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in vitro sur un test d’inhibition d’IL6

12. Traitements de l’inflammation chez la souris : résultats in vivo

Le composé 47c issu de l’étude topologique a été testé sur un modèle inflammatoire chez la souris : l’asthme et la bronchiolite oblitérante.

12. 1. Traitement de l’inflammation sur un modèle d’asthme

12.1.1. L’asthme

L’asthme allergique est défini comme étant une inflammation chronique des voies respiratoires. Il s’agit d’une des maladies les plus fréquentes dans les pays industrialisés (Figure 65). En effet, elle affecterait environ 300 millions d’individus, et sa prévalence ne cesse d’augmenter. A titre

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d’illustration, 3,5 millions de patients sont concernés par l’asthme en France, dont un tiers de moins de 15 ans. Cette maladie est responsable d’environ 2 000 morts par an en France. Selon l’organisme international GINA (Global Initiative for Asthma), la fréquence de l’asthme progresse à mesure que les communautés adoptent des modes de vie occidentaux et que l’urbanisation s’acroît.

Figure 65. Prévalence de l'asthme dans le monde selon GINA (2006)

Le terrain génétique, le stress psychologique ou encore l’influence hormonale font partie des facteurs endogènes impliqués dans le déclenchement d’une crise d’asthme, mais aussi dans la chronicité de la maladie. Des facteurs exogènes tels que les allergènes, les virus, les polluants atmosphériques, la fumée de tabac ou l’intolérance à l’aspirine favorisent également l’asthme.

L’inflammation bronchique, la bronchoconstriction et l’hypersécrétion de mucus sont les mécanismes les plus souvent évoqués dans la pathophysiologie de l’asthme. Ces phénomènes conduisent à l’hyperréactivité bronchique face à des stimuli physiques, chimiques ou pharmacologiques (acétylcholine, métacholine, histamine…).

La gêne respiratoire est, quant à elle liée à la contraction du muscle lisse bronchique provoquée par des médiateurs libérés par des cellules inflammatoires. De plus, les patients asthmatiques présentent une hypertrophie du muscle lisse bronchique, une fibrose sous-épithéliale par dépôt de collagène et de myofibroblastes et un œdème qui participent aussi à l’obstruction bronchique (Figure 66). L’épaisseur de la paroi bronchique est plus importante, le calibre des bronches est diminué et la réactivité bronchique augmentée. Une autre cause de l’obstruction bronchique est l’hypersécrétion du mucus. Les glandes à mucus et les cellules caliciformes sont plus nombreuses, hypertrophiées et participent directement à l’épaississement de la paroi bronchique.170,171

Le processus inflammatoire dans l’asthme se caractérise par une accumulation de cellules inflammatoires dans la paroi bronchique, telles que les éosinophiles, des lympocytes CD4+ et CD8+, des lymphocytes B, des macrophages et dans certains cas des neutrophiles.170,172

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Figure 66. Physiopathologie de l'asthme170

L’asthme est une maladie particulièrement invalidante, apparaissant au cours des premières années de la vie ou à l’âge adulte. A l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement curatif. En effet, les seuls traitements disponibles agissent sur la survenue des symptômes (bronchodilatateurs, agonistes de type β2-adrenergiques) ou servent à limiter l’inflammation (corticoïdes) pour permettre un meilleur contrôle à long terme. Cependant, une petite partie (5-10%) des patients asthmatiques ne répondent pas aux corticosteroïdes,173–175 mettant en lumière la nécessité de trouver de nouvelles thérapies. Il a été postulé que l’augmentation de l’activité des kinases pourrait être responsable, au moins en partie, de cette résistance aux corticostéroïdes.175,176

Etant donné que l’asthme est une maladie inflammatoire très complexe, mettant en jeu un large spectre de cytokines, chemokines et autres médiateurs de l’inflammation, il est peu probable que viser l’inhibition d’une seule cible (molécule ou récepteur) permette d’obtenir une efficacité suffisante.173 En effet, l’efficacité des corticostéroïdes est basée sur la suppression de plusieurs facteurs de transcription. Les kinases jouent un rôle important dans la régulation de l’expression du gène inflammatoire dans l’asthme, et les inhibiteurs de kinases sont en cours de développement préclinique pour le traitement de maladies inflammatoires dont l’asthme.173,176,177

Au vue de ces données, l’équipe du Dr. Nelly Frossard a émis l’hypothèse que la kinase MSK1, qui est activée par de nombreux stimuli pro-inflammatoires, pourrait jouer un rôle important dans l’asthme. En effet, MSK1 est impliquée dans la production des mucines (composants du mucus), pouvant être

