• Aucun résultat trouvé

2.2 Être assistant d’éducation, une question d’identité

2.2.2 La construction dynamique de l’identité

2.2.2.1 Transactions et stratégies identitaires

Les deux processus sont par nature hétérogènes renvoyant à des champs épistémologiques différents tels que la psychologie pour le premier processus ou la sociologie des organisations pour le second :

- En effet, le processus biographique, est un processus « d’intériorisation active, d’incorporation de l’identité par les individus eux-mêmes » (Dubar, 2015, p.107). Il prend place dans « les trajectoires sociales par et dans lesquelles les individus se construisent des identités pour soi » (Dubar, 2015, p.107). L’identité pour soi c’est « l’histoire qu[e les individus] se racontent sur ce qu’ils sont » (Dubar, 2015, p.107) ;

- Tandis que le processus relationnel est un processus « d’attribution de l’identité par les institutions et les agents directement en interaction avec l’individu » (Dubar, 2015, p.107). Il prend place dans les systèmes d’action et au cœur des rapports de force. Ce processus « aboutit à une forme variable d’étiquetage » (Dubar, 2015, p.107).

Ces deux processus peuvent aboutir à un écart plus ou moins important entre l’identité pour autrui et l’identité pour soi, entre l’acte d’attribution et l’acte d’appartenance : « il peut y avoir désaccord entre l’identité sociale « virtuelle » prêtée à une personne et l’identité sociale « réelle » qu’elle s’attribue elle-même » (Dubar, 2015, p.107) entrainant des mécanismes d’équilibrages appelés « transactions » :

- la transaction externe / objective visant à accommoder l’identité pour soi à celle pour autrui ;

- la transaction interne / subjective visant à aménager les identités héritées ou visées par le sujet.

Il est intéressant de relever que ces transactions se traduisent pour Kaddouri par le terme de « stratégies identitaires » ayant pour finalité de « réduire des écarts entre « l’identité pour soi et l’identité pour autrui » et / ou l’ « identité héritée » et l’ « identité visée » » (Kaddouri, 1999, p.107). Théoriquement l’écart n’est pas nécessairement grand entre les composantes impliquées, voire il peut y avoir concordance entre les identités et les stratégies identitaires qui viseraient alors à maintenir la concordance dans la mesure où elle amène pour l’individu « un plaisir éprouvé » (Kaddouri, 1999, p.107) ou à éviter la survenance d’un écart. Trois stratégies typiques sont identifiées :

- la stratégie de transformation identitaire : vise à « la réduction d’un écart actuel vécu en tant que tel par la personne concernée. Celle-ci se trouve généralement insatisfaite d’une situation qu’elle veut quitter. Elle est inscrite dans un projet dont la réalisation permettra de se retrouver dans une situation jugée satisfaisante » (Kaddouri, 1999, p.108). Dans la situation qui nous intéresse, il peut s’agir par exemple de la préparation d’un concours permettant la construction d’une nouvelle identité professionnelle ; - la stratégie de préservation identitaire : l’objectif ici est « le maintien d’un écart possible

entre une identité acquise et une identité assignée » (Kaddouri, 1999, p.109) souvent poursuivi par des personnes satisfaites de leur identité actuelle et visant à la préserver ou « à retarder pour plus tard l’avènement de l’écart en question » (Kaddouri, 1999, p.109). Ces individus sont caractérisés par une forme de polyvalence qui leur permet

d’investir une activité principale mais lorsque nécessaire d’investir plus fortement une activité jugée initialement secondaire permettant le maintien d’une forme d’équilibre identitaire dynamique ;

- la stratégie d’entretien identitaire : l’objectif dans cette dernière stratégie est d’empêcher « l’avènement d’un écart virtuel entre une identité actuelle et une identité visée. Les deux identités sont vécues comme étant identiques l’une à l’autre (« je suis ce que je voudrais être », pourraient dire les personnes concernées) » (Kaddouri, 1999, p.110). Il s’agit d’individu non seulement satisfaits de leur identité actuelle mais qui ne veulent pas en changer. L’individu agissant continue à faire ce qu’il faisait où qu’il croit logique de faire en cohérence avec ses convictions. Il y a là une notion de plaisir que les individus souhaitent prolonger.

Nous le constatons, ces stratégies sont véritablement constituées « de l’ensemble des actes et des discours qui les accompagnent » (Kaddouri, 1999, p.108). C'est-à-dire que le sujet agissant, le sujet en acte, a donc pleinement un rôle dans ces stratégies identitaires « La construction des identités se joue donc bien dans l’articulation entre les systèmes d’action proposant des identités virtuelles et les trajectoires vécues au sein desquelles se forgent les identités réelles auxquelles adhèrent les individus » (Dubar, 2015, p.108). Cette articulation révèle plusieurs cas de figure selon que l’identité héritée et l’identité projetée s’inscrivent en rupture ou en continuité et selon que l’identité virtuelle (proposée ou imposée) et l’identité réelle (intériorisée ou projetée) soient en accord ou en désaccord.

La transaction externe ou objective peut se concevoir et s’analyser « comme une confrontation entre des demandes et des offres d’identités possibles et non simplement comme des produits d’attributions d’identités préconstruites » (Dubar, 2015, p.108). Cela signifie qu’il y a véritablement une négociation identitaire qui s’opère entre un demandeur d’identité en position d’ouverture et un offreur d’identité, souvent institutionnel, dans le cadre d’un « processus communicationnel complexe irréductible à un simple « étiquetage » autoritaire [qui] implique de faire de la qualité des relations avec autrui un critère et un enjeu importants de la dynamique des identités » (Dubar, 2015, p.108).

Quand la transaction subjective relève du travail conscient ou inconscient de l’individu, la transaction objective est d’abord une construction consciente ou inconsciente mais conjointe entre le sujet et un tiers. Autrement dit « on ne fait pas l’identité des gens malgré eux et pourtant on ne peut se passer des autres pour se forger sa propre identité » (Dubar, 2015, p.110).

Dans cet effort conjoint d’identification sont mobilisées « des catégories socialement disponibles et plus ou moins légitimes à des niveaux différents » (Dubar, 2015, p.106) qui impliquent l’existence de types identitaires, selon Erickson, comme « nombre limité de modèles socialement significatifs pour réaliser des combinaisons cohérentes d’identifications fragmentaires » (cité par Dubar, 2015, p.110). Les catégories comme faits sociaux sont des constructions datées, situées et variables, il faut donc les considérer comme telles.

Nous pouvons distinguer :

- les catégories sociales basées sur des « homologies de positions » (Dubar, 2015, p.110) ; - les catégories générales officielles telles que les professions et catégories socio-

professionnelles définies par l’INSEE en France ;

- les catégories « savantes » des sociologues ou des philosophes qui établissent une typologie ;

- les catégories « indigènes » des individus qui opèrent une typification. Ces dernières sont produites par « des négociations complexes avec les institutions pertinentes, leurs catégories « officielles » et leurs agents significatifs » (Dubar, 2015, p.111).