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TRANSFÉRER INDIRECTEMENT LE DROIT DE VOTE

Dans le document Les contrats civils appliqués aux actions (Page 117-156)

234- Les contrats civils qui transfèrent directement le droit de vote, sans que l’actionnaire y

perde la propriété de ses actions ni les droits politiques et financiers qui en découlent396 sont soumis à de trop nombreuses contraintes. C’est pourquoi une autre manière de transférer le droit de vote, de manière indirecte, en cédant la propriété de l’action ou un démembrement de propriété sur celle-ci, a été envisagée397. De cette manière, la propriété, déjà reine des sûretés, est couronnée reine des transferts de vote.

235- Toutefois, le procédé de transfert indirect des actions soulève le problème délicat de la

fraude : « Si le transfert de l’action, par quelque modalité que ce soit, a pour cause le désir

d’échapper à l’interdiction du transfert du droit de vote, n’y a-t-il pas là une fraude qui ruine à la base la construction imaginée ? Il est toujours très difficile dans le domaine du droit des sociétés de distinguer la fraude de l’habileté »398.

236- Néanmoins, ce problème n’est pas rédhibitoire. Ce que la jurisprudence considère

principalement comme une fraude, ce sont les opérations tendant à dissocier les droits

396 Le transfert du droit de vote étant limité dans le temps et dans l’objet.

397 GERMAIN (M.), Le transfert du droit de vote, Rev. Jurisp. Com., 1990, p. 139.

politiques des droits financiers conférés par l’action399, c’est-à-dire à dissocier le pouvoir du capital. Or, le transfert d’un droit réel sur l’action a justement pour effet, sinon pour finalité, de ne pas dissocier les droits politiques des droits financiers conférés par l’action400 : ces droits restent concentrés entre les mains du titulaire de ce droit réel.

237- Dans le même sens, le transfert d’un droit réel sur l’action peut permettre aux parties

d’échapper à l’article L. 242-9 3° du Code du commerce, qui interdit « Le fait de se faire

accorder, garantir ou promettre des avantages pour voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que le fait d’accorder, garantir ou promettre ces avantages ».

Ce texte n’a pas vocation à s’appliquer aux hypothèses de transfert indirect du droit de vote. La prohibition qu’il dispose vise précisément l’actionnaire, titulaire du droit de vote, qui voterait dans un certain sens ou s’abstiendrait de voter en raison d’un avantage quelconque. Or, en cas de transfert indirect du droit de vote, le bénéficiaire du transfert du droit de vote n’a pas besoin de se faire accorder, garantir ou promettre des avantages pour orienter le vote dans un sens ou dans un autre, pour la simple et bonne raison que c’est lui qui dispose de la qualité d’actionnaire401 et qui vote.

De fait, le transfert indirect du droit de vote permet à la personne physique ou morale qui souhaite acquérir des votes de le faire en réalisant non pas une cession du vote, ce que l’article L. 242-9 3° proscrit, mais une cession de l’action. En aucun cas ce procédé ne peut être invalidé au nom de l’article L. 242-9 3° précité car cela reviendrait littéralement à interdire toutes les cessions d’actions : un acheteur ne confère-t-il pas un avantage au vendeur, en contrepartie du transfert de la propriété sur les actions ? On ne peut que répondre par l’affirmative à cette question et pourtant la cession d’actions ne peut pas être considérée sérieusement comme une fraude. En conséquence, l’article L. 242-9 3° est inapplicable en cas de transfert indirect du droit de vote.

238- Pour conclure sur ce point, il convient de remarquer que les contrats civils ayant pour

objet de transférer indirectement le droit de vote prêtent moins le flanc à l’accusation de

399 Cass. req., 23 juin 1941, J. soc., 1943, p. 209.

400 Même l’usufruit ne dissocie pas les droits politiques des droits financiers conférés par les actions : simplement, l’usufruitier et le nu-propriétaire recevront chacun une partie des droits politiques et une partie des droits financiers, pour le temps où durera l’usufruit. Infra, n° 255 et s.

401 Quand il ne dispose pas de cette qualité, comme dans l’hypothèse de l’usufruit d’actions, il n’en reste pas moins titulaire du droit de vote.

fraude car ils sont plus respectueux des principes généraux du droit des sociétés : ces contrats respectent notamment l’interdiction de dissocier les droits politiques et financiers des actions402.

