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2.1 Assistant d’éducation, une catégorie aux contours flous

2.1.4 L’objet d’une « reconnaissance professionnelle » ?

Dans cette dernière sous-section il importe de terminer notre interrogation initiale –qu’est-ce qu’un assistant d’éducation- en opérant le pas de côté qui doit nous amener à considérer ce métier au cœur d’un champ d’interactions sociales comme étant l’objet d’une reconnaissance sociale et particulièrement d’une reconnaissance professionnelle.

Ce champ d’interactions sociales c’est celui où « les individus sont placés, tout au long de leur trajectoire de vie, dans des espaces d’activités différents qu’ils « traversent » et qui les construisent. Ces espaces d’activités constituent des configurations successives et/ou simultanées articulant étroitement environnements – sujets - activités » (Jorro & Wittorski, 2013, p.12). L’assistant d’éducation, dans son activité professionnelle, traverse un champ, l’établissement scolaire, constitué d’un certain nombre d’espaces d’activités (le bureau de vie scolaire, la grille, la cour, la classe, la salle d’étude, les couloirs, etc.) proposant des

configurations sociales originales entre les sujets, l’environnement (le CPE, les collègues, les élèves, les parents, etc.) et les activités (le contrôle des accès, la médiation, l’intervention, la surveillance, etc.).

Par ailleurs, la reconnaissance professionnelle se définit comme « un acte d’évaluation de l’activité et de valorisation – légitimation de l’initiateur de l’activité » (Jorro & Wittorski, 2013, p.13) autrement dit « la reconnaissance professionnelle ajoute à l’acte évaluatif la dimension de considération, voire d’estime, qui conforte l’acteur dans son for intérieur et consolide sa place dans l’espace social » (Jorro & Wittorski, 2013, p.13). Il y a véritablement un impact de la reconnaissance professionnelle « du point de vue du sentiment de compétence, de l’identité professionnelle » (Jorro & Wittorski, 2013, p.13). Il est intéressant de souligner ici un basculement qui s’opère entre l’objet situé, social, de la reconnaissance et l’impact subjectif, intérieur, de cette même reconnaissance. En effet, « parce qu’il sort d’une invisibilité sociale […], l’acteur a le sentiment d’être reconnu dans ses apprentissages (lorsqu’il est en formation), dans son parcours professionnel, dans l’épaisseur de sa pratique » (Jorro & Wittorski, 2013, p.15).

C’est un double point de vue à interroger :

- celui de la compétence définie comme résultant d’une « combinatoire de ressources légitimée du fait de sa mise en œuvre efficace dans une situation » (Jorro & Wittorski, 2013, p.12). Cette combinatoire a pour caractéristique de ne pas être liée intrinsèquement et absolument à l’individu. Elle fait l’objet d’une attribution par un tiers évaluateur. Ici est rejoint la dimension de « la valorisation et la légitimation de l’acteur » à travers le fait que la compétence peut s’entendre comme « le processus d’attribution socio-professionnelle qui vaut désignation qualitative d’une activité » (Jorro & Wittorski, 2013, p.13) ;

- celui de l’identité professionnelle en ce sens que l’attribution d’une compétence, à travers l’acte de reconnaissance professionnelle, vaut comme « reconnaissance du travail [et] reconnaissance du professionnel » (Jorro & Wittorski, 2013, p.13). Cet acte de reconnaissance, dans sa dimension existentielle connectée à l’activité, contribue à une forme de construction identitaire au travail.

La reconnaissance professionnelle, au-delà du fait qu’elle « subsume la relation entre l’activité et la compétence […] permet aussi d’adresser un message socioprofessionnel sur le caractère estimable de l’activité professionnelle en jeu tout autant qu’un message politique sur la

légitimité du métier » (Jorro & Wittorski, 2013, p.14). Nous rejoignons ici l’interrogation initiale « qu’est-ce qu’un assistant d’éducation ? » à travers cette idée de « message socioprofessionnel ».

Pour résumer ce double mouvement, il apparaît que « la reconnaissance professionnelle instaure ainsi une visibilité à double détente, sociale et développementale (propre au sujet) sur la complexité de la pratique professionnelle » (Jorro & Wittorski, 2013, p.15). Ces liens entre professionnalisation et reconnaissance professionnelle soulignent l’importance de la problématique identitaire :

- le développement professionnel du sujet met en œuvre « une activité contribuant au développement d’une expérience « en actes » qui est le support de transformations pour lui-même » (Jorro & Wittorski, 2013, p.15) et « qui donne à voir une image de lui-même assortie [d’une] demande de reconnaissance professionnelle » (Jorro & Wittorski, 2013, p.15). Il s’agit ici d’identité vécue ou agie ;

- à côté du sujet, un tiers (extérieur via un dispositif de formation, hiérarchique avec un chef de service ou horizontal avec les pairs) portera « un discours à destination du sujet à propos des qualités attendues » (Jorro & Wittorski, 2013, p.15) afin de définir les contours de la professionnalisation, de « ce que doit être un bon professionnel » (Jorro & Wittorski, 2013, p.16). Il s’agit ici de l’identité prescrite ou attribuée ;

- enfin, « les espaces d’activité (travail, formation, recherche) sont alors à voir comme autant d’espaces et d’occasions de négociation identitaire entre des sujets qui espèrent être reconnus pour ce qu’ils montrent d’eux-mêmes et des tiers/institutions qui expriment de diverses façons leurs attentes (parfois des injonctions) et mettent en place des systèmes d’attribution de qualités » (Jorro & Wittorski, 2013, p.16). L’enjeu sous- jacent c’est l’existence et la reconnaissance du sujet au cœur des espaces d’activité. Ces éléments tendent à montrer « la chaîne des interactions entre environnement – sujet – activités » (Jorro & Wittorski, 2013, p.18) qui est au cœur de la dynamique de reconnaissance professionnelle. La figure du tiers y trouve une place importante et devra faire l’objet d’une attention particulière dans le cadre de notre dispositif de recherche d’autant que cette « figure du tiers peut être plurielle pouvant alors donner à voir des points de vue différents voire contradictoires susceptibles de générer des débats de reconnaissance » (Jorro & Wittorski, 2013, p.19). A nouveau, le tiers, et notamment le tiers évaluateur, peut trouver une incarnation dans le ou la CPE et le ou la chef-fe d’établissement.

Ainsi « Obtenir la reconnaissance devient une sorte de fardeau social indispensable pour construire sa rationalité individuelle, et le travail dans une organisation n’est pas un des moindres champs de cette activité permanente de l’individu » (Sainsaulieu, 2014, p.453). Autrement dit, pour d’une certaine façon « être » c'est-à-dire exister au travail, l’individu s’engage dans son activité dans une forme de recherche d’une reconnaissance professionnelle qui semble au final définir autant l’individu dans son métier que le métier dans l’environnement social.