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Comme dit Verneaux (1967, p. 111), « la notion de transcendantal est une des clés, peut-être même la clé du kantisme203. Mais, comme toute notion vraiment

centrale dans une philosophie, elle est très confuse, ambiguë, polyvalente. » Mon propos n’est pas de passer en revue toutes les significations que peut revêtir le

202. « Tous les phénomènes se tiennent donc dans une connexion complète selon des lois néces- saires, et par conséquent dans une affinité transcendentale, dont l’affinité empirique est la simple conséquence. » [loc. cit.]

203. Et « si [...] on n’a pas compris les sens divers que [Kant] donne au mot “transcendental”, il est inutile de prétendre avoir compris quoi que ce soit à la Critique » (1967, p. VII).

1.3. Transcendental et transcendant transcendental chez Kant (travail déjà effectué par Verneaux (1967, ch. V))204,

mais, encore une fois, de chercher à en résumer l’esprit. Il faut avant tout remarquer que le transcendental a trait exclusivement à la philosophie théorique chez Kant, et non pratique [III, 45 : 18-32]. Cela étant dit, la première définition du terme est célèbre :

J’appelle transcendentale [transscendental] toute connaissance qui s’occupe en général non pas tant d’objets que de notre mode de connais- sance [Erkenntnisart] d’objets, dans la mesure où il doit être possible a priori. [III, 43]205

On voit que le transcendental ne concerne pas directement les choses en elles- mêmes (de la réalité extérieure), mais plutôt la connaissance que nous en avons. Le transcendental ne délaisse pas pour autant l’objet (« non pas tant... »), mais il privilégie le sujet, plus précisément le « mode de connaissance » de ce dernier, au- trement dit la forme de la connaissance (Erkenntnisart)206. C’est ce que confirme

la seconde apparition du terme, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne brille pas par sa clarté :

Ce n’est pas chaque connaissance a priori, mais seulement celle à travers laquelle nous reconnaissons que et comment certaines repré- sentations (intuitions ou concepts) sont appliquées ou sont possibles uniquement [lediglich] a priori, qui doit être appelée transcendentale (c.-à-d. la possibilité de la connaissance ou de son usage a priori)207.

204. Sur les rares points où je ne partage pas son avis, j’aurai l’occasion de revenir. En toute rigueur, il vaut mieux, pour désigner cette notion, parler du transcendental (en tant qu’adjectif substantivé, à l’instar de Kant qui utilise das Transzendental) que de la « philosophie trans- cendentale », expression qui appartient au lexique kantien, et à géométrie variable, qui peut désigner : soit la critique (en tant que propédeutique), à l’exclusion de toute la métaphysique (en tant que système de la raison pure), soit la métaphysique de la nature (ou système de la raison pure spéculative), soit l’ontologie en tant que partie de cette dernière (cf. section §2.4). J’en profite pour préciser que, contrairement à l’usage français, j’écrirai transcendental (à l’ins- tar du terme allemand, et de son origine latine transcendens) et non pas transcendantal : en effet, seul le français transcendant apparaît à la rigueur (si on le considère comme un participe présent) justifié (mais on pourrait tout aussi bien l’écrire transcendent, à la manière de l’adjectif immanent).

205. Le texte de la première édition (1781, A 11 sq.) est plus succinct : « J’appelle transcen- dentale toute connaissance qui s’occupe en général non pas tant d’objets que de nos concepts a priori d’objets », ce qui revient à peu près au même si l’on prend le terme de concept en son sens large, qui désigne toutes les représentations a priori.

206. De même, Kant évoque « le mot transcendental, qui chez moi ne signifie jamais un rapport de notre connaissance aux choses, mais seulement à la faculté de connaître » [IV, 293].

207. transscendental (d.i. die Möglichkeit der Erkenntnis oder der Gebrauch derselben a priori) heißen müsse. Verneaux (1967, p. 114), qui se base sur la traduction Tremesaygues et Pacaud (p. 94 : « (transcendental veut dire possibilité ou usage a priori de la connaissance) »), voit dans la parenthèse une « difficulté » : « Elle pose une sorte de définition nominale. Mais cette