La jurisprudence semble par ailleurs avoir fait sienne cette interprétation puisqu’un célèbre jugement du Tribunal de commerce de Paris, à propos de la société holding, a déclaré : « s’il

est vrai que la liberté de vote est un principe essentiel, quoique non écrit du droit des sociétés, et que l’actionnaire ne peut valablement aliéner un droit qui n’est pas exclusivement conçu dans son seul intérêt, rien n’interdit de renoncer à cette liberté en renonçant personnellement à la qualité d’actionnaire pour la remettre ouvertement à un être juridique distinct […] »403.

Au demeurant, si l’on observe de plus près la pratique, certains contrats civils ayant pour objet de transférer indirectement le droit de vote sont déjà couramment utilisés (§ 1). De plus, le droit des contrats offre encore d’autres possibilités (§ 2).

§ 1 - Les contrats déjà utilisés pour transférer indirectement le droit de vote 239- Parmi ces contrats, il en est un issu du droit des sociétés (A) et d’autres issus du droit des

biens (B).

A - Un contrat issu du droit des sociétés : la société holding404

240- Avant de préciser le régime de la société holding, il est important d’indiquer que si ce

contrat est étudié dans cette partie de l’étude, c’est parce qu’il est assimilable à un contrat

402 Cass. req., 23 juin 1941, J. soc., 1943, p. 209.

403 T.C. Paris, 1er août 1974. Cf. OPPETIT (B.), Rev. Soc., 1974, p. 685.

404 Sur ce sujet :

BONNARD (J.), La transmission de la P.M.E., aspects juridiques et fiscaux, Hachette, 2004 ; CASTRES SAINT MARTIN (F.), Les sociétés dites « holdings », Thèse Paris II, 1992 ; DEVEZE (J.), COURET (A.) et HIRIGOYEN (G.), Lamy droit du financement, Lamy, 2001, n° 1114 et s., p. 661 et s ; DU GARREAU DE LA MECHENIE (J.), Les droits propres de l’actionnaire, Thèse Poitiers, 1937 ; GERMAIN (M.), Le transfert du droit de vote, Rev. Jurisp. Com., 1990, p. 139 ; GUYON (Y.), Traité des contrats, Les sociétés, Aménagements statutaires et conventions entre associés, L.G.D.J., 4ème éd., 1999, n° 290, p. 360 ; JEANTIN

(M.), Les conventions de vote, Rev. Jurisp. Com., 1990, p. 127 ; MONASSIER (B.), Transmission d’entreprise,

Francis Lefebvre, 2003, n° 8130 et s., p. 289 et s. ; MONSALLIER (M.-C.), L’aménagement contractuel du

fonctionnement de la société anonyme, Thèse, Bibl. dr. privé, Tome 303, préface de VIANDIER (A.), L.G.D.J.,

1998, n° 493 et s., p. 201 et s. ; PRAT (S.), Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Thèse, préface de VIANDIER (A.), Litec, 1992, n° 335, p. 205 ; REINHARD (Y.), La holding familiale, Defrénois, 2001, art. 37313, p. 291 ; TUNC (A.), Les conventions relatives au droit de vote et l’organisation des

sociétés anonymes, Rev. Gen. Dr. Com., 1942, p. 140 ; VIANDIER (A.), Observations sur les conventions de vote, J.C.P. éd. E., 1986, 15405, p. 180.

civil, la forme commerciale ou civile de la société étant indifférente. Bien que cela ait pu être remis en cause405, la société est toujours d’essence contractuelle puisque son régime fondamental se trouve consigné aux articles 1832 et suivants du Code civil406 et sa définition, renfermée dans ce même article 1832, fait expressément référence à son origine contractuelle407. En outre, la société holding n’est ici qu’un outil contractuel de transfert du droit de vote : en réalité, elle représente une obligation de faire ou de ne pas faire, réglementée aux articles 1101 et 1142 du Code civil.

241- Dans ce sens, la société holding est généralement considérée par la doctrine comme une

forme collective de convention de vote408. Cette qualification est logique au regard de la finalité poursuivie par ce groupement, à savoir transférer le droit de vote.

