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LES CONTRATS CIVILS PERMETTANT DE TRANSFÉRER DIRECTEMENT LE DROIT DE VOTE

Dans le document Les contrats civils appliqués aux actions (Page 88-117)

160- Le professeur Germain280 a démontré que le transfert du droit de vote pouvait être direct ou indirect : il est direct lorsque l’actionnaire qui le transmet demeure pleinement propriétaire de ses actions et des droits politiques et financiers afférents. En outre, il convient de remarquer que les contrats civils opérant un transfert direct du droit de vote sont les plus fréquemment utilisés et les plus connus. Ces contrats sont principalement le mandat (§ 1) et les conventions de vote (§ 2).

§ 1 - Le mandat281

161- Le régime de droit commun du mandat est énoncé aux articles 1984 et suivants du Code

civil. Mais la loi du 24 juillet 1966282 a introduit de nouvelles dispositions, spécifiques au vote par mandataire, que l’on retrouve aux articles L. 225-106 et R. 225-79 et suivants du Code de commerce.

162- Selon l’alinéa premier de l’article 1984, « Le mandat ou procuration est un acte par

lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ».

280 GERMAIN (M.), Le transfert du droit de vote, Rev. Jurisp. Com., 1990, p. 139.

281 Sur ce sujet :

CORDONNIER (P.), L’usage des pouvoirs en blanc dans les assemblées d’actionnaires, J. soc, 1934, p. 417 ; GERMAIN (M.), op. cit., p. 135 ; MONSALLIER (M.-C.), L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, Thèse, Bibl. dr. privé, Tome 303, préface de VIANDIER (A.), L.G.D.J., 1998, n° 420 et s.,

p. 173 et s. ; MUTIGNON (P.), La représentation des actionnaires, thèse, 1962 , PERROT (R.), Le mandat

irrévocable, Travaux de l’Association Henri Capitant, 1954, p. 445 ; TUNC (A.), Les conventions relatives au droit de vote et l’organisation des sociétés anonymes, Rev. Gen. Dr. Com., 1942, p. 5 ; VOIRIN (P.), Les pouvoirs permanents souscrits par les actionnaires à l’effet de se faire représenter aux assemblées générales,

D., 1931, p. 49 ; WAHL (A.), Des mandataires aux assemblées générales dans les sociétés par action, J. soc., 1905, p. 97.

Dans la présente hypothèse, le mandat permettra à un actionnaire de transférer directement283 son droit de vote à un autre actionnaire qui sera chargé de le représenter. Ce procédé est particulièrement utile lorsqu’un actionnaire ou un groupe d’actionnaires souhaite exercer un contrôle sur la société, puisque le mandat pourra permettre d’additionner les votes ainsi transférés et de peser plus lourd à l’assemblée générale de la société.

En outre, dans les grandes sociétés anonymes, le plus souvent cotées sur un marché réglementé, l’utilisation du mandat est d’autant plus importante que les actionnaires sont nombreux, dispersés et éloignés, ce qui rend leurs participations aux assemblées rarissimes : dans ce cas, la pratique du mandat en blanc au profit des dirigeants de la société ou au profit d’un syndicat de petits actionnaires s’avère utile et d’usage courant.

163- Toutefois, le législateur n’a pas entendu laisser toute liberté aux parties, de façon à

protéger le mandant contre des atteintes trop graves à l’exercice de son droit de vote. C’est pourquoi le mandat est soumis à des conditions de validité relatives aux personnes (A) et à son étendue (B).

A - Les conditions de validité relatives aux personnes

164- Le législateur a posé des conditions relatives au mandant (1) et au mandataire (2). 1 - Les conditions relatives au mandant

165- Selon l’alinéa premier de l’article L. 225-106 du Code de commerce, « un actionnaire

peut se faire représenter par un autre actionnaire ou par son conjoint ». Ce texte pose le

principe selon lequel tout actionnaire, qui ne pourrait ou ne souhaiterait pas participer aux assemblées générales, peut s’y faire représenter284. En outre, l’alinéa sixième du même article dispose que « Les clauses contraires aux dispositions des alinéas précédents sont réputées

non écrites ». En conséquence, le droit de chaque actionnaire à être représenté est un droit

d’ordre public et les statuts ne peuvent pas y déroger.