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responsable de l’hypersécrétion du mucus observée dans l’asthme.178 De plus, les éosinophiles, cellules clé dans les réponses allergiques, sont activées par des cytokines (IL-5) et des chimiokines (éotaxine, CCL5) via l’activation de MSK1.145,179 Plus récemment, il a été montré que la production d’IL17F, dont la concentration est corrélée au degré de sévérité de la maladie, est médiée via l’activation de MSK1 dans les cellules de l’épithélium bronchique (Figure 67).180

Figure 67. Mécanisme de formation d'IL17 dans les cellules de l'épithélium bronchique180

L’équipe du Dr. Nelly Frossard a validé cette hypothèse de travail en montrant l’efficacité du H89, un inhibiteur de référence de MSK1, dans un modèle in vivo.176 Pour ce faire, ils ont sensibilisé des souris à l’ovalbumine (OVA), provoquant ainsi une augmentation significative de cellules inflammatoires dans le fluide du lavage bronchoalvéolaire (BAL). L’administration de H89 a permis de réduire de 80% le nombre d’eosinophile (Figure 68, courbe (A)), de respectivement 64% et 74% le nombre de neutrophile et de lymphocytes (courbe (B)), sans effet sur les macrophages (courbe (A)).

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Figure 68. Effet du H89 sur le nombre de leukocytes dans le fluide du lavage bronchoalvéolaire (BAL)176

Effet du H89 (10 mg/kg, bars grises) ou de la solution saline avec 5% de DMSO (contrôle négatif, bars noires) dans les fluides du BAL 24 heures après l’injection du contrôle ou de l’H89 dans des souris sensibilisés à l’ovalbumine (OVA) sur (A) la

production totale de leukocyte (Total), éosinophiles (Eos) et macrophages (Mac) ; (B) les neutrophiles (Neu) et les lymphocytes (Lym).

12.1.2. Présentation du modèle

Le modèle d’asthme aigue développé par notre partenaire est représenté dans la Figure 69.

Les souris mâles de 9 semaines de souche Balb/c sont sensibilisées à l’ovalbumin (OVA)171 par injection i.p. d’une solution de 50 µg d’OVA, 2 mg d’hydroxyde d’aluminium dans 0.1 mL d’une solution saline, les jours D0 et D7. Puis les souris sont traitées par injections i.p. du composé étudié, préalablement solubilisé dans une solution saline contenant 5% de DMSO à une dose de 10 mg/kg, 2 heures avant l’injection d’OVA (25 µL, i.n.) durant les jours D17, 18, 19 et 20. L’OVA injecté va provoquer une augmentation du nombre de leukocytes incluant les éosinophiles et les macrophages, mais également les neutrophiles et les lymphocytes. 24 heures après la dernière injection d’OVA (D21), un lavage bronchoalvéolaire (BAL) est effectué.124 Pour ce faire, les souris sont sacrifiées. Une trachéotomie est ensuite réalisée suivie de dix lavages successifs avec du sérum physiologique. Après centrifugation du liquide récolté pour éliminer les globules rouges, les cellules inflammatoires (leukocytes, éosinophiles, neutrophiles, macrophages et lymphocytes) sont comptées et le TNFα est mesuré grâce à un test ELISA.

123 12.1.3. Résultats obtenus de 47c

Les résultats obtenus pour les composés 47c et PHA767491, en tant que contrôle, sont représentés dans la Figure 70.

Figure 70. Résultats obtenus sur le test de l'asthme du composé 47c. (A) Eosinophiles; (B) Neutrophiles; (C) Macrophages; (D) Cellules T; (E) Cellules B.

L’administration du composé 47c permet de diminuer de 40% le recrutement d’éosinophiles (courbe (A)) et 51% celui des cellules B (coubre (E)) après sensibilisation à l’OVA. A la même dose, le composé utilisé comme contrôle (PHA767491), diminue respectivement de 58% et 69% le recrutement d’éosinophiles et des cellules B. Par contre, les 2 composés étudiés n’ont pas d’effet significatif sur le recrutement des neutrophiles (courbe (B)), des macrophages (courbe (C)) et des cellules T (courbe (D)). Bien que le composé 47c soit moins puissant que le PHA767491, il montre tout de même un potentiel comme agent anti-inflammatoire dans l’asthme.

12. 2. Traitement de l’inflammation sur un modèle de bronchiolite oblitérante

12.2.1. La bronchiolite oblitérante

La bronchiolite oblitérante (BO) est un rejet chronique des poumons après une transplantation. Il s’agit de la première cause de décès à long terme. Selon l’ISHLT (International Society for Heart and Lung Transplantation), 38% des décès, 5 ans après la transplantation pulmonaire, et 58% après 10 ans sont causés par la bronchiolite oblitérante.

