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L’état de l’interface entre les fibres et la matrice joue un rôle prépondérant sur la transmission des charges mécaniques dans le composite. D’une part, les fibres naturelles contiennent des groupes hydroxyles libres sur leurs surfaces, provenant principalement de l’hémicellulose et pectine. Ce qui produit leurs caractères hydrophiles, tandis que la plupart des matrices polymères sont hydrophobes. En outre, la pectine et les substances cireuses recouvrent les groupes fonctionnels réactifs de la fibre brute et agissent comme une barrière à l’interaction entre les fibres et la matrice, en affectant le transport des contraintes mécaniques dans les composites [31]. Pour pallier cette incompatibilité, des traitements sont généralement effectués sur les fibres. Ils peuvent être de nature mécanique, chimique, enzymatique ou physique [17]. Par ailleurs, ces traitements permettent parfois d’apporter des améliorations supplémentaires aux performances intrinsèques des fibres, notamment leur résistance à la traction, à l’absorption d’humidité et leur stabilité thermique.

Bien qu’il existe de nombreuses méthodes de traitement (physique et chimique) [17], cette section s’attardera uniquement sur les méthodes chimiques qui sont les plus adoptées récemment dans la littérature pour les fibres végétales.

Méthodes chimiques

Les traitements chimiques les plus connus sont [31]: les alcalins, les silanes, l’acétylation, la benzoylation, l’acrylation, l’acrylonitrile, l’acide maléique, le permanganate, le peroxyde, l’isocyanate, l’acide stéarique, le chlorite de sodium, la triazine. Ces traitements pourraient être classés selon leur modification portée sur la structure des fibres en trois catégories : des traitements de dissolution, de revêtement et par des agents de couplage. La

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combinaison entre ces méthodes pourrait améliorer davantage les propriétés des fibres et des composites.

I.3.1.1. Traitements de dissolution

Ces traitements consistent généralement à immerger les fibres végétales dans une solution alcaline ou acide pendant un temps déterminé afin d’éliminer une certaine quantité des composants non-cellulosiques qui recouvrent la surface externe de la paroi cellulaire des fibres. Le traitement à la soude, ou hydroxyde de sodium, est le plus utilisés dans cette catégorie. Ce traitement a pour but d’enlever une certaine quantité de matériaux non-cellulosiques tels que la lignine, l’hémicellulose et les substances cireuses qui couvrent l’interface de fibre naturelle, tout en donnant une surface propre et rugueuse [70] (Figure A.I. 7). En conséquence, cette surface facilite l'enclenchement mécanique des fibres et améliore leur capacité de mouillage avec la matrice polymère. Cela amende les transferts des charges entre fibres/matrice et l'absorption d'énergie mécanique de composite [71]. A.N. Balaji et al. [72] pendant leurs travaux sur les fibres des feuilles de cactus de l'aloe vera saharienne ont constaté qu’après un traitement au NaOH à 5%, pendant 1h, les teneurs en hémicellulose et en cire sont réduites alors que la teneur en cellulose a augmentée. La concentration en lignine n’a, quant à elle, pas variée. Cependant, M. Asim et al. [70] ont démontré une élimination partielle de lignine après un traitement à 6% à la soude pendant 3h pour les fibres de feuilles d’ananas et kénaf. La même constatation a été soulevée par T. Motaung et al. [73] et P. Krishnaiah et al. [74].

Par ailleurs, l’élimination de la matrice naturelle (composants non-cellulosiques) conduit à une séparation des fibres unitaires de faisceau. De ce fait, le diamètre de ce dernier est réduit [70] [74], et la surface de contact efficace des fibres avec la matrice est augmentée ; ce qui améliore davantage l’adhérence avec la matrice [31], [75], [74]. Cette amélioration affecte les propriétés thermo-physiques des composites et contribue à une conductivité thermique plus élevée [76]. En outre, ce traitement permet de révéler les groupes fonctionnels réactifs sur la surface de fibre, en augmentant la quantité de cellulose exposée après la dégradation des composants non-cellulosiques de la surface. Cela améliore l’interaction chimique avec la matrice polymère [77], ainsi que la stabilité thermique [72], [74], [78].