283 C’est-à-dire en gardant la propriété des actions.

284 MONSALLIER (M.-C.), L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, Thèse, Bibl. dr. privé, Tome 303, préface de VIANDIER (A.), L.G.D.J., 1998, n° 420, p. 173.

166- Avant la loi du 15 mai 2001285, être actionnaire ne suffisait pas pour être représenté aux assemblées générales. Il fallait également que le mandant ait la faculté de participer à l’assemblée générale. Or, tel n’était pas toujours le cas, puisqu’en vertu de l’ancien article L. 225-112 du Code de commerce, les statuts pouvaient conditionner ce droit de participer aux assemblées à la propriété d’un nombre minimum d’actions. Ce nombre ne pouvait être supérieur à dix.

Cette discrimination au détriment des petits actionnaires a été prohibée par la loi N.R.E. du 15 mai 2001 qui a abrogé l’article L. 225-112 précité.

Toutefois, avant cette abrogation, les actionnaires qui ne disposaient pas du nombre minimum d’actions requises pouvaient malgré tout échapper à l’emprise de l’article L. 225-112 en se regroupant ou en mandatant un autre actionnaire disposant du nombre d’actions exigé286.

167- Quoi qu’il en soit, grâce à la suppression de ce texte archaïque, les conditions relatives

au mandant sont moins strictes en droit positif que les conditions relatives au mandataire.

2 - Les conditions relatives au mandataire 168- Deux conditions relatives au mandataire nous paraissent notables :

- D’une part, le mandataire doit impérativement avoir la qualité d’actionnaire ou de conjoint (a) ;

- D’autre part, si le mandat est en blanc, le mandataire devra répondre à certains droits et devoirs (b).

a - Le mandataire doit avoir la qualité d’actionnaire ou de conjoint

169- Si le mandat de droit commun suppose que l’on puisse désigner quiconque comme

mandataire287, le législateur n’a pas souhaité maintenir cette liberté en matière de vote par mandataire dans les sociétés anonymes. C’est pourquoi l’alinéa premier de l’article L. 225-106 du Code de commerce dispose qu’« Un actionnaire peut se faire représenter par un autre

285 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 : Nouvelles Régulations Économiques. J.O.R.F. du 16 mai 2001, p. 7776.

286 MONSALLIER (M.-C.), L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, Thèse, Bibl. dr. privé, Tome 303, préface de VIANDIER (A.), L.G.D.J., 1998, n° 429, p. 175 et 176.

actionnaire ou par son conjoint ». Pour ce qui est du conjoint, il n’y a pas de difficultés

particulières. Tel n’est pas le cas du mandataire actionnaire.

170- Cette restriction dans le choix du mandataire a été introduite par la loi du 24 juillet

1966288. Il s’agissait pour le législateur d’éviter « l’accès à l’assemblée d’agitateurs, de

maîtres chanteurs, et plus simplement de cabinets d’affaires faisant profession de l’état de mandataires »289. Sous l’empire de la loi du 24 juillet 1867, la qualité du mandataire était indifférente mais il faut remarquer que les statuts exigeaient souvent que celui-ci ait la qualité d’actionnaire afin, déjà, d’éviter l’intrusion d’un trublion dans la société290. Houpin et Bosvieux, sous l’empire du droit antérieur, firent le constat suivant : « En principe, et à moins

d’interdiction dans les statuts, tout actionnaire a le droit de se faire représenter aux assemblées générales par un mandataire, même étranger à la société […]. Il est stipulé ordinairement que les actionnaires ne peuvent se faire représenter que par un autre actionnaire »291. Au final, la loi du 24 juillet 1966, en conditionnant la qualité de mandataire à celle d’actionnaire ou de conjoint, n’a fait qu’entériner la pratique statutaire des sociétés anonymes.