Néanmoins, la société holding se distingue très nettement de la convention de vote si l’on considère la nature du transfert effectué : en effet, la société holding opère un transfert indirect du vote puisque les actionnaires lui apportent la propriété de leurs actions dans la société contrôlée.

Au contraire, la convention de vote n’opère qu’un transfert direct du droit de vote puisque les actionnaires de la société contrôlée demeurent propriétaires de leurs actions.

Cette différence de procédé ne peut pas rester sans incidences sur le régime juridique de la société holding. Celle-ci ne peut être assimilée à une convention de vote et être soumise au même régime, sauf à étendre à l’infini la qualification de convention de vote à tous les mécanismes ayant pour objet de transférer le droit de vote.

405 CHAMPAUD (C.), Le contrat de société existe-t-il encore ?, Le droit contemporain des contrats, Economica, 1987, p. 125.

406 Les articles 1832 et suivants sont insérés dans le Titre neuf du livre troisième du Code civil qui s’intitule « des différentes manières dont on acquiert la propriété ». Or, le premier article de ce livre troisième, l’article 711 du Code civil, dispose que « La propriété des biens s’acquiert et se transmet par succession, par donation

entre vifs ou testamentaires, et par l’effet des obligations ». Il faut donc déduire de ce texte que la société n’étant

ni une succession ni une donation, elle ne peut donc résulter que des obligations, c’est à dire du droit des contrats.

407 Plus précisément, l’article 1832 attribue une double nature à la société, institutionnelle et contractuelle.

408 JEANTIN (M.), Les conventions de vote, Rev. Jurisp. Com., 1990, p. 127 ; MONSALLIER (M.-C.),

L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, Thèse, Bibl. dr. privé, Tome 303, préface

de VIANDIER (A.), L.G.D.J., 1998, n° 493 et s., p. 201 et s. ; VIANDIER (A.), Observations sur les

Le professeur Guyon, à propos du mandat, qui est pourtant une technique de transfert direct du droit de vote, refuse catégoriquement de qualifier le mandat de convention de vote409. Dès lors, comment imaginer qu’une société holding, technique de transfert indirect du droit de vote, reposant sur la transmission de la propriété de l’action, puisse être soumise au même régime ?

242- Pour répondre à cette question, nous analyserons brièvement la nature de la société

holding (1) puis sa validité (2).

1 - La nature de la société holding

243- La société holding n’est pas une forme particulière de société. Elle n’a pas de statut

juridique qui lui soit propre. Elle est généralement constituée sous forme de société anonyme, de société par actions simplifiées, de S.A.R.L ou de société civile. Néanmoins, elle peut prendre toutes les formes, commerciales ou civiles, par actions ou de personnes.

Traditionnellement, les holdings prenaient la forme d’une société civile car ce type de société répond à des règles de fonctionnement plus souples410. Toutefois, le recours à une société civile ne va pas sans poser de problèmes puisque celle-ci détient une participation majoritaire dans une société commerciale. Or, si cette participation est cédée, elle constituera un acte de commerce susceptible d’entraîner la requalification de la société en société commerciale, ce qui peut poser des problèmes, notamment fiscaux411.

C’est pourquoi il est désormais conseillé d’utiliser une société par actions simplifiées qui offre une grande souplesse dans le fonctionnement tout en étant une société commerciale par nature, ce qui évite ainsi le risque de requalification. Quant à la société anonyme, elle peut également servir de support juridique à une holding sans présenter de difficultés majeures.

409 GUYON (Y.), Traité des contrats, Les sociétés, Aménagements statutaires et conventions entre associés, L.G.D.J., 4ème éd., 1999, n° 290, p. 362.

410 BAFFOY (G.) et LE NENAN (R.), Modalités particulières de transmission entre vifs de l’entreprise

familiale, Defrénois, 2002, art. 37589, p. 1070.

244- Dans notre hypothèse, la société holding a pour finalité le transfert indirect du droit de

vote412. Concrètement, celle-ci est conçue pour recueillir le plus grand nombre d’actions de la société contrôlée afin d’exercer les droits de vote attachés à ces actions en lieu et place des actionnaires. En d’autres termes, la société holding est une technique ayant pour finalité l’exercice en commun du droit de vote. L’avantage majeur de cette technique est que les actions de la société contrôlée devenant la propriété de la holding, ce montage permet d’éviter un transfert direct du vote d’un actionnaire vers un autre, par mandat ou par convention de vote413.

