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Chapitre III La mycomembrane : barrière de perméabilité 24

III.4 Mise en place des acides mycoliques 29

III.4.2 Transfert sur les différents accepteurs par les mycoloyltransférases 32

Une fois le monomycolate de tréhalose formé, ce composé permet la formation des autres dérivés de mycolates grâce à des enzymes spécifiques que sont les mycoloyltransférases. Ces enzymes permettent de prendre en charge le MMT et de transférer l’acide mycolique par une réaction de transestérification soit sur l’extrémité hexaarabinosyle de l’arabinogalactane soit sur les différents accepteurs connus comme le MMT pour former le DMT ou bien le glucose ou le glycérol formant ainsi du monomycolate de glucose ou de glycérol. Les mycoloyltransférases sont des protéines sécrétées que l’on retrouve dans le milieu extracellulaire et au niveau pariétal ayant chez certaines espèces comme chez M. tuberculosis une activité antigénique. Ces enzymes ont été très étudiées en particulier chez M. tuberculosis et chez C. glutamicum.

III.4.2.1 Activité des mycoloyltransférases

Chez M. tuberculosis, quatre gènes codant pour des mycoloyltransférases (Ag85A, B, C et D) ont été identifiés (Cole et al, 1998) mais seules trois de ces protéines ont une activité transférase (Ag85A, B et C) (Belisle et al, 1997; Kremer et al, 2002; Puech et al, 2002). L’Ag85C est caractérisé comme la mycoloyltransférase principale impliquée dans le transfert de l’acide mycolique sur l’arabinogalactane mais aucune spécificité de site de mycoloylation n’a pu être mise en évidence pour chaque Ag85. En effet, il existe une certaine redondance entre ces enzymes et donc elles se complémentent entre elles (Jackson et al, 1999; Puech et

al, 2002)

Chez C. glutamicum, six gènes codant pour des mycoloyltransférases (cMytA-F) ont été identifiés. Deux études ont été effectuées sur les mycoloyltransférases de deux souches différentes de C. glutamicum : CGL2005 (De Sousa-D'Auria et al, 2003; Kacem et al, 2004; Puech et al, 2000) et Res167 qui est une souche dérivé de la souche de référence ATCC13032 (Brand et al, 2003). Pour chaque espèce, des mutants de chaque mycoloytransférase et des doubles mutants ont été effectués afin d’évaluer l’impact de chaque enzyme sur la composition de l’enveloppe. Dans l’étude de Brand et al, les mutants ont été comparés avec la souche sauvage d’un point de vue de la composition lipidique (analyse par CCM de la proportion de MMT et de DMT) et d’un point de vue changement morphologique. Seul le simple mutant cmytA et les doubles mutants impliquant cmytA possèdent un volume cellulaire accru par rapport au sauvage dont le phénotype est restauré par complémentation avec cmytA (Brand et al, 2003). D’un point de vue lipidique, les phénotypes prépondérants sont observés

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uniquement pour les doubles mutants (cmyt AB-, AC- et BC-) ainsi que le triple mutant (cmytABC-). En effet pour ces souches, une accumulation de MMT est observée, accompagnée d’une diminution ou disparition de DMT sauf pour le double mutant cmytAC-

où le taux de DMT reste stable. L’analyse des lipides du mutant cmytD-

et cmytF n’a pas été effectuée et le mutant cmytE- n’a pu être obtenu.

Dans les études de De Sousa et al et Kacem et al, les cinq mutants cmytA-, cmytB-, cmytC-, cmytD- et cmytF- ont été obtenus ainsi que le double mutant cmytAB-. Le gène cmytE- est quant à lui dans la souche CGL2005 un pseudogène du fait de la présence d’un codon stop au sein de l’ORF. Différentes analyses ont été effectuées sur ces mutants : analyse qualitative des acides mycoliques, quantification des acides mycoliques dit extractibles (MMT, DMT…) ou liés à l’arabinogalactane et analyse morphologique. D’un point de vue phénotypique, aucune différence n’est observée entre les différents simples mutants et la souche sauvage, le double mutant cmytAB- a quant à lui une croissance altérée et les bactéries ont une morphologie modifiée. Les cellules sont plus longues et un impact sur la division cellulaire a été observé. D’un point de vue lipidique, une forte diminution du DMT et une accumulation de MMT sont observées pour les simples mutants en particulier pour cmytA-. Pour le simple mutant cmytC-, aucune modification du rapport MMT/DMT n’est observée. L’analyse des acides mycoliques liés à l’arabinogalactane montre, comme pour les lipides extractibles, une diminution des acides mycoliques pour les simples mutants sauf pour le mutant cmytC-. En effet, pour les mutants cmytA- et cmytB-, il y a une diminution de 50% du taux de mycolates liés à l’arabinogalactane et 60% pour le double mutant. La complémentation de chaque mutant par la protéine qui lui correspond permet la restauration du phénotype sauvage. En complémentation croisée, seule cmytB est capable de complémenter le mutant cmytA- au niveau des acides mycoliques en particulier sur l’arabinogalactane contrairement à la complémentation de cmytA- avec cmytC, cmytD, cmytF qui restaure uniquement la balance MMT/DMT.

En conclusion, il a été montré que cMytA et cMytB ont un rôle prédominant dans le transfert des acides mycoliques, en particulier sur l’arabinogalactane, contrairement à cMytD et F. Malgré la présence des acides aminés du site catalytique, cMytC n’a pas de rôle dans le transfert des acides mycoliques sur le tréhalose ou l’arabinogalactane.