171- En outre, l’alinéa premier de l’article L. 225-106 du Code de commerce est un texte

d’ordre public puisque l’alinéa sixième du même texte répute non écrite toute clause contraire. Dans le même sens, l’article R. 225-79 du Code de commerce interdit également au mandataire de se substituer une autre personne, ce qui permet également de s’assurer de la qualité d’actionnaire du mandataire, bien que cette solution se justifie davantage par la volonté de préserver le caractère personnel du mandat292.

172- Cependant, la qualité d’actionnaire ne se détermine pas toujours facilement. C’est la cas

notamment lorsque les actions sont démembrées ou indivises.

288 Loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 : Sur les sociétés commerciales. J.O.R.F. du 26 juillet 1966, p. 6402.

289 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de droit commercial, Tome I, Volume II, Les sociétés commerciales, par GERMAIN (M.), L.G.D.J., 18ème éd., 2002, n° 1561, p. 341.

290 WAHL (A.), Des mandataires aux assemblées générales dans les sociétés par action, J. soc., 1905, n° 12, p. 147.

291 HOUPIN (C.) et BOSVIEUX (H.), Traité général théorique et pratique des sociétés civiles et commerciales, Tome II, L.G.D.J., 7ème éd., 1935, n° 1138.

292 « le mandat donné par un actionnaire à un autre actionnaire pour le représenter dans les assemblées

générales est personnel, ce qui exclut pour le mandataire de se substituer un tiers » : Cass. com., 29 novembre

En ce qui concerne l’usufruit d’actions, la qualité d’actionnaire est généralement reconnue au nu-propriétaire, car la doctrine majoritaire considère qu’il est le seul apporteur293. En conséquence, celui-ci pourra représenter un autre actionnaire. Néanmoins, un autre courant doctrinal294 défend l’idée d’une pluralité d’actionnaires dans le cas de l’usufruit d’actions : selon cette école, le nu-propriétaire et l’usufruitier seraient tous deux considérés comme actionnaires car ils partagent la qualité d’apporteur et le droit d’intervention dans la vie sociale. Si cette doctrine venait un jour à l’emporter, alors aussi bien le nu-propriétaire que l’usufruitier pourrait représenter un autre actionnaire. Pour le moment, La jurisprudence nous laisse dans l’incertitude car si elle a reconnu clairement la qualité d’associé au nu-propriétaire295, elle n’a jamais affirmé ou dénié cette qualité à l’usufruitier296.

En ce qui concerne l’indivision d’actions, la solution est plus simple puisque la doctrine297 et la jurisprudence298 s’accordent à reconnaître la qualité d’actionnaire à chaque indivisaire. Dès lors, chacun d’eux pourra représenter un autre actionnaire.

173- Pour conclure sur ce point, une dernière difficulté peut encore se poser dans la mesure où

l’alinéa premier de l’article L. 225-125 du Code de commerce dispose que « Les statuts

peuvent limiter le nombre de voix dont chaque actionnaire dispose dans les assemblées […] ». Dès lors, quand un ou plusieurs actionnaires sont représentés, la question se pose de

293 CHAZAL (J.-P.), L’usufruitier et l’associé, Bull. Joly, 2000, § 158, p. 679 ; DAIGRE (J.-J.), Un arrêt de

principe : le nu-propriétaire de droits sociaux ne peut pas être totalement privé de son droit de vote (à propos de Cass. com., 4 janvier 1994), Bull. Joly, 1994, § 62, p. 249 ; GUENGANT (A.), L’attribution du droit de vote en cas de démembrement de la propriété d’action ou de parts sociales, J.C.P. éd. E., 1994, Les conseils Fidal,

C.D.E., n° 1, p. 132 ; LYON-CAEN (CH.) et RENAULT (L.), Traité de droit commercial, Tome II, Des

sociétés, L.G.D.J., 5ème éd., 1926, n° 845, p. 229-230 ; MERCADAL (B.) et JANIN (P.), Sociétés

commerciales, Mémento pratique Francis Lefebvre, 2002, n° 465, p. 46 ; RIPERT (G.) et ROBLOT (R.),

Traité de droit commercial, Tome I, Volume II, Les sociétés commerciales, par GERMAIN (M.), L.G.D.J., 18ème

éd., 2002, n° 1086, p. 67 ; VIANDIER (A.), La notion d’associé, Thèse, Bibl. dr. privé, Tome 156, préface de TERRE (F.), L.G.D.J., 1978, n° 248 et s., p. 241 et s.