245- En 1942, un auteur414 affirmait que la finalité de la société holding étant d’exercer en commun le droit de vote, cette société devait être annulée dans tous les cas. Mais la jurisprudence n’a pas suivi cette réquisition car l’utilité et la fréquence de ce type de société sont devenues trop importantes.

2 - La validité de la société holding

246- La validité de la société holding ne peut être mise en doute que dans l’hypothèse où la

constitution de cette société serait frauduleuse. Une telle fraude a notamment été évoquée lorsque la société holding porte atteinte au libre exercice du droit de vote des actionnaires dans les assemblées.

247- Dans un premier arrêt rendu le 10 juin 1960415, la jurisprudence s’est montrée

équivoque :

- D’une part, elle a clairement reconnu la validité « des sociétés dont le but est de

bloquer les titres d’une société afin de s’assurer par ce moyen son contrôle »416. - D’autre part, dans l’affaire qui lui était soumise, la chambre commerciale de la Cour

de cassation a déclaré nulle la société holding sur le fondement de la fraude.

412 Pour d’autres finalités de la société holding : DEVEZE (J.), COURET (A.) et HIRIGOYEN (G.), Lamy

droit du financement, Lamy, 2001, n° 1116 et s., p. 662 et s.

413 GERMAIN (M.), Le transfert du droit de vote, Rev. Jurisp. Com., 1990, p. 139. La société holding, comme toutes les techniques de transfert indirect du droit de vote, permet d’échapper aux conditions de validité draconiennes du mandat et surtout des conventions de vote.

414 TUNC (A.), Les conventions relatives au droit de vote et l’organisation des sociétés anonymes, Rev. Gen. Dr. Com., 1942, p. 140.

415 Cass. com., 10 juin 1960. Cf. Bull. civ., III, n° 227, p. 210 ; D., 1961, somm., p. 18 ; R.T.D. Com., 1961, p. 392.

En l’espèce, deux groupes d’actionnaires d’une société anonyme, possédant ensemble la majorité du capital social, avaient cédé leurs actions à une S.A.R.L., dont chacun des deux groupes disposait de la moitié des parts sociales. La Cour de cassation a annulé cette convention en qualifiant notamment la S.A.R.L. de société fictive puisque celle-ci n’a jamais réellement payé les actions qu’elle a reçu et que le but de cette holding était d’assurer un vote unanime des deux groupes dans la société anonyme contrôlée. C’est cette dernière justification qui pose problème car la société holding a justement pour finalité principale d’exercer en commun le droit de vote. Dès lors, on ne peut à la fois reconnaître la validité de principe de la holding et l’empêcher d’atteindre son but.

248- Si la jurisprudence en était restée là, la validité de la société holding prêterait à confusion

dans la mesure où, dans l’arrêt précité, sa validité de principe est reconnue mais subordonnée à la non-existence d’une fraude qui consiste justement à réaliser un contrôle de la filiale. Heureusement, la jurisprudence a admis par la suite une certaine restriction au libre exercice du droit de vote, lorsque la holding constitue une véritable société et a pour but de contrôler et de gérer la filiale.

249- C’est ainsi que dans la célèbre affaire Schneider/Marine-Firminy417, le Tribunal de commerce de Paris s’est prononcé en faveur de la validité d’une holding constituée en vue de réaliser une fusion. En l’espèce, la société Schneider et la société Marine-Firminy voulaient fusionner leurs filiales. La société résultant de cette fusion fut dénommée société Creusot-Loire. Afin d’assurer une gestion paritaire de cette nouvelle société fut créée une holding dénommée Marine-Schneider, à laquelle furent transférées les actions de la filiale commune. En outre, un protocole prévoyait les modalités de collaboration entre les deux actionnaires : ce protocole indiquait notamment que les sièges au conseil d’administration leur seraient attribués de façon paritaire, que le président de Creusot-Loire n’aurait pas de voix prépondérante lors des délibérations et que les actionnaires s’engageaient à voter dans les assemblées de Creusot-Loire dans le sens de ce qui avait été décidé au sein de la holding Marine-Schneider.

