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2.1 Assistant d’éducation, une catégorie aux contours flous

2.1.2 Une « fonction » de surveillance ?

En plus d’être une catégorie au sens de l’Insee, l’emploi d’assistant d’éducation peut se rattacher plus largement aux métiers de la surveillance en milieu scolaire et, chemin faisant, à une certaine fonction de surveillance prenant pied dans le principe de division du travail. La notion de surveillance est fortement liée, au sein de l’Ecole, à celle de maintien de la discipline. « En sus des tâches d’écriture (enregistrement des absences, délivrance de pièces scolaires tels que billets d’entrée, etc.), la fonction du surveillant consiste, notamment, à veiller au maintien de la discipline » (Amrouche, 2004, para.2) rattachant de fait cet emploi d’assistant d’éducation à la fonction de surveillance. Plus généralement, s’observe le rattachement de l’assistant d’éducation à la catégorie de « personnel de surveillance » (Amrouche, 2004, para.1) exerçant des tâches de surveillance.

Nous l’avons vu dans la première partie, les missions nouvelles des assistants d’éducation tendent à élargir le champ d’intervention de ces agents. Pourtant s’observe dans des travaux le fait qu’aujourd’hui « la direction comme la CPE s’accordent à dire que la mission première des assistants d’éducation au lycée reste la surveillance […] Cette mission de surveillance occupe aujourd’hui environ 90% de leur temps de travail » (Louis, 2014, p.11). Si ce constat empirique existe et semble largement partagé, il apparaît toutefois que « dans la réalité quotidienne d’un établissement, le surveillant est inéluctablement appelé à dépasser ce cadre restreint dans lequel il est officiellement cantonné » (Amrouche, 2004, para.3).

Une tension entre les représentations se forme alors : « le contraste entre les tâches prescriptives et les exigences du terrain clive la fonction entre une image formelle de « l’employé de la sécu » (allusion aux tâches administratives) ou de « flic » et celle occultée du « communicant », de « l’assistant social, éducatif et psychologique », que l’on pourrait qualifier de « conseiller socio-éducatif » » (Amrouche, 2004, para.8).

L’assistant d’éducation, dans son activité concrète, n’hésite pas à prendre du champ vis-à-vis des tâches prescrites, construisant une professionnalité, nous venons de le voir, en décalage avec les représentations classiques. Ces « écarts interprétatifs » (Regnier, 2012, p.439) liés au rôle social des assistants d’éducation dans le travail prescrit de surveillance ont fait l’objet d’un travail de thèse. L’auteur conclut à trois explications de ces écarts interprétatifs selon les groupes directement impliqués au titre des relations d’acteurs :

- avec les CPE : les « assistants d'éducation et les CPE partagent une relation de partenaire - adversaire au cours du processus de coopération pour le maintien de l’organisation comme son efficacité » (Regnier, 2012, p.441). Le CPE, souvent considéré comme chef du service de vie scolaire, apparaît comme acteur central dans la définition de l’activité de l’assistant d’éducation ;

- avec les élèves : la « problématique d’être social est de reproduire (ou pas) son habitus familial dans son rapport à « l’autre ». En effet, le risque pour l’élève est de rechercher un « autre significatif » dans son interaction avec l’assistant d'éducation » (Regnier, 2012, p.441) ;

- relativement à la sociologie des assistants d’éducation eux-mêmes : « la distanciation critique de l’assistant d'éducation est pré construite par la CSP de la mère. De plus, la CSP du père a un effet d’une part sur l’implication personnelle d’aller au-delà de la fonction prescrite et d’autre part est un schème causal dans le processus d’apprentissage du savoir-coopérer sur le rôle d’assistant d'éducation à tenir » (Regnier, 2012, p.442).

Ce que nous relèverons particulièrement dans cette tension qui peut exister dans la pratique de la fonction de surveillance, entre tâche prescrite et activité réelle, c’est qu’au final « un « écart interprétatif » dans une pratique professionnelle démontre que le passé des êtres sociaux est présent dans leurs actions, ces expériences vécues desserviraient donc les intentions de leurs pratiques de surveillance » (Regnier, 2012, p.442). Notre recherche devra intégrer cette dimension biographique de l’individu.

D’autres facteurs influent sur l’activité des assistants d’éducation. En effet, selon la nature de l’environnement de travail, la fonction change : « la nature des implications et des représentations professionnelles du surveillant dépend et s’explique donc par le profil sociologique de l’établissement. En d’autres termes, la fonction gagne en implication et en intérêt dans un lycée dit « difficile » où elle est appelée indubitablement à mobiliser davantage

de savoirs et de savoir-faire que dans un lycée dit « facile » » (Amrouche, 2004, para.20). Probablement que dans ces contextes particuliers, l’implication par la mobilisation des compétences répondant à la complexité des situations, favorise une reconnaissance par les acteurs de l’établissement et développe l’estime de soi.

Dès lors l’image de l’assistant d’éducation pourrait correspondre à ce qu’une analyse rapide mais logique permettrait de construire. A savoir une fonction valorisante par :

- sa centralité dans l’espace de la vie scolaire: « le surveillant est omniprésent dans l’établissement en se trouvant au centre de la vie lycéenne, en relation permanente avec l’ensemble de la population de l’établissement » (Amrouche, 2004, para.12) ;

- son contact direct de la population élève : « Il est de fait un observateur privilégié et un intervenant direct. Il s’agit non plus seulement d’apporter une aide aux devoirs ou de veiller à l’ordre, mais d’accompagner scolairement, socialement et psychologiquement l’adolescent dans sa vie lycéenne » (Amrouche, 2004, para.13).

Pourtant cette image valorisante de la fonction de l’assistant d’éducation est loin d’être largement partagée notamment parce que :

- la demande symbolique d’ordre dans un contexte scolaire, et donc d’agent de discipline, semble dominer chez certains acteurs : « les pratiques informelles de la fonction de surveillance et les missions formelles de la vie scolaire, qui se rejoignent et donnent un sens à ces dernières, subissent les contrecoups de l’urgence et de la demande disciplinaire traditionnelle et sont par là même occultées » (Amrouche, 2004, para.15) ; - les assistants d’éducation souffrent de la concurrence, dans les représentations, avec les CPE dont « la trop grande visibilité institutionnelle […], découlant de leurs nombreuses et prépondérantes missions officielles (animation, régulation, médiation…) au sein de la vie scolaire, éclipse la fonction de surveillance » (Amrouche, 2004, para.10).

Ainsi « la nouvelle image du surveillant n’est ni visible ni prise en compte et n’entre pas dans cette configuration où subsiste toujours cette frontière étanche entre détenir un savoir et un savoir-faire (enseigner) et ne pas en avoir (surveiller) » (Amrouche, 2004, para.9). Dès lors, il semble utile dans le cadre de notre recherche d’interroger les représentations que les assistants d’éducation auront de leur office et les représentations développées par les acteurs de la relations au quotidien (CPE, chef d’établissement, professeurs, élèves, etc.).