1. De la connaissance

Par conséquent, ni l’espace, ni une quelconque détermination géomé- trique a priori de ce dernier, n’est une représentation transcendentale ; c’est seulement la connaissance [de ce] que ces représentations ne sont pas du tout d’origine empirique, et la possibilité [de savoir] comment elles peuvent néanmoins se rapporter a priori à des objets de l’expé- rience, qui peut être appelée transcendentale. De même208, l’usage de

l’espace [pour] des objets en général serait aussi transcendental : mais restreint uniquement à des objets des sens, il est appelé empirique. La différence entre le transcendental et l’empirique n’appartient donc qu’à la critique des connaissances, et ne concerne pas leur relation à leur objet. [III, 78]

Le transcendental désigne donc, non pas simplement une connaissance a priori, mais la conscience de l’apriorité de cette connaissance, dont on sait qu’elle a une origine a priori (et non pas empirique) et comment elle peut être appliquée à l’expérience (ce que Kant résume, on l’a vu, en disant qu’une telle connaissance est une condition de possibilité de l’expérience). Kant est en outre très clair sur le fait que l’entreprise transcendentale prend fondamentalement place en-deçà de la connaissance scientifique elle-même, et relève d’un niveau pour ainsi dire infra- scientifique209. Par contraste, le transcendant a trait à ce qui est au-delà de la

définition ne s’accorde pas très bien avec le contexte, car elle tend à ramener le transcendental à l’a priori, alors que ce qui précède et ce qui suit tendent à les distinguer. Pour que les idées s’accordent, il faudrait ajouter un mot à la parenthèse : transcendental signifie connaissance de la possibilité ou de l’usage a priori de la connaissance. Avec cette addition, tout rentre dans l’ordre. Mais a-t-on le droit de le faire ? Ce n’est pas sûr. » En fait, la traduction sur laquelle se base Verneaux est mauvaise. C’est littéralement la « possibilité » de la connaissance ou de son usage « qui doit être appelée transcendentale ». C’est donc la forme de la connaissance qui est transcendentale (comme le confirme la fin de la citation), et cet adjectif s’applique à des concepts tels que la « possibilité » ou la « condition » de la connaissance, la « conscience » ou « l’unité de l’aperception ». Ainsi, comme on l’a vu, un raisonnement hypothétique contient un « fondement de preuve » transcendental, à savoir une condition de possibilité a priori, encore problématique, qui doit être donnée dans l’expérience pour conclure.

208. Verneaux (1967, p. 129) a raison de considérer que « l’expression “de même” (Imgleichen) est absolument injustifiée et incompréhensible », dans la mesure où Kant change soudain le sens de « transcendental » lorsqu’il l’applique à « l’usage transcendental », où il revêt alors le même sens que dans l’« objet transcendental » (cf. infra). En revanche, on verra qu’il est moins fondé à écrire ensuite que « cet usage est appelé transcendental s’il dépasse les bornes de l’expérience possible, et empirique s’il s’y cantonne. Transcendental a manifestement ici le sens de méta- empirique ou de transcendant. »

209. Plutôt que « méta-scientifique » comme dit Friedman (2010), terme qui laisse entendre que le transcendental se situerait au-delà de la connaissance scientifique, ce qui correspond plutôt au transcendant chez Kant (le transcendental se situant inversement à la « source », à l’ « origine », au « fondement » de la connaissance scientifique, autant de termes employés par Kant pour souligner le fait qu’il en constitue littéralement les fondations).

1.3. Transcendental et transcendant connaissance scientifique, et relève inversement d’un niveau supra-scientifique210:

[...] le mot transcendental, dont la signification si souvent indiquée par moi n’a pas même été saisie par le recenseur (tant il a tout regardé superficiellement), ne signifie pas quelque chose qui dépasse toute ex- périence, mais ce qui certes la précède (a priori), mais sans être destiné cependant à autre chose qu’à rendre possible uniquement une connais- sance empirique. Si ces concepts dépassent l’expérience, alors leur usage se nomme transcendant, qui est distingué de l’usage immanent, c.-à-d. borné à l’expérience. [IV, 373]

Cependant, cette précision de Kant ne manque pas de piquant, comme on va le voir, étant donné le manque de clarté de ses explications. Il faut maintenant dis- tinguer, en ce qui concerne le transcendental : l’usage (qui correspond à l’objet déterminé), qui, s’agissant des concepts de l’entendement, ne peut légitimement être transcendental ; de la signification (qui correspond à l’objet indéterminé), qui peut, elle, être transcendentale, comme on va le voir. Cassirer (2010, p. 531) insis- tera sur cette distinction entre usage (qui prend place dans l’intuition) et significa- tion (qui ne s’y limite pas) des concepts de l’entendement, la seconde représentant proprement leur « fonction », qu’il souhaite seule conserver (indépendamment de leur schématisation dans l’intuition).