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III.4.2.2 Structure générale des mycoloyltransférases

Les structures des différents Ag85 (mycoloyltansférases de mycobactéries) ont été obtenues par cristallographie aux rayons X (Anderson et al, 2001; Ronning et al, 2000; Ronning et al, 2004; Wilson et al, 2004) (Figure 17).

Les mycoloyltransférases sont des enzymes appartenant à la famille des α/β hydrolases caractérisées par une triade catalytique de type « Serine-Protease Like », un feuillet central composé de 8 brins β avec, de chaque côté, des hélices α. Le site catalytique est formé par un coude nucléophile portant la sérine active, une base, l’histidine, et un acide, l’acide glutamique. La liaison du 1er substrat, le MMT, se fait par l’intermédiaire d’un long canal hydrophobe de 21Å dans lequel l’acide mycolique est stabilisé par des interactions hydrophobes (Phe, Trp, Phe, Tyr, Ile) et s’ouvrant sur une large poche hydrophobe avec de chaque côté un site de fixation au tréhalose stabilisé par des acides aminés à fort potentiel électrostatique négatif, ayant en son centre le coude nucléophile permettant le transfert d’un substrat à un autre.

L’absence d’activité de l’Ag85D est due à la mutation des acides aminés de la triade catalytique en particulier avec l’absence du coude nucléophile (Ser→Ala) empêchant tout transfert de mycolate (Belisle et al, 1997; Kremer et al, 2002).

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Le transfert de l’acide mycolique du MMT sur le deuxième MMT s’effectue de la façon suivante (Ronning et al, 2000) (Figure 18):

- Attaque nucléophile de la fonction C=O de l’ester du 1er MMT par la sérine activée - Fixation de l’acide mycolique sur la sérine catalytique formant un intermédiaire

covalent acyl-enzyme et libération du tréhalose

- Fixation du 2ème MMT avec sa fonction hydroxyle libre en position 6’ en direction du site actif

- Activation de la fonction hydroxyle de l’accepteur par déprotonation du C6’OH grâce au réseau de relais de charge formé par l’acide glutamique et l’histidine - Attaque nucléophile de la fonction C=O de l’ester de l’acyl-enzyme par le 2ème

accepteur activé

- Fixation de l’acide mycolique sur la position 6’ du MMT formant ainsi le DMT

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A l’heure actuelle, seules des études de modélisation des mycoloyltransférases de C.

glutamicum ont été effectuées par analogie aux structures obtenues pour les Ag85 (Adindla et al, 2004; Ramulu et al, 2006). Les mycoloyltransférases de C. glutamicum (cMyts) possèdent

les mêmes caractéristiques structurales que les Ag85. En effet, la modélisation montre la présence de 8 brins β formant le feuillet central et les hélices α caractéristiques des α/β hydrolases. De plus, la triade catalytique est très conservée chez toutes les cMyts, ce qui indique qu’elles seraient toutes dotées d’une activité transférase. Une des différences majeures avec les Ag85 est la présence d’une boucle d’insertion entre l’alanine 222 et l’asparagine 223. Cette boucle d’insertion est de taille variable de 3 à 20 résidus selon les cMyts (Figure 19). Les auteurs ont mis en corrélation la taille de cette boucle d’insertion chez les cMyts avec leur activité sur les acides mycoliques. En effet, ils observent que plus la boucle d’insertion est grande, moins la mutation du gène codant pour la mycoloyltransférase a d’impact sur le rapport DMT/MMT et sur les acides mycoliques liés (Tableau 3).

Figure 19 : Modélisation des six mycoloyltransférases de C. glutamicum ATCC13032 : cMytA, B, C, D, E et F à partir de la structure cristallographique de l’Ag85B (PDB code : 1DQZ). Le cadre rouge représente la zone de la longue boucle d’insertion.

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Mycoloyltransférase Taille boucle d’insertion DMT/MMT WT = 0.71 AM liés à l’AG WT = 100% cMytA 4 0.15 50 cMytB 3 0.30 53 cMytC 20 0.68 108 cMytD 7 0.34 59 cMytE 13 nd nd cMytF 13 0.43 68

Tableau 3 : Comparaison entre la taille de la boucle d’insertion des mycoloyltransférases et la quantification des acides mycoliques après mutation du gène correspondant (Adindla et al, 2004; De Sousa-D'Auria et al, 2003; Kacem et al, 2004).

Les auteurs ont émis comme hypothèse que la boucle d’insertion modifierait les interactions stériques nécessaires à la stabilisation du 2ème tréhalose au niveau du 2ème site de fixation du substrat en particulier pour la protéine cMytC. Cette protéine possède la plus longue boucle d’insertion associée à des mutations des acides aminés impliqués dans le 2ème

site de fixation cependant aucune activité liée aux acides mycoliques sur le tréhalose ou l’arabinogalactane n’a pu être identifiée malgré la présence de la triade catalytique (Figure 19). En effet, on observe un taux d’acides mycoliques liés à l’arabinogalactane de 108% et un rapport DMT/MMT de 0.68 ce qui est équivalent aux taux observé dans la souche sauvage (Tableau 3). Cependant, une nuance à cette corrélation est à apporter car le dosage des acides mycoliques a été effectué dans la souche C. glutamicum CGL2005 tandis que la modélisation et la comparaison des séquences sont effectuées pour la souche ATCC13032.

Les mycoloyltransférases sont des enzymes clés dans la mise en place de la mycomembrane. Elles permettent le transfert des acides mycoliques sur les accepteurs finaux que sont l’arabinogalactane qui forme le feuillet interne de cette membrane externe et le tréhalose formant le DMT composé principal du feuillet externe.