La bronchiolité oblitérante implique une réaction alloimmune provoquant une dégradation de l’épithélium bronchique181,182 suivie d’un infiltrat inflammatoire et enfin d’une phase fibroproliférative, qui aboutit à une obstruction des petites voies aériennes (Figure 71).181,183 Ces différentes étapes impliquent de nombreux médiateurs et de nombreuses cellules inflammatoires.

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Figure 71. Aspects histologiques dans la bronchiolite oblitérante.145

A) Bronchiole saine, coloration à l’hématoxyline-éosine. B) Biopsie pulmonaire de patient présentant une bronchiolite oblitérante, coloration à l’hématoxyline-éosine. Oblitération partielle de la lumière. C) Biopsie pulmonaire de patient présentant une bronchiolite oblitérante, coloration de Masson Trichrome (le collagène est coloré en vert). Fibroprolifération et obstruction complète de la lumière bronchiolaire.

Cliniquement, la BO se manifeste par une diminution des capacités pulmonaires. Les principaux facteurs de risque pour la BO sont :

- Des épisodes répétitifs de rejet aigu ou un rejet aigu assez violent ou assez tardif après l’intervention184–186

- La survenue d’une bronchiolite lymphocytaire, provoquant une obstruction fibroproliférative186–190

- Une discordance des antigènes des leucocytes humains entre donneur et receveur191–193 - Une infection par le cytomegalovirus, car il stimule la prolifération cellulaire sur le site de la

greffe194

- Le reflux gastro-oesophagien, car il est associé à une production accrue de cytokines pro-inflammatoires.195,196

Actuellement, le traitement de la bronchiolite oblitérante consiste en une augmentation de la dose ou un changement d’agents immunosuppresseurs prescrit après la transplantation pulmonaire, mais l’efficacité observée est faible.197 En particulier, des études ont mis en évidence un faible effet bénéfique du tacrolimus versus la cyclosporine comme immunosuppresseur pour le traitement de la BO. En effet, la BO se développe chez 22% des patients traités par le tacrolimus contre 36% des patients traités par la cyclosporine.198 Des études ont également montré une amélioration des patients atteints de la BO après utilisation de l’azithromycine (antibiotique). Selon les études, il a été demontré que les patients traités par cet antibiotique ont augmenté leur VEMS (volume respiratoire maximal pour une seconde) de 17 à 30%.199,200 Bien que ces résultats soient encourageants, d’autres études devront être réalisées sur un plus grand nombre de patients pour les confirmer. A l’heure actuelle, aucun médicament ne permet la guérison de la BO et la seule option pour le patient est une re-transplantation, qui n’est pas sans risque d’un nouveau rejet. Ainsi, il existe une forte demande en recherche de stratégies thérapeutiques innovantes.

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Etant donné que la kinase MSK1 induit l’expression de gènes pro-inflammatoires, l’équipe du Dr. Nelly Frossard a évoqué l’hypothèse que cette kinase pourrait être impliquée dans la BO. Elle pourrait donc être une nouvelle cible thérapeutique. En effet, lors de l’activation du facteur de transcription NF-κB, MSK1 pourrait participer à l’infiltration de cellules inflammatoires lors de la BO. Afin de valider cette hypothèse, ils ont étudié l’expression de MSK1 dans un modèle murin de bronchiolite oblitérante par transplantation hétérotopique de trachée (présentation du modèle, voir paragraphe 12.2.2). Dans le cas de la transplantation allogreffe (conduisant à la BO), l’expression de l’ARNm de MSK1 augmente progressivement à J7 et à J21 après la transplantation (Figure 72, courbe A.). Cette surexpression de MSK1 dans l’allogreffe est accompagnée d’une surexpression de la cytokine pro-inflammatoire IL6 (courbe B.), qui est sous la dépendance de la voie MSK1-NF-κB et du facteur de croissance TGFβ (courbe C.), principal acteur dans la fibroprolifération.145 Alors que dans le cas des isogreffes (transplantation saine), l’expression de MSK1 reste inchangée au cours du temps.

Figure 72. Expression de l'ARNm de A. MSK1, B. Il-6, C. TGFβ à J0, J3, J7 et J21 après transplantation.145

ARN a été extrait de pools de 4 demi-trachés (n=6 pool).

Afin d’évaluer le rôle de MSK1, un inhibiteur pharmacologique de MSK1 (le H89) a été administré dans le modèle sur la souris.