1.3.1. Usage

Au début de la Dialectique transcendentale, Kant évoque l’ « apparence [Schei- ne] transcendentale » qui « influe sur des propositions fondamentales dont l’usage ne s’applique jamais à l’expérience », et « qui, contre tous les avertissements de la critique, nous entraîne même complètement au-delà de l’usage empirique des catégories, et nous abuse avec l’illusion [Blendwerk] d’un élargissement de l’enten- dement pur » [III, 235, mes italiques] :

Nous voulons nommer les propositions fondamentales dont l’appli- cation se tient entièrement dans les bornes de l’expérience possible, im- manentes, mais celles qui dépassent ces limites, les propositions fonda- mentales transcendantes. Je n’entends pas par là l’usage ou le mauvais usage [Mißbrauch211] transcendental des catégories, qui est une simple

faute de la faculté de juger insuffisamment bridée par la critique, qui ne prête pas assez attention [Acht] aux limites du seul terrain [Bo- den] où l’entendement pur ait la permission de jouer son rôle ; mais les propositions fondamentales qui nous enjoignent vraiment [wirkliche]

210. Kant parle parfois de connaissance « hyperphysique » [IV, 296]. 211. Littéralement, le mésusage.

1. De la connaissance

de renverser toutes ces limitations [Grenzpfähle212] et de s’arroger un

terrain [Boden]213 tout nouveau qui ne connaît plus nulle part de dé-

marcation. Ainsi le transcendental et le transcendant ne sont-ils pas la même chose. Les propositions fondamentales de l’entendement pur que nous avons exposées plus haut ne doivent avoir qu’un usage empirique, et non pas transcendental, c.-à-d. dépassant [accidentellement] les li- mites de l’expérience. Mais une proposition fondamentale qui écarte ces bornes, et nous commande même [par principe] de les franchir, s’ap- pelle transcendante [transscendent]. Si notre critique peut réussir à découvrir l’apparence de ces propositions fondamentales usurpées [an- gemaßten], alors celles qui n’ont qu’un usage [d’ordinaire] empirique pourront être nommées, par opposition à ces dernières, les propositions fondamentales immanentes de l’entendement pur. [III, 235 sq., mes italiques]

Les principes (propositions fondamentales) immanent(e)s ne sont autres que les principes de l’entendement pur vus précédemment. Ils déterminent l’usage empi- rique, ou immanent, de l’entendement (qui se tient dans les limites de l’expérience possible), en d’autres termes son « juste » usage [III, 517]214. Lorsque ces prin-

cipes (de l’entendement) ne sont pas respectés, on court le risque d’un « usage transcendental, c’est-à-dire dépassant les limites de l’expérience »215. Il semble

212. Littéralement, le « piquet de délimitation ». La traduction de la Pléiade par « borne » est ici inappropriée, car ce terme est d’habitude réservé aux Schränken qui sont contingentes et variables, la « limite » (Grenze, dont il s’agit ici) étant au contraire fixée en droit.

213. De même, la Pléiade traduit par « domaine », terme habituellement réservé au Gebiet. Le « terrain » est la partie du « champ » (Feld) d’un concept où la connaissance est possible pour nous ; le « domaine » est la partie du terrain où le concept est légiférant. Ainsi, « notre faculté de connaître dans son ensemble a deux domaines [Gebiete], celui des concepts de la nature et celui du concept de liberté [...]. Mais le terrain [Boden] où elle établit son domaine [Gebiet] et exerce sa législation [Gesetzgebung] n’est toujours que l’ensemble [Inbegriff ] des objets de toute expérience possible, dans la mesure où ils ne sont pris pour rien de plus que de simples phénomènes ; car sinon aucune législation de l’entendement à leur égard ne pourrait être pensée. » [V, 174]. Or ici il s’agit clairement d’établir un nouveau terrain ailleurs dans le champ (au-delà de toute expérience possible) et non un nouveau domaine (au sein du terrain de l’expérience).