294 DERRUPE (J.), Un associé méconnu : l’usufruitier de parts ou actions, Les Petites Affiches, 13 juillet 1994, n° 83, p. 15 ; REGNAUT-MOUTIER (C.), Vers la reconnaissance de la qualité d’associé à l’usufruitier de

droits sociaux ?, Bull. Joly, 1994, § 320, p. 1155.

295 La Cour de cassation a d’abord reconnu implicitement la qualité d’associé au nu-propriétaire (Cass. 3ème civ., 5 juin 1973, Bull. civ., 1973, n° 403, p. 291) puis elle l’a fait de manière explicite dans l’arrêt « De Gaste » (Cass. com., 4 janvier 1994. Cf. BONNEAU (Th.), Droit des Sociétés, mars 1994, n° 45 ; COZIAN (M.), J.C.P. éd. E., 1994, 374 ; DAIGRE (J.-J.), Bull. Joly, 1994, § 62, p. 249 ; LE CANNU (P.), Defrénois, 1994, art. 35786, p. 556 ; LECENE-MARENAUD (M.), Rev. Soc., 1994, p. 278 ; VIANDIER (A.) et CAUSSAIN

(J.-J.), J.C.P. éd. E., 1994, I, 363 ; ZENATI (F.), R.T.D. Civ., 1994, p. 644).

296 Mise à part le jugement du Tribunal de Commerce de Lyon, en date du 27 septembre 1993, qui paraît isolé. Cf. BONNEAU (Th.), Droit des Sociétés, 1993, n° 217, p. 3.

297 FLOUR (Y.), La qualité d’actionnaire et l’indivision, Rev. Soc., 1999, p. 570 ; MERCADAL (B.) et JANIN

(P.), Sociétés commerciales, Mémento pratique Francis Lefebvre, 2002, n° 456 ;VIANDIER (A.), La notion d’associé, Thèse, Bibl. dr. privé, Tome 156, préface de TERRE (F.), L.G.D.J., 1978., n° 238 et s., p. 229 et s.

298 Cass. 1ère civ., 6 février 1980. Cf. ALFANDARI (E.) et JEANTIN (M.), R.T.D. Com., 1980, p. 353 ;

savoir s’il faut additionner le nombre maximum de voix du mandataire et le nombre maximum de voix de chaque actionnaire représenté.

Très justement, la jurisprudence s’est opposée à cette interprétation. Selon un arrêt de principe du 23 février 1957299, l’application des clauses statutaires de limitation des voix doit être appréciée séparément pour le nombre des actions qui appartiennent au mandataire et le nombre des actions qui appartiennent aux actionnaires représentés.

Madame Monsallier300 a avancé deux types d’arguments pour appuyer cette solution :

- D’une part, l’article L. 225-125 du Code de commerce envisage les voix de « chaque actionnaire », contrairement au quatrième alinéa de l’article 1 de la loi du 13 novembre 1933, qui s’appliquait auparavant aux limitations de voix et concernait « chaque membre de l’assemblée ». Selon l’auteur, cette substitution de termes effectuée par le législateur peut signifier son intention de contenir les clauses limitatives de voix dans la limite de chaque actionnaire.

- D’autre part, l’application des règles du mandat permet de déduire que les voix afférentes aux actions du représenté n’appartiennent qu’à ce dernier, qui est censé avoir voté lui-même par l'intercession du mandataire301.

b - Les droits et devoirs du mandataire en blanc

174- Le mandat en blanc est une pratique très courante dans les sociétés anonymes. Dans les

grandes sociétés, les actionnaires, nombreux, dispersés et éloignés, ne peuvent ou ne veulent pas participer aux assemblées générales. De plus, ces petits actionnaires ne se connaissent généralement pas entre eux et ne se donnent pas procuration. Cette situation peut être source de difficultés pour la société, dans la mesure où l’adoption d’une résolution nécessite d’atteindre un certain quorum302 : « On a proposé de mettre fin à cette pratique abusive. Mais

299 C.A. Paris, 23 février 1957. Cf. GORE, D., 1958, p. 135.

300 MONSALLIER (M.-C.), L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, Thèse, Bibl. dr. privé, Tome 303, préface de VIANDIER (A.), L.G.D.J., 1998, n° 444, p. 185.

