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LE TRANSFERT DU DROIT DE VOTE AFIN DE PRENDRE LE CONTRÔLE DE LA SOCIÉTÉ

Dans le document Les contrats civils appliqués aux actions (Page 85-88)

« S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement.

Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes ».

Rousseau, Du contrat social, Livre III, Chapitre IV, Bréal, 2000, p. 42.

156- Le droit de vote est traditionnellement considéré comme un droit individuel, irréductible,

de l’actionnaire262 car il représente la contrepartie de l’apport que celui-ci a effectué au profit de la société. Toutefois, ce droit supporte de plus en plus d’atténuations légales ou jurisprudentielles. En témoigne l’ordonnance du 24 juin 2004263 autorisant la création d’actions de préférence264, parfois dépourvues de droit de vote265, ou encore les conventions de vote, telles qu’elles sont encadrées par la jurisprudence.

Cette désacralisation du droit de vote trouve certainement son origine dans le fait que le pouvoir de voter est, de nos jours, considéré davantage comme une valeur économique266 que comme un droit individuel. Le vote ayant une certaine valeur, les actionnaires peuvent être tentés d’en tirer profit267.

262 MERLE (Ph.), Droit commercial, les sociétés commerciales, Précis Dalloz, 6ème éd., 1998, n° 306, p. 326 ;

RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de droit commercial, Tome I, Volume II, Les sociétés commerciales, par

GERMAIN (M.), L.G.D.J., 18ème éd., 2002, n° 1606, p. 381.

263 Ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 : Réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales. J.O.R.F. du 26 juin 2004, p. 11612.

Cette réforme se substitue notamment à la loi n° 78-741 du 13 juillet 1978 : Loi relative à l'orientation de l'épargne vers le financement des entreprises. J.O.R.F. du 14 juillet 1978, p. 2799. Cette loi autorisait l’émission d’actions à dividende prioritaire sans droit de vote.

264 MAGNIER (V.), Les actions de préférence : à qui profite la préférence ?, D., 2004, p. 2559 ; VIANDIER

(A), Les actions de préférence, J.C.P. éd. E., 2004, 1440, p. 1528 ; Rapport ME.D.E.F., Les actions de préférence : propositions du MEDEF pour une modernisation du droit des valeurs mobilières, mai 2001.

265 Cf. article L. 228-11 du Code de commerce.

266 MONSALLIER (M.-C.), L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, Thèse, Bibl. dr. privé, Tome 303, préface de VIANDIER (A.), L.G.D.J., 1998, n° 461, p. 192.

267 Au risque de tomber sous le coup de l’article L. 242-9 3° du Code de commerce, qui punit de peines correctionnelles « le fait de se faire accorder, garantir ou promettre des avantages pour voter dans un certain

En outre, comme l’ont fait remarquer des auteurs268, le législateur semble plutôt favorable au transfert du droit de vote puisque la loi du 12 juillet 1985269, à travers l’actuel article L. 233-10 I du Code de commerce, énonce que « sont considérées comme agissant de concert les

personnes qui ont conclu un accord en vue d’acquérir ou de céder des droits de vote, ou en vue d’exercer des droits de vote, pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société ». Bien que ce texte ne valide pas directement ce type d’opération, force est de

constater qu’il en reconnaît au moins l’existence. Il en est de même pour l’article L. 233-3 2° du Code de commerce qui reconnaît également l’existence des conventions de vote.

157- Toutefois, vouloir contrôler la société en transférant le droit de vote attaché aux actions

peut paraître réducteur.

En effet, le contrôle d’une société peut recouvrer des réalités différentes :

- Il peut s’agir de détenir une majorité absolue ou relative au sein des assemblées générales270 mais aussi, pourquoi pas, une simple minorité de blocage ;

- Il peut également s’agir de contrôler les organes dirigeants de la société ou seulement une partie de ces organes ;

- Il peut enfin s’agir d’aménager contractuellement le fonctionnement de la société anonyme271.

Dès lors, de nombreuses conventions sont souvent utilisées pour parvenir à exercer l’une ou l’autre de ces formes de contrôle de la société. Citons, pêle-mêle, les OPA272, les OPE273, les sociétés holdings, les actions de préférence274, les syndicats de blocage, les conventions de vote, les mandats, l’usufruit d’actions, la clause de rachat forcée, la clause d’agrément ou de préemption ou encore les pactes extra-statutaires relatifs au fonctionnement de la société.