214. Les principes de l’entendement pur forment ainsi le « canon » de cette faculté.

215. Cf. le texte suivant : « L’usage transcendental d’un concept, dans n’importe quelle propo- sition fondamentale, consiste à le rapporter à des choses en général et en soi même, mais l’usage empirique, à le rapporter simplement à des phénomènes, c.-à-d. des objets d’une expérience pos- sible. On voit par là que seul ce dernier peut avoir lieu. » [III, 204] Le texte se poursuit par les citations de la note 187 on page 142 et de la p. 143. Cf. également le texte suivant : « Nous pensons donc quelque chose en général et le déterminons d’un côté sensiblement, mais nous dis- tinguons cependant l’objet universel et représenté in abstracto de cette façon de l’intuitionner ; alors il nous reste seulement une façon de le déterminer simplement par la pensée, qui est certes une simple forme logique sans contenu, mais qui nous semble [scheint] cependant être une façon d’exister de l’objet en soi (noumenon), sans égard à l’intuition qui est limitée à nos sens. » [III,

1.3. Transcendental et transcendant que « transcendental » signifie ici le contraire de son sens précédent (de condition de possibilité de l’expérience). Est-ce à dire que Kant aurait dû parler - comme il le fait ailleurs216 - d’usage transcendant ? Cette appellation spécifique se justifie

néanmoins en ce que cet usage consiste à appliquer des concepts de l’entendement (par ailleurs légitime) à des « choses en général », en oubliant pour ainsi dire de les rapporter aux conditions sous lesquelles seules elles peuvent être données, à savoir celles de l’expérience possible (par l’intermédiaire de l’intuition sensible). Cet usage transcendental accidentel, précisément ne se fait pas par principes, contrairement à l’usage transcendant, qui correspond à l’usage par principes au sens strict (sans aucune intuition). Les principes transcendants correspondent donc aux principia vus précédemment, et sont des principes (de la raison pure) « usurpés » car ils déterminent un usage par nature transcendant (qui excède toujours les limites de l’expérience possible)217. Il s’agit là d’une « illusion » [Illusion] » ou d’une « dia-

lectique » « naturelle et inévitable », « qui est inexorablement attachée à la raison humaine et qui, même après que nous en avons découvert l’illusion, ne cessera de la duper et de la jeter continuellement dans des erreurs instantanées, qui ont constamment besoin d’être levées » [III, 237] :

La cause en est qu’il y a dans notre raison (considérée subjectivement comme un pouvoir humain de connaître) des règles fondamentales et des maximes de son usage, qui ont totalement l’allure de propositions fondamentales objectives, et qui font que la nécessité subjective d’une certaine connexion de nos concepts en faveur de l’entendement est tenue pour une nécessité objective de la détermination des choses en elles mêmes. [III, 236]

En définitive, on ne peut donc pas affirmer, comme le fait Verneaux, qu’usage transcendant et transcendental sont synonymes : « On pourrait dire, par opposition aux [principes immanents], que [les principes transcendants] sont des principes dont l’usage normal est transcendental ; mais ce ne serait pas tout à fait juste, car ils n’ont pas d’usage empirique. Il faudrait donc dire plutôt que ce sont des principes dont le seul usage possible est transcendental. Il va de soi que ces principes sont les

231 sq.]

216. De fait, dans les Prolégomènes, il parle, pour ce mauvais usage des concepts purs de l’en- tendement, d’usage transcendant : « Il y a de fait quelque chose de captieux [Verfängliches] avec nos concepts purs de l’entendement en ce qui concerne l’attrait de leur usage transcendant ; car j’appelle ainsi celui qui dépasse toute expérience possible. [...] les concepts de l’entendement semblent avoir beaucoup trop de signification et de contenu pour que le simple usage d’expérience épuise leur complète détermination, et ainsi l’entendement se construit, sans le remarquer, à côté de la demeure de l’expérience, une dépendance bien plus étendue, qu’il remplit de purs êtres de pensée, sans même remarquer qu’avec ses concepts par ailleurs exacts, il s’est élevé au-delà des limites de leur usage. » [IV, 315 sq.]

217. Seulement (mais la précision ne sera donnée que plus loin) en tant qu’il est « constitutif » (« comme si des concepts de certains objets étaient donnés par là » [III, 427]).

