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Chapitre 1 : Les bassins à boues sidérurgiques, objets privilégiés pour la compréhension

III. Dynamique des métaux dans les sols

Les matériaux d’origine sidérurgique étant particulièrement riches en métaux, l’étude de leur

dynamique dans le sol est de tout premier intérêt. En effet, elle témoigne de la pédogénèse de ces

matériaux technogéniques et sa compréhension et sa prédiction sont essentielles pour évaluer les

risques de transferts de métaux vers les autres compartiments de l’écosystème (hydrosphère,

biosphère).

Les risques de transfert des éléments métalliques et leur toxicité sont liés à la biodisponibilité de ces

éléments, à savoir leur aptitude à être transféré d’un compartiment quelconque du sol vers un

organisme vivant dans ce dernier (racine d’une plante, microorganisme, mésofaune,…) (Juste, 1988).

La biodisponibilité dépend de la spéciation et des phénomènes de transport dans le sol et évolue

sous l’influence des facteurs climatiques et biologiques (Figure 5).

Figure 5 : Schéma des principaux processus et facteurs gouvernant la dynamique des éléments métalliques

dans le sol (d’après Calvet, 2003)

Les risques de transfert des éléments métalliques dépendent principalement de la spéciation des métaux (état chimique,

nature des phases porteuses,…) et des phénomènes de transport dans le sol. Les facteurs biologique et climatique, en

modifiant notamment les conditions physico-chimiques et propriétés hydriques du sol, influencent les mécanismes et les

réactions régissant la spéciation et les phénomènes de transport.

III.1.Spéciation des éléments métalliques dans le sol

Les éléments métalliques interagissent avec les composants du sol (minéraux, matières organiques,

solution du sol,…) et se présentent sous différents états chimiques et dans différents compartiments du

sol, dans lesquels ils sont plus ou moins énergétiquement retenus. Pour être biodisponible, un élément

doit être sous une forme absorbable par l’organisme et dans un compartiment accessible. Par exemple,

les plantes puisent les éléments dans la solution du sol.

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La spéciation est la caractérisation de la répartition d’un élément dans les différents compartiments

ou de l’état chimique dans lequel il se trouve dans ces différents compartiments (ionique, complexé,

lié par covalence,…) (Lebourg et al., 1996). Elle détermine la mobilité, c’est-à-dire la capacité d’un

élément à migrer d’un point à un autre, à passer d’une forme à une autre ou à changer de phase

(passage de la phase solide à la phase liquide principalement) (Juste, 1988).

Ainsi, les métaux peuvent se trouver dans le sol sous cinq états principaux, associés à une mobilité

plus ou moins grande (Calvet, 2003) :

(i) les ions en solution sous forme libre ou complexée sont très mobiles et biodisponibles ;

(ii) les ions adsorbés sous forme de complexes à sphère externe passent en solution par échange

ionique et sont mobiles ;

(iii) les ions adsorbés sous forme de complexes à sphère interne sont plus difficilement échangeables

et moins mobiles ;

(iv) les ions précipités ont une mobilité qui dépend de l’acidification du milieu ;

(v) les ions occlus dans les réseaux cristallins ne sont pas mobiles et nécessitent l’altération des

minéraux pour être libérés.

Les phénomènes d’adsorption/désorption (Bradl, 2004) et de précipitation/dissolution régissent la

répartition des éléments métalliques entre les phases solide et liquide ainsi que la force des liaisons

qu’ils forment avec leurs phases porteuses. Ces mécanismes sont notamment influencés par les

conditions physico-chimiques, dont le pH et le potentiel d’oxydo-réduction, qui règnent dans le sol.

De plus, la présence de ligands organiques dans le sol peut mener à la formation de complexes

organo-métalliques solubles (Bourrelier et al., 1998).

Ainsi, les métaux peuvent être présents sous différentes formes chimiques, allant de l’échelle ionique

ou moléculaire (métaux dissous) à l’état solide en passant par l’état lié à des colloïdes ou des

particules. La forme chimique et la localisation dans les différentes phases, mobiles ou stationnaires,

vont déterminer la mobilité.