Lors du traitement de la souris par H89, une inhibition de la dégradation épithéliale à J7 a été observée à hauteur de 44.9±10.2% (Figure 73). L’infiltration de cellules inflammatoires a été également inhibée de 48.8±11.7% (Figure 74). Enfin, l’obstruction fibroproliférative a été inhibée de

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43.1±7.1% (Figure 75). Ces résultats ont pu mettre en évidence l’effet bénéfique de l’inhibition de MSK1 dans le modèle de BO et ainsi valider notre hypothèse de travail.

Figure 73. Effet de H89 dans la dégradation épithéliale à J7 de l'allogreffe.145

Les souris sont traitées par voir i.p. soit avec le H89 (19.3 µmol/kg/jour) soit avec le solvant seul (DMSO 5%, NaCl 0.9%). Les trachées (n=6 à 12) sont récupérées à J7 après la transplantation. Les trachées sont embaumées de paraffine, sectionnées puis colorées à l’hématoxyline-éosine. A. Quantification de l’épithélium dégradé dans les iso- et allogreffes traitées avec le H89 ou le solvant. NS : non-significatif. B. Photo représentative des trachées colorées à l’hématoxyline-éosine. Gx400.

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Figure 74. Effet du H89 sur l'infiltration des cellules inflammatoires à J7 sur l’allogreffe.145

Les souris sont traitées par voir i.p. soit avec le H89 (19.3 µmol/kg/jour) soit avec le solvant seul (DMSO 5%, NaCl 0.9%). Les trachées (n=6 à 12) sont récupérées à J7 après la transplantation. Les trachées sont embaumées de paraffine, sectionnées puis colorées à l’hématoxyline-éosine. A. Quantification de l’infiltration des cellules inflammatoires dans les iso- et allogreffes traitées avec le H89 ou le solvant. B. Photo représentative des trachées colorées à l’hématoxyline-éosine. Les zones contenant des cellules infiltrées sont représentées avec une flèche. Gx50 et Gx400.

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Figure 75. Effet du H89 sur l’obstruction fibroproliférative à J21 sur l'allogreffe.145

Les souris sont traitées par voir i.p. soit avec le H89 (19.3 µmol/kg/jour) soit avec le solvant seul (DMSO 5%, NaCl 0.9%). Les trachées (n=12 à 20) sont récupérées à J21 après la transplantation. Les trachées sont embaumées de paraffine, sectionnées puis colorées à l’aide de Masson Trichrome et à l’hématoxyline-éosine. A. Quantification de l’obstruction fibroproliférative dans les iso- et allogreffes traitées avec le H89 ou le solvant. B. Photo représentative des trachées colorées à l’aide de Masson Trichrome Gx50 et à l’hématoxyline-éosine Gx200.

12.2.2. Présentation du modèle

L’équipe du Dr. Nelly Frossard utilise un modèle d’allotransplantation hétérotopique de trachée chez la souris pour étudier le développement de la BO apparaissant en 21 jours. Ce modèle possède les avantages d’être simple, rapide, très reproductible et de présenter les principales caractéristiques de la BO : les phases de dégradation épithéliale, d’infiltration de cellules inflammatoires (lymphocytes, cellules dendritiques) et de fibroprolifération.

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Pour ce faire, une demi-trachée d’une souris donneuse est greffée derrière l’oreille d’une souris receveuse (Figure 76). Lorsque la greffe est réalisée entre des souris de la même souche (ici : Balb/c), il s’agit d’une isogreffe, sans le développement de la BO (contrôle positif). Alors que lorsque la greffe est réalisée entre des souris de source différente (donneuse : Balb/c et receveuse : C57/BL6), il s’agit d’une allogreffe, conduisant à un rejet et donc au développement de la BO.

Après 21 jours, les trachées sont récoltées et analysées afin d’évaluer le stade de la maladie.

Figure 76. Présentation du modèle murin de BO

12.2.3. Résultats obtenus pour le composé 47c

Les résultats obtenus avec le composé 47c sont représentés dans la Figure 77 (réalisé par le Dr. Simona Nemska).

D’abord, nous pouvons observer que dans le cas des transplantations isogreffes, l’injection du composé 47c et du PHA767491 (contrôle) n’induisent ni une dégradation de l’épithélium sain (graphe (A)), ni d’obstruction de la trachée (graphe (B)). Ceci sous entend qu’ils n’ont pas d’effets propres. Le PHA767491 montre une augmentation de l’épithélium sain chez les allogreffes de manière doses dépendantes, alors que le traitement avec le composé 47c ne permet ni d’augmenter le pourcentage d’épithélium sain, ni de diminuer l’obstruction des trachées. Des études complémentaires (sélectivité, stabilité métabolique…) sont nécessaires afin de comprendre l’inactivité du composé