268 GERMAIN (M.), Le transfert du droit de vote, Rev. Jurisp. Com., 1990, p. 135 ; MERCADAL (B.) et

JANIN (P.), Sociétés commerciales, Mémento pratique Francis Lefebvre, 2002, n° 10668, p. 610.

269 Loi n° 85-705 du 12 juillet 1985 : Participations détenues dans les sociétés par actions. J.O.R.F. du 13 juillet 1985, p. 7918.

270 Ou de maintenir cette majorité face à une tentative de prise de contrôle inamicale…

271 MONSALLIER (M.-C.), L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, Thèse, Bibl. dr. privé, Tome 303, préface de VIANDIER (A.), L.G.D.J., 1998.

272 Offre Publique d’Achat.

273 Offre Publique d’Echange.

274 MAGNIER (V.), Les actions de préférence : à qui profite la préférence ?, D., 2004, p. 2559 ; VIANDIER

(A), Les actions de préférence, J.C.P. éd. E., 2004, 1440, p. 1528 ; Rapport ME.D.E.F., Les actions de préférence : propositions du MEDEF pour une modernisation du droit des valeurs mobilières, mai 2001.

158- Le choix opéré dans cette étude entre toutes ces formes de contrôle et de contrats

correspondra à la délimitation du sujet de l’étude :

- En premier lieu, seront exclus de l’étude tous les contrats qui ne sont pas à proprement parler civils275.

- En second lieu, seront exclues de l’étude les actions de préférence276 même si elles se révèlent un instrument efficace de contrôle de la société, notamment lorsqu’elles s’inspirent des anciennes actions à dividende prioritaire sans droit de vote. La raison de cette exclusion trouve sa source dans la nécessaire délimitation du sujet, à savoir étudier les contrats appliqués aux actions et non la contractualisation des actions elle-même277.

- En troisième lieu, l’analyse se focalisera sur ce qui paraît être l’essence même du contrôle d’une société, à savoir le droit de vote des actionnaires, en excluant, conformément à l’alinéa troisième de l’article L. 242-9 3° du Code de commerce, tous les montages ayant pour effet ou pour finalité de « se faire accorder, garantir ou

promettre des avantages pour voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que le fait d’accorder, garantir ou promettre ces avantages ».

159- Pour toutes ces raisons, ce chapitre sera consacré, selon les limites du sujet, à l’analyse

des contrats civils ayant pour objet de transférer le droit de vote. Pour ce faire, la distinction opérée par le professeur Germain, dans une étude remarquable sur cette question278, entre transfert direct et transfert indirect du droit de vote, sera poussée plus avant.

Il sera constaté, en premier lieu, que les contrats civils les plus couramment utilisés opèrent un transfert direct du droit de vote (Section I). Mais, en second lieu, il conviendra d’analyser d’autres contrats civils qui présentent l’avantage de pouvoir transférer indirectement le droit de vote, en transférant un droit réel sur les actions279, ce qui permet de réduire considérablement les risques d’invalidité de cette opération (Section II).

275 Une exception sera faite pour la société holding qui sera étudiée en raison notamment de sa complémentarité avec un contrat indiscutablement civil : la donation avec réserve d’usufruit. En outre, la société est un contrat, comme l’indique l’article 1832 du Code civil. Cf. CHAMPAUD (C.), Le contrat de société existe-t-il encore ?, in Le droit contemporain des contrats, Economica, 1987, p. 125.

276 MAGNIER (V.), Les actions de préférence : à qui profite la préférence ?, D., 2004, p. 2559 ; VIANDIER

(A), Les actions de préférence, J.C.P. éd. E., 2004, 1440, p. 1528 ; Rapport ME.D.E.F., Les actions de préférence : propositions du MEDEF pour une modernisation du droit des valeurs mobilières, mai 2001.

277 Supra, n° 9.

278 GERMAIN (M.), Le transfert du droit de vote, Rev. Jurisp. Com., 1990, p. 135.

SECTION I

LES CONTRATS CIVILS PERMETTANT DE TRANSFÉRER

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