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Chapitre 1-3 : Constituants minéraux

IV. 3. (Trans)formations dans le bassin

Depuis l’épuration par voie humide jusqu’à aujourd’hui, les phases minérales se sont altérées et de

nouvelles phases se sont formées en fonction des conditions du milieu, telles que le pH, la saturation en

eau, le potentiel redox (chapitre 1-1) ainsi que la nature et la concentration des éléments en solution.

Ainsi, la calcite secondaire, visible dans les fissures (chapitre 1-1), a pu se former selon deux voies : i)

par hydrolyse et carbonatation du CaO n’ayant pas réagi dans le haut-fourneau au contact de l’eau et du

CO

2

atmosphérique et ii)par hydrolyse de silicates calciques tels que la larnite (Ca

2

SiO

4

) ou la gehlénite

(Ca

2

Al

2

SiO

7

) qui constituent des minérauxdu laitier (Javelle et Ponteville, 1968) et qui sont susceptibles

d’être trouvés dans de tels milieux (Sauer et Burghardt, 2006).

La ferrihydrite a pu se former à partir du Fe libéré par l’altération de phases ferrifères héritées et/ou

transformées dans le haut-fourneau (Schwertmann et Taylor, 1989). De même, les composés cyanurés

K

2

Zn

3

[Fe(CN)

6

]

2

.9H

2

O, qui semblent typiques des boues de hauts-fourneaux, ont pu se développer en

deux étapes : i) formation de complexes Fe-cyanures solubles par réaction des ions Fe

2+

et CN

-

en

solution puis ii) précipitation de K

2

Zn

3

[Fe(CN)

6

]

2

.9H

2

O par réaction de ces complexes avec K et Zn.

Cette deuxième étape pourrait se prolonger tant qu’il y a des complexes Fe-cyanures en solution dans

les dépôts de boues ; l’analyse de dépôts de différents âges montrant que ce composé cyanuré du K et du

Zn semble moins fortement exprimé dans les boues récentes (Mansfeldt et Dohrmann, 2001).

Des signes d’altération des phases silicatées et manganifères sont également visibles. Les

aluminosilicates fibrillaires non cristallisés de type allophanique pourraient être issus de l’altération des

verres silicatés. La dissolution rapide des silicates est favorisée par les pH élevés (> 9). Le pH initial des

boues était certainement élevé et contrôlé par les réactions avec les oxydes de Ca et alcalins puis a

diminué en présence de CO

2

atmosphérique (carbonatation) pour atteindre sa valeur actuelle autour de 8

(chapitre 2-1). Ainsi, la formation de ces produits allophaniques pourrait avoir eu lieu en deux étapes :

i) dissolution des verres silicatés et des aluminosilicates hérités lorsque le pH des boues était élevé et ii)

précipitation d’aluminosilicates mal cristallisés hydratés à partir de l’Al et du Si mis en solution lorsque

le pH a diminué. La nature des phases formées dépend du pH, de la composition de la solution et du

taux de saturation en eau. Ainsi, un environnement alcalin favorise les aluminosilicates avec un rapport

Al/Si bas (Zevenbergen et al., 1999) tandis que la présence de CaCO

3

et d’alcalins peut favoriser la

précipitation de silice amorphe et/ou de zéolites dans de tels milieux (Sauer et Burghardt, 2006). Les

phénomènes de dissolution/précipitation sous l’action du changement de potentiel d’oxydo-réduction

(chapitre 1-1) peuvent également être une voie de formation des nodules riches en Mn, en plus de la

condensation d’oxydes de Mn dans le haut-fourneau. Certains nodules sont entourés par une phase

enrichie en C (couche 16), ce qui laisse suggérer une altération en couronne des nodules par

carbonatation.

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La présence de sulfates (gypse, ettringite) uniquement dans les couches profondes suggère des

phénomènes de dissolution et de reprécipitation en profondeur de ces phases solubles. En revanche, la

présence de sulfates de Ba, composés peu solubles, dans la couche 16 reste à expliquer.

Ainsi, la minéralogie de ces matériaux témoigne des différentes étapes de leur formation depuis les

matières premières introduites dans le haut-fourneau jusqu’à leur évolution dans le bassin sous l’influence

des facteurs environnementaux.

IV.4. Localisation des métaux

Les analyses et cartographies élémentaires réalisées sur les lames minces (chapitre 1-1) et les sections

polies en MEB-EDXS montrent que le Pb a une répartition localisée dans certaines phases (e.g. en

périphérie de phases concentriques) ou dans certaines structures, où il est souvent associé au Mn (e.g. dans

les revêtements et les nodules noirs). Il est aussi présent sous forme concentrée dans des particules

d’hydroxydes ou de carbonates de Pb. La répartition du Zn semble plus ubiquiste, même s’il est

principalement associé aux phases aluminosilicatées.

La localisation et la spéciation du Pb et Zn résultent de l’ensemble des processus subis par les matériaux.

Ces éléments volatils sont vaporisés dans le haut-fourneau et se condensent au cours de la remontée du

gaz. La température d’ébullition basse du Pb pourrait expliquer sa présence privilégiée en périphérie des

phases minérales auxquelles il est associé. Il semble être mobilisé lors des phénomènes de

dissolution-précipitation d’oxydes de Mn, qui mènent à la formation des revêtements et des nodules, dans lesquels il

se retrouve en fortes concentrations. Les oxydes de Mn ont une affinité importante pour le Pb et peuvent en

contenir de grandes quantités (Mc Kenzie, 1989). Les autres phases présentes (e.g. produits allophaniques,

(hydr)oxydes de Fe) sont également des phases porteuses connues des métaux. Leur caractère non ou mal

cristallisé les rend d’autant plus susceptibles d’héberger des métaux.

V. Conclusion

Le Technosol montre une alternance de couches dominées par les (hydr)oxydes de Mn et de couches

constituées d’aluminosilicates (produits allophaniques et verre silicaté), de carbonates et d’(hydr)oxydes de

Fe. De phases sulfatées sont observées en profondeur. L’étude de ces phases, souvent mal cristallisées et

mal définies, en regard des connaissances sur les procédés sidérurgiques permettent d’établir des

hypothèses quant à la formation des matériaux parents et du Technosol.

Les phases sont héritées des matières premières introduites dans le haut-fourneau (e.g. oxydes de Fe), dans

lequel elles ont été plus ou moins transformées par les procédés sidérurgiques (e.g. réduction des oxydes,

fusion, volatilisation/condensation) et/ou se sont formées lors de l’épuration des fumées de haut-fourneau

puis dans le bassin de décantation, dans lequel elles évoluent sous l’action des facteurs environnementaux

(e.g. hydratation, carbonatation). Les (hydr)oxydes de Mn et les produits allophaniques constituent les

phases porteuses majeures du Pb et du Zn.

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