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Figure A.I. 7 : Observation par microscope électronique à balayage de la surface des fibres de Kénaf : (a) non traité, (b)traitées par NaOH, (c) traitées au silane et (d) traitées par NaOH-silane [70].

D’autre part, l’élimination des matériaux non-cellulosiques de la fibre induit l´augmentation du taux de cellulose et sa cristallinité [73],[74]. De plus, elle conduit à un angle microfibrillaire moins important [72], permettant ainsi aux fibrilles de se réorienter facilement suivant la direction de la déformation de traction en donnant une meilleure distribution de la charge. Cela augmente leur résistance à la traction et leur module de Young produisant ainsi une meilleure résistance du composite. Une amélioration de la résistance à la traction, à la flexion, au choc et de la dureté est souvent rapportée pour les composites après un traitement au NaOH pour les fibres naturelles [18], [54], [70], [72]–[75], [78]–[80].

De même, lorsque les fibres sont traitées avec le NaOH, les groupes OH dans les régions cellulosiques réagissent avec les alcalins (H-OH) et sortent de la structure fibreuse sous forme d’eau (H2O). Les molécules réactives restantes (Na), quant à elles, forment des groupements fibre-cellule-O-Na [31],[79] ; ce qui améliore la résistance à l’humidité des fibres et des composites [72].

En revanche, un sur-traitement peut engendrer la délignification excessive de la fibre et la dégradation de cellulose ; ce qui conduit à une chute des performances mécaniques des fibres [31]. Le sur-traitement est obtenu par une forte concentration ou par une longue durée de traitement. De plus, l’augmentation de la température affecte aussi le traitement, puisqu’elle conduit à une accélération de la réaction chimique, diminuant ainsi la durée de traitement pour des conditions de température ambiante.

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Plusieurs recherches récentes avaient pour objectif de déterminer la concentration et la durée idéales de traitement NaOH pour les fibres végétales. Nous constatons que les paramètres optimaux dépendent du type de fibres. K.J. Vishnu et al. [79] ont remarqué qu’une concentration de 15% est optimale pour avoir des bonnes performances des fibres et de composite de bananier. Dans la même lignée, P. Krishnaiah et al. [74] ont constaté que la meilleure concentration de NaOH pour traiter les fibres de sisal est de 7%. D’autre part, Do Thi Vi Vi [3] a estimé que la durée de 3 jours est optimale pour les fibres de bambou pour une concentration de 1% de NaOH. En outre, les recherches de T. Motaung al. [73] ont avéré que traiter les fibres de sisal et agave respectivement 3 et 5 fois avec une solution de NaOH à 2% pendant une heure est l’idéal pour leur utilisation dans le composite.

I.3.1.2. Traitements par agents de couplage

Cette méthode consiste à créer un pont de liaisons chimiques, entre les fibres et la matrice polymère, en utilisant des composants chimiques qui contiennent deux extrémités réactives, l’une réagit avec la fibre hydrophile, tandis que l’autre réagit avec la matrice hydrophobe. Cette co-réactivité assure une continuité moléculaire à travers l'interface du composite, permettant ainsi d’améliorer l’adhérence et les propriétés de composites.

Le traitement au silane est parmi les plus répandu de cette catégorie. En effet, le silane est une molécule multifonctionnelle [31] qui se compose d’un atome de silicium lié à différents groupes fonctionnels. Une extrémité de cette molécule contient des groupes alcoxyles qui peuvent réagir par la suite avec la fibre naturelle, tandis que l’autre extrémité comprend des groupes fonctionnels organiques (tels que l’amino, le vinyle, le méthacryl, le mercapto, le glycidoxy, le chlore, l’azide et l’alkyle) pouvant réagir à leur tour avec la matrice polymère [81]. Un agent de couplage générique pourrait être représenté par la formule chimique suivante [81]:

R(4-n)-Si-(R’X)n Eq. A.I. 1 Où R est un groupe alcoxyle, X représente un groupe fonctionnel organique et R’ est un pont alkyle reliant l'atome de silicium et le groupe fonctionnel.