Comme le constate un auteur418, « Cet ensemble de dispositions emportait incontestablement

une restriction au libre exercice du droit de vote des associés ». Néanmoins, le Tribunal de

commerce de Paris déclare valide la société holding Marine-Schneider. Cette décision est motivée de manière remarquable puisqu’elle donne deux arguments majeurs pour valider la holding :

- En premier lieu, le Tribunal écarte très clairement l’idée de fraude lorsque des actionnaires procèdent à un transfert indirect du droit de vote : « s’il est vrai que la

liberté de vote est un principe essentiel, quoique non écrit du droit des sociétés, et que l’actionnaire ne peut valablement aliéner un droit qui n’est pas exclusivement conçu dans son seul intérêt, rien n’interdit de renoncer à cette liberté en renonçant personnellement à la qualité d’actionnaire pour la remettre ouvertement à un être juridique distinct […] ».

- En second lieu, le Tribunal affirme que la société holding est une véritable société puisqu’elle est « crée de concert avec d’autres actionnaires nourrissant les mêmes

vues sur l’avenir de la société et souhaitant organiser et institutionnaliser cette communauté de vues dans leur intérêt collectif. L’être moral ainsi créé réunit tous les caractères fondamentaux d’une société et, notamment, […] l’affectio societatis ». En

d’autres termes, pour justifier que la holding est bien une société, le tribunal s’appuie sur l’affectio societatis et sur l’organisation et la gestion d’un groupe.

Au final, l’affaire Schneider/Marine-Firminy a permis de préciser la jurisprudence concernant la société holding. Le principe de la validité de celle-ci y est clairement exprimé, sans que ce principe soit aussitôt combattu par la qualification de fraude lorsque la holding a pour effet l’exercice en commun du droit de vote.

250- En outre, cette jurisprudence Schneider/Marine-Firminy a été confirmée par la Cour de

cassation et la Cour d’appel de Paris dans l’affaire Rivoire et Carret c. Lustucru, qui donna lieu à un long périple judiciaire419.

418 PRAT (S.), Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Thèse, préface de VIANDIER (A.), Litec, 1992, n° 335, p. 205.

419 T.C. Marseille, 8 septembre 1983. Cf. MESTRE (J.), Rev. Soc., 1984, p. 80. C.A. Aix, 18 mai 1984. Cf. Rev. Soc., 1984, p. 798 ; R.T.D. Com., 1984, p. 784. Cass. com., 2 juillet 1985. Cf. Droit des sociétés, 1985, n° 261.

En l’espèce, la société Rivoire et Carret et la société Lustucru avaient regroupé un certain nombre de leurs filiales dans une société holding commune. Là encore, un protocole prévoyait les modalités de coopération entre les deux actionnaires en fixant notamment un nombre paritaire de sièges au directoire et au conseil de surveillance, quelle que soit la quotité du capital social détenue par chaque actionnaire420. Par la suite, l’un des actionnaires de la société holding a demandé la nullité de cette société et du protocole, en arguant que ceux-ci portaient atteinte à liberté de vote des actionnaires. Comme le confirme un auteur421, cette atteinte au droit de vote n’était pas douteuse.

Néanmoins, le Tribunal de commerce de Marseille422 a déclaré valide la société holding en se fondant sur l’intérêt de la société, entendu notamment comme l’organisation et la gestion du groupe : selon les juges du fond, les sociétés holding ne constituent pas des atteintes prohibées au droit de vote lorsqu’elles « tendent à faciliter l’adoption d’une politique conforme à

l’intérêt de la société et à celui des associés en prévoyant notamment une organisation du groupe ».

Ce jugement a toutefois été infirmé par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix, en date du 18 mai 1984423. Cependant, si la Cour a jugé que la société holding et le protocole portaient une « atteinte structurelle au droit de vote » et rendaient « non viable » la société, c’est parce que selon elle, l’intérêt de la société supposait que le principe majoritaire soit respecté, ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque le protocole interdisait de faire prévaloir la voix des majoritaires. En conséquence, la Cour d’appel d’Aix a annulé le protocole qui organisait la société holding parce qu’elle a interprété différemment l’intérêt de la société : elle n’a pas

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