301 WAHL (A.), Des mandataires aux assemblées générales dans les sociétés par action, J. soc., 1905, n° 1, p. 153.

302 Le quorum prescrit par l’article L. 225-96 dans les assemblées générales extraordinaires est du quart des actions ayant le droit de vote sur première convocation et du cinquième des actions ayant le droit de vote sur seconde convocation. Dans les assemblées générales ordinaires, l’article L. 225-98 du Code de commerce prescrit un cinquième des actions ayant le droit de vote sur première convocation tandis qu’aucun quorum n’est plus exigé si une seconde convocation est nécessaire. Ces conditions de quorum ont été assouplies par

si on supprimait ces mandats en blanc, jamais le quorum ne serait atteint. Il faudrait faire les frais de plusieurs convocations successives et finalement la dernière assemblée se tiendrait avec le concours de quelques actionnaires et le danger d’une majorité de hasard »303.

175- C’est pourquoi s’est développée la pratique des mandats en blanc, régie notamment par

l’alinéa septième de l’article L. 225- 106 et par les articles R. 225-79 et suivants du Code de commerce.

176- En pratique, les dirigeants sociaux sollicitent les banques pour qu’elles envoient, en

contrepartie d’une commission304, des demandes de mandat à ceux de leurs clients qui disposent d’actions de la société. Ces demandes de mandats sont matérialisées par des formules de procuration que l’actionnaire signe et renvoie à la société. Comme l’actionnaire ne connaît pas le nom du mandataire, on a dénommé cette technique mandat en blanc : « L’actionnaire se soucie peu de venir à l’assemblée générale pour entendre la lecture d’un

rapport auquel il ne comprend rien et voter machinalement des propositions arrêtées à l’avance. Il faut le solliciter par l’appât d’un jeton de présence. Le plus souvent, il se fait représenter par un mandataire qu’il ne connaît pas en signant un mandat en blanc dont la formule lui a été adressée par la société ou par un banquier »305.

177- La loi du 24 juillet 1966306 a confirmé la validité de cette pratique, déjà admise sous l’empire du droit antérieur307, mais le législateur a apporté des modifications au régime du mandat en blanc par une loi du 3 janvier 1983308.

Les dispositions ajoutées par cette dernière loi sont reprises par l’alinéa septième de l’article L. 225-106, Selon lequel : « Pour toute procuration d’un actionnaire sans indication de

mandataire, le président de l’assemblée générale émet un vote favorable à l’adoption des

l’ordonnance n°2009-80 du 22 janvier 2009 : Ordonnance relative à l’appel public à l’épargne et portant diverses dispositions en matière financière. J.O.R.F. du 23 janvier 2009, p. 1431.

303 RIPERT (G.), Aspects juridiques du capitalisme moderne, L.G.D.J., 2ème éd., 1951, n° 43, p. 102.

304 HEMARD (J.), TERRE (F.) et MABILAT (P.), Sociétés commerciales, Tome II, Dalloz, 1974, n° 133, p. 121 ; RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de droit commercial, Tome I, Volume II, Les sociétés

commerciales, par GERMAIN (M.), L.G.D.J., 18ème éd., 2002, n° 1561, p. 342.

305 RIPERT (G.), op. cit., n° 42, p. 100.

306 Loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 : Sur les sociétés commerciales. J.O.R.F. du 26 juillet 1966, p. 6402.

307 Cass. req., 7 décembre 1857, D.P., 1858, 1, p. 111 ; cass. com., 27 octobre 1959. Cf. DALSACE (C.), D., 1960, p. 454.

308 Loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 : Développement des investissements et protection de l’épargne. J.O.R.F. du 4 janvier 1983, p. 162.

projets de résolution présentés ou agréés par le conseil d’administration ou le directoire, selon le cas, et un vote défavorable à l’adoption des autres projets de résolution. Pour émettre tout autre vote, l’actionnaire doit faire choix d’un mandataire qui accepte de voter dans le sens indiqué par le mandant ».