Ce traitement consiste habituellement à tremper les fibres dans une solution d’un silane dilué dans un mélange eau / alcool [82]. En présence d'eau, les groupes alkoxydes se remplacent par les groupes -OH produisant du silanol et de l'alcool (Hydrolyse), (Figure A.I. 8.a). Par la suite, quelques groupes silanols peuvent se condenser en formant des liaisons siloxanes (Figure A.I.

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8.b). Les silanols libres et condensés réagissent après avec les groupes -OH présents dans les parois cellulaires des fibres naturelles formant des liaisons covalentes stables (Figure A.I. 8.c et d) [71]. Les groupes fonctionnels organiques quant à eux, réagissent ultérieurement avec la matrice polymère.

Le choix du type de silane dépend généralement de la matrice utilisée. A titre d’exemple, les groupes fonctionnels organiques aminos peuvent réagir avec l’époxy et le polyéthylène alors que les vinyles réagissent avec le polyéthylène et le Polypropylène [81]. En ce sens, Z. Huanget al. [75] ont constaté que les composites de polyester et fibres de sisal traitées au 3-methacryloxypropyltrimethoxysilane (kH-570) présentent une meilleure résistance à la traction par-rapport aux composites de sisal traitées au 3-aminopropyltriethoxysilane (kH-550).

Figure A.I. 8 : Ensemble des réactions pendant le traitement au silane [81].

D’autre part, ce type de traitement produit une surface de fibres couverte par des groupes fonctionnels organiques donnant une surface plus propre que celle des fibres brutes. Dans ce cadre, M. Asim et al. [70] ont remarqué pendant leurs travaux, une absence partielle de lignine et complète de l'hémicellulose de la surface des fibres après le traitement au silane avec la présence des molécules de ce dernier (Figure A.I. 7.c). La même observation est soulevée par Z. Huang et al. [75]. En outre, M. Asim et al. [70] ont constaté que le traitement au silane réduit aussi la section des fibres naturelles, même davantage qu’un traitement NaOH ou un traitement

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combiné NaOH/silane. De plus, ce revêtement empêche l'infiltration d'eau de manière efficace en réduisant l’absorption d’eau des composites [75].

Par ailleurs, le traitement au silane améliore aussi la résistance à la traction des fibres végétales et fournit des meilleures propriétés mécaniques au composite. Un traitement au silane à 2% a permis d’améliorer la résistance à la traction des fibres des feuilles d’ananas et Kénaf respectivement de 116 et 95% de plus que les fibres non traitées ;davantage qu’un traitement NaOH à 6% et du traitement combiné NaOH-silane [70]. De plus, ce traitement améliore la liaison fibres-matrice, qui conduis à une meilleure résistance et stabilité thermique au composite, ce qui est avéré dans plusieurs travaux scientifiques [83], [70],[75],[18],[80]. Il confère également aux fibres naturelles des propriétés hydrophiles à l'interface, ce qui améliore la résistance à l’absorption d’humidité [17].

I.3.1.3. Traitements de Revêtement

Le revêtement a pour objet de rendre les fibres plus hydrophobes pour une meilleure compatibilité avec les matrices polymériques des composites. Il consiste à couvrir les groupes hydroxyles de fibres qui ont un caractère hydrophile par des molécules qui ont un caractère hydrophobe.

L'acétylation est l’un des traitements le plus connu de cette catégorie. C’est une méthode connue d'estérification qui consiste à introduire les groupes fonctionnels acétyles (-CO-CH3) dans la surface des fibres. Cela s’effectue par la substitution des atomes hydrogènes des groupes hydroxyles libres par ces groupes fonctionnels acétyles formant des groupes acétoxys (–O–CO–CH3). En conséquence, la nature hydrophile de la fibre est diminuée et améliore la stabilité dimensionnelle des composites [31]. De plus, ce traitement fournit une topographie de surface rugueuse avec un nombre de vides plus faible qui permet un meilleur accrochage mécanique avec la matrice [31]. Bledzki et al. [84] ont constaté que le taux d'absorption d'humidité des fibres de lin a diminué proportionnellement avec l'augmentation du degré d’acétylation de ces fibres. La même constatation a été tirée par d’autre chercheurs [29].

