-HD) et des

nanocristaux d’hydrates [105]. Le gel de CSH-HD et les nanocristaux d’hydrates seront regroupés dans la suite sous le nom de produits d'hydratation internes. Le schéma d'homogénéisation auto-cohérent est utilisé pour modéliser la couche interne, dans laquelle les particules de nanocristaux et de gel de CSH-HD sont modélisées sous forme sphérique pour restreindre le nombre de paramètres. Les nanocristaux

sont supposés non diffusifs.

Couche externe : La couche externe comprend du gel de CSH basse densité (CSH-BD), des petits pores

capillaires (PPC) et des microcristaux d’hydrates. Le gel de CSH-BD et les microcristaux d’hydrates seront regroupés sous le nom de produits d'hydratation externes. La couche externe comprend ainsi à la fois des pores de gel et des petits pores capillaires. La taille des PPC varie de 3 à 100 nm selon la définition proposée par Ma et al. [105], de sorte qu'elle correspond à la porosité accessible par adsorption d'azote. Comme la taille des PPC est beaucoup plus petite que celle des microcristaux d’hydrates qui sont typiquement de quelques dizaines de μm, elles doivent être introduites sous différentes échelles [105] :

- Niveau Ia : une couche de CSH externe qui comprend des PPC et le gel de CSH-BD ;

- Niveau Ib : une couche externe qui comprend des microcristaux et la couche de CSH externe. Le schéma auto-cohérent est utilisé pour gérer les morphologies désordonnées aux deux niveaux Ia et Ib. Bien que certains travaux dans la littérature considèrent les cristaux d’hydrates comme des particules allongées ou aplaties [128], [133], une forme sphérique est ici supposée au niveau Ib afin de limiter le nombre des paramètres d’entrée du modèle. Cette simplification supportée par les travaux de Stora et al. [128], qui ont montré que la forme des cristaux d’hydrates est un paramètre d’influence secondaire sur les propriétés globales de la pâte de ciment.

Au contraire, les formes des particules utilisées pour représenter le gel de CSH-BD et les PPC au niveau Ia sont primordiales car elles contrôlent à la fois la percolation de la phase solide – et donc la prise de la pâte de ciment – et la connectivité de l'espace poreux. D’après Stora et al. [112], Béjaoui et Bary [145], la porosité capillaire n'est pas toujours connectée et les pores de gel peuvent parfois constituer des voies privilégiées pour la diffusion des espèces. Ceci a été également soutenu par les travaux d’Atkinson et Nickerson [131], qui ont affirmé d’après leurs résultats expérimentaux que la morphologie de la structure poreuse la mieux adaptée pour décrire le comportement diffusif est celle dans laquelle les pores relativement grands sont interconnectés par des pores beaucoup plus fins. Pour modéliser ce comportement, en utilisant le schéma auto-cohérent, les PPC sont considérés comme des sphères (pour avoir le moins de percolation) et les CSH-BD comme des sphéroïdes oblates (qui empêchent le plus la connectivité des PPC). La considération d’une forme non sphérique pour les CSH-BD ajoute un degré de liberté au modèle, qui est identifié comme suit: 1) une valeur unique du rapport d'aspect des CSH-BD sera utilisée pour toutes les pâtes de ciment Portland, 2) cette valeur sera déterminée à partir d'une analyse inverse des mesures expérimentales du module d'Young de la pâte de ciment au début de l’hydratation, comme détaillé dans la section 4.6.

4.5.1.4 Niveau II : Pâte de ciment

A l'échelle la plus grande (niveau II de la figure 4-9), la pâte de ciment est modélisée en utilisant un schéma auto-cohérent généralisé. Les phases solides sont modélisées par des particules sphériques composites constituées d'un noyau de clinker anhydre entouré des couches interne et externe du niveau I. Les grands pores capillaires (GPC) sont modélisés sous forme sphérique. La connectivité de la phase solide de la pâte de ciment est donc gouvernée à deux échelles distinctes :

o la fraction volumique des GPC doit être inférieure à 1/2 pour assurer la percolation des particules composites au niveau II ;

o la fraction volumique des PPC dans la couche de CSH externe (φppcccshe = fppc/(fppc+ fcshbd)) doit être inférieure à la porosité de percolation élastique φe dont la valeur dépend du rapport d’aspect des particules de gel de CSH-BD (voir figure 4-2).