Il résulte de cette règle que l’actionnaire qui a signé et renvoyé un mandat en blanc à la société soutiendra par là-même l’action des dirigeants en fonction. C’est ce qui fait du mandat l’un des contrats civils les plus utilisés pour exercer un contrôle sur la société, par le biais d’un transfert direct du droit de vote. Il n’est pas anodin que la seule technique du mandat en blanc permet actuellement d’assurer à de nombreux dirigeants de sociétés anonymes le maintien de leur pouvoir sur la société et l’approbation des résolutions qu’ils présentent à l’assemblée générale309 : « Les actionnaires sont résignés à ne rien comprendre, à ne rien

savoir. Ils se fient aux administrateurs. Le régime démocratique des sociétés aboutit au triomphe d’une petite minorité de capitalistes. Cette démocratie s’achève en ploutocratie »310.

Toutefois, il est une particularité de l’article L. 225-106 qui doit être évoquée. En effet, l’alinéa septième de l’article L. 225-106 ne semble pas être d’ordre public, dans la mesure où l’alinéa sixième de cet article ne répute non écrites que les clauses contraires aux dispositions des alinéas précédents. Ce qui signifie que seuls les alinéas 1 à 5 sont d’ordre public, en vertu de l’alinéa sixième, tandis que l’alinéa septième n’est pas inclus dans la « zone » des clauses réputées non écrites. Il en résulte que les statuts pourraient stipuler que le mandat en blanc se matérialise par un vote du président de l’assemblée générale qui ne soit pas forcément favorable aux résolutions présentées ou agréées par le conseil d’administration ou le directoire : ce pourrait être un vote défavorable ou une abstention. Néanmoins, cette hypothèse est peu plausible car les dirigeants sociaux, disposant souvent d’une simple majorité relative, parfois précaire, n’auraient pas intérêt à réformer les statuts dans ce sens, dans la mesure où ce serait eux-mêmes qui perdraient le bénéfice de ces mandats en blanc. Enfin, il faut également mentionner le cas où l’une ou l’autre des résolutions présentées à l’assemblée recevrait une nouvelle rédaction, au cours des délibérations. L’alinéa septième de l’article L. 225-106 renferme la solution de ce problème : les pouvoirs en blanc équivalent à

309 Ce qui fut déjà critiqué par la doctrine sous l’empire de la loi du 24 juillet 1867. Cf. CORDONNIER (P.),

L’usage des pouvoirs en blanc dans les assemblées d’actionnaires, J. soc., 1934, p. 417.

un vote favorable aux résolutions présentées ou agréées par le conseil d’administration ou le directoire, et un vote défavorable à tous les autres projets de résolution. Dès lors, deux cas se présentent :

- Soit la résolution modifiée est agréée par le conseil d’administration ou le directoire, ce qui entraînera l’utilisation des mandats en blanc pour voter favorablement à cette résolution ;

- Soit la résolution modifiée n’est pas agréée par le conseil d’administration ou le directoire, ce qui entraînera l’utilisation des mandats en blanc pour exercer un vote défavorable à cette résolution311.

178- L’article R. 225-79 du Code de commerce ajoute d’autres règles, communes à tous les

mandats, mais dont certaines seront particulièrement favorables au mandataire en blanc. L’alinéa premier de ce texte s’adresse à toutes les formes de mandat, nominatifs ou en blanc, et pose une première règle simple : la procuration donnée par un actionnaire doit être signée par celui-ci, le cas échéant par signature électronique, et indiquer ses nom, prénom usuel et domicile. C’est également cet alinéa qui légitime l’existence du mandat en blanc, puisqu’il dispose que la procuration « peut désigner nommément un mandataire », ce dont on peut déduire, a contrario, qu’elle peut n’en désigner aucun312.

Les autres alinéas de ce texte posent également des règles communes à toutes les formes de mandat, mais certaines seront particulièrement utiles au mandataire en blanc. Il est ainsi

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