I.3.1.4. Traitement combiné

Chimiquement, cette méthode consiste à combiner un traitement de dissolution avec un traitement de revêtement ou de couplage. Le premier a pour but d’éliminer les composants non-cellulosiques et de révéler les groupes réactifs afin que les molécules du deuxième traitement puissent réagir intensivement avec la fibre ; ce qui améliore la compatibilité entre les fibres et la matrice.

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J. Mukaida et al. [85] ont constaté des améliorations pour les composites (chanvre/polyamide 1010) des fibres traitées avec les alcalins et le silane en comparaison des composites des fibres traitées seulement avec les alcalins. D’autre part, Y. Nishitani et al. [18] ont étudié l’effet des traitements combinés NaOH/silane sur le même type de composite (chanvre/polyamide 1010) en utilisant trois types de silane qui ont des groupes fonctionnels organiques différents (aminosilane, époxysilane, uréidosilane). Il a été constaté que les composites des fibres traitées avec l’uréidosilane ont donné de meilleures améliorations en termes de performances mécaniques en comparant avec les composites des fibres non traitées, tandis que les composites des fibres traitées avec l’époxysilane ont fourni des propriétés mécaniques similaires.

Cependant, l’efficacité de ce type de traitement n’est pas souvent apportée, en particulier pour une comparaison à l’échelle de la fibre. M. Asim et al. [70] ont étudié l’effet des traitements alcalin à 6%, silane à 2% et combiné avec ces deux traitements sur les fibres de kénaf et PALF. Ils en ont déduit que le traitement combiné a donné la résistance à la traction la plus faible aux fibres comparées aux autres traitements.

Méthodes physiques

Les traitements physiques sont des traitements qui modifient principalement les propriétés structurelles et interfaciales des fibres végétales sans modifier considérablement leur composition chimique [86].

Parmi ces traitements, ceux qui s’intéressent à changer l’énergie de la surface des fibres tels que les traitements Corona [87]–[89] et Plasma [90]–[92]et d’autres qui visent à procurer aux fibres végétales une stabilité structurelle comme le traitement thermique [93]–[95]. Par l’effet de la température, ce dernier permet un réarrangement de la structure cellulosique avec moins d’accessibilité aux groupes -OH, apportant à la fibre une amélioration de ses propriétés mécaniques et hygrothermiques.

Ragoubi et al. [87] ont constaté une amélioration de la résistance à la traction et le module de Young des composites Chanvre/PP, respectivement, de 32% et 13% après un traitement par Corona. D’autre part, Pizzi et al. [88] ont montré que des durées de 10 min et 15 min de traitement par Corona sont suffisantes pour attendre les propriétés mécaniques optimales, respectivement, en flexion et en traction des composites de Lin / tannin mimosa-hexamine. En outre, Graupner et al. [91] ont attesté que le traitement par plasma des fibres de Lyocell entraîne une amélioration des interactions fibre/matrice. De plus, A l’échelle de la fibre, le traitement a entraîné une légère augmentation du module de Young. De son côté, Ariawan et al. [94] ont

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constaté qu’un traitement thermique des fibres de Kénaf à 140°C pendant 10h a permis d'améliorer la résistance à la traction des fibres et des composites Kénaf/ polyester insaturé. Par ailleurs, les traitements physiques se montrent respectueux de l’environnement mais très coûteux par-rapport aux traitements chimiques qui affichent l’opposé. Liu et al. [96] ont évalué la possibilité d’industrialisation des différentes techniques de traitement des fibres végétales en se basant sur des facteurs environnementaux et économiques. Les résultats ont révélé que les traitements chimiques sont beaucoup mieux classés que les traitements physiques.