1. De la connaissance

idées de la raison, lesquelles se définissent précisément par ceci que nul objet qui leur corresponde ne peut être donné dans l’expérience. En vertu de cette définition, Kant devrait appeler les idées “transcendantes“, en raison de leur nature, mais nous n’avons trouvé qu’un endroit où il le fait et parle des “concepts transcendants de la raison pure”218. En général, il appelle les idées “transcendentales” en raison

de leur usage. [...] Ce ne sont donc plus les principes, ce sont leurs usages219

qui sont transcendants ou immanents. Notre impression première se trouve donc justifiée : il y a équivalence entre usage empirique et usage immanent, entre usage transcendental et usage transcendant. » (Verneaux, 1967, p. 131). Par ailleurs, une idée, en tant que représentation a priori, ne saurait être transcendante en soi, seul son usage (dans un jugement ou un principe) peut ainsi être qualifié220, et Kant

a tout à fait raison de les qualifier de transcendentales :

En effet, ce n’est pas l’idée en elle-même, mais seulement son usage qui peut, relativement à l’ensemble de l’expérience possible, la survoler [überfliegend] (être transcendant) ou s’y domicilier [einheimisch] (être immanent), suivant que l’on dirige [richtet221] cette idée ou bien di-

rectement vers un objet censé lui correspondre222, ou bien seulement à

l’usage de l’entendement en général relativement aux objets auxquels il a affaire223; et toutes les fautes de subreption doivent toujours être

attribuées à un défaut de la faculté de juger, jamais à l’entendement ou à la raison. [III, 427]

Enfin, même si l’on remplace « transcendental » par « transcendant » dans la définition de Verneaux des idées de la raison (en tant que « principes dont le seul usage possible est [transcendant] »), il faut préciser que cela n’est vrai qu’en ce qui concerne leur usage constitutif . En effet, les idées ont aussi « un usage régulateur excellent et indispensablement nécessaire, à savoir diriger l’entendement vers un

218. Manifestement, il s’agit là d’une erreur de Kant, qui confond concept et principe, c.-à-d. usage du concept.

219. Verneaux semble distinguer principe (qu’il identifie très souvent à concept) et usage, alors qu’au contraire un principe constitue directement l’usage d’un concept (il faut donc distinguer concept d’une part, et principe ou usage d’autre part).

220. Nos facultés sont en elles-mêmes toujours bonnes ou justes chez Kant ; ce n’est que leur usage qui peut être mauvais ou erroné : « Tout ce qui est fondé dans la nature de nos facultés doit être conforme à un but et s’accorder avec leur juste usage, pour peu que nous puissions éviter un certain malentendu, et trouver la direction propre de ces facultés. Les idées transcendentales auront donc, suivant toute présomption, leur bon usage, par conséquent immanent, bien que, si leur signification est méconnue et qu’elles sont prises pour des concepts de choses réelles, elles puissent devenir alors transcendantes dans l’application et par là même trompeuses. » [III, 427, mes italiques]

221. Et non pas « applique » comme le traduit la Pléiade (in Kant, 1980, p. 1247). 222. Suivant ainsi un principe transcendant.

223. Selon un principe immanent (régulateur).

1.3. Transcendental et transcendant certain but, dans la perspective duquel les lignes directrices de toutes ses règles convergent en un point qui, bien qu’il ne soit qu’une idée (focus imaginarius), c.-à-d. un point d’où les concepts de l’entendement ne partent pas réellement, puisqu’il se situe tout à fait en dehors des limites de l’expérience possible, sert cependant à leur fournir la plus grande unité avec la plus grande étendue » [III, 428]. Les idées de la raison peuvent donc bien avoir un usage immanent, pour peu qu’il soit régulateur.

Il vaut la peine, à ce sujet, de remarquer que, s’agissant des idées de la raison pure, « usage objectif » n’est pas synonyme d’usage immanent (comme c’était le cas pour les concepts de l’entendement pur, en tant que « règles de l’usage objectif des catégories » [III, 147]), puisqu’il s’agit de leur usage constitutif, donc transcendant : « Ainsi l’usage objectif des concepts purs de la raison est-il toujours transcendant, tandis que celui des concepts purs de l’entendement, d’après sa nature, doit tou- jours être immanent, puisqu’il se borne simplement à l’expérience possible » [III, 253]. Pour autant, de logique, le principe d’une « unité systématique » des règles de l’entendement devient proprement « une proposition fondamentale224 trans-

cendentale [et non transcendante] de la raison, qui rendrait l’unité systématique nécessaire, non seulement subjectivement et logiquement, comme méthode, mais objectivement » [III, 430]. L’ « unité systématique de la nature » représente en effet chez Kant un principe régulateur (en termes modernes, une motivation pour la recherche) qui, en tant que tel, a bien une validité objective :

Dans le fait on ne voit pas comment un principe [Princip] logique

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