III.2.Phénomènes de transport

Le sol est un milieu poreux dans lequel les fluides s’écoulent à travers les pores. Le volume et la

structure de cet espace poreux sont définis par l’organisation de la phase solide du sol, qui dépend plus

ou moins directement de la nature et de la taille des constituants du sol (Musy et Soutter, 1991).

Il existe différents modes de transport tels que la convection et la diffusion moléculaire, dont les

moteurs sont respectivement les gradients de pression et de concentration. A ces deux modes s’ajoute

la dispersion mécanique, qui résulte de la diversité des distributions des vitesses d’écoulement due à

la variété des dimensions et des formes des pores du sol. Des transferts préférentiels peuvent aussi

avoir lieu à travers la macroporosité (galeries, fissures, racines,…) par écoulement gravitaire (Calvet,

2003).

Les métaux peuvent être transportés sous forme soluble par lixiviation et sous forme particulaire par

lessivage. Les particules sont alors emmenées au cours de l’écoulement de l’eau par gravité jusqu’à

des niveaux inférieurs où elles sont retenues. Les colloïdes et fines particules peuvent être remobilisés

sous l’effet d’un fort écoulement (par contrainte mécanique) ou d’un changement des conditions

chimiques, par exemple de salinité.

III.3.Influence des facteurs climatiques et biologiques

Les facteurs climatiques et biologiques influencent la mobilité des éléments métalliques et les

phénomènes de transport à travers différentes actions.

Les facteurs climatiques interviennent principalement à travers les précipitations qui jouent sur l’état

hydrique du sol et donc sur les phénomènes de transport mais aussi sur les conditions

physico-chimiques du sol. Les alternances de gel/dégel ou de déshydratation/hydratation contribuent également

à la structuration du sol et agissent donc indirectement sur les écoulements. Enfin, les changements de

température influent les vitesses de réactions et l’activité biologique (Calvet, 2003).

L’activité biologique (végétation, faune, microorganismes) agit à différents niveaux sur la dynamique

des éléments métalliques.

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L’apport et la transformation des matières organiques va jouer sur la structure du sol et sa stabilité

(Six et al., 2002) et sur la complexation des métaux par libération de ligands organiques.

La rhizosphère, partie du sol soumise à l’influence des racines, est une zone de forte activité

biologique dans laquelle règnent des conditions physico-chimiques souvent différentes par rapport à

celles trouvées dans le reste du sol (Hinsinger et al., 2009). Les racines et les microorganismes

associés, à travers leurs actions (prélèvement d’eau, respiration, exsudation d’acides organiques…)

modifient les conditions du milieu (pH, potentiel d’oxydo-réduction), ce qui peut entraîner une

altération accélérée des minéraux (Courchesne et Gobran, 1997) et une mobilisation accrue des

éléments métalliques dans la rhizosphère (Deneux-Mustin et al., 2003).

Le prélèvement racinaire agit également sur les phénomènes de transport en provoquant des

mouvements de convection et des gradients de concentration, moteurs du transport par diffusion. La

faune du sol et les racines interviennent aussi sur les écoulements par modification de la structure du

sol et notamment par la création de chemins préférentiels.

Ainsi, la dynamique des éléments métalliques dans les sols dépend de leur spéciation, qui est liée à

la nature des constituants et à leur réactivité, et des phénomènes de transport, qui sont

principalement déterminés par la structure et la texture du sol, eux-mêmes dépendant des constituants

présents.

La spéciation et le transport des métaux évoluent sous l’influence des facteurs pédogénétiques (climat,

végétation) et, à ce titre, la dynamique des métaux peut se révéler être un indicateur de la pédogenèse

des Technosols se développant sur des matériaux parents riches en métaux.

En termes de gestion de site, la potentielle mobilisation des métaux à plus ou moins long terme sous

l’action de la végétation pose la question de l’utilisation des techniques de phytostabilisation comme

solution de gestion durable des friches contenant des matériaux riches en métaux (Houben et al.,

2013).

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