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Traitements du sepsis : passé, présent, futur 64

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a. Traitements symptomatiques : recommandations actuelles

Les recommandations internationales actuelles pour la prise en charge du sepsis sont définies dans le Surviving Sepsis Campaing publié récemment en 2017. La première recommandation consiste à conforter le diagnostic de sepsis par identification microbienne avant de débuter une antibiothérapie chez le patient. Lorsque l’infection bactérienne est confirmée une antibiothérapie adaptée doit être débutée le plus rapidement possible. Un remplissage vasculaire doit également être établi pour stabiliser l’état hémodynamique du patient. Lorsqu’un support par substances vasoactives doit être mis en place, la noradrénaline est recommandée en première intention. Au début des années 2000, de nombreuses études cliniques ont montré l’intérêt d’utiliser une thérapie symptomatique précoce avec un monitorage précis dans les 6 premières heures d’hospitalisation pour un sepsis. 277,278.

Cependant, très récemment, d’autres essais cliniques portant sur ces mêmes thérapies précoces dites symptomatiques ont montré l’absence d’effets bénéfiques en termes de co-morbidités et de mortalité

279–281. Ces résultats renforcent la difficulté de prise en charge des patients septiques et motivent la

communauté scientifique dans la découverte d’axes thérapeutiques nouveaux voire de thérapie dite personnalisée.

Ainsi, malgré la mise en place de nombreux traitements symptomatiques, la mise au point de thérapie axée sur la physiopathologie constitue un axe de recherche expérimental et clinique majeur. Un état de l’art des traitements étiologiques établis en expérimentation animale et en essais cliniques sera discuté dans le paragraphe suivant.

- 65 - b. Traitements étiologiques : de l’expérimentation animale aux essais cliniques

i. Nombreux essais cliniques

De nombreux essais cliniques ont vu le jour dans les années 90 après plusieurs études expérimentales réussies. Nous détaillerons dans ce paragraphe certains de ces essais ainsi que les limites de leur réussite.

Dans une étude de 1984, Kirkland et al. démontrent que l’utilisation du HA-1A, anticorps monoclonal humain dirigé contre le domaine lipidique de l’endotoxine, présente une efficacité par diminution de la mortalité chez des animaux atteints d’endotoxémie 282. Une étude clinique

randomisée publiée en 1991 et utilisant le même anticorps HA-1A montre à son tour une amélioration de la survie chez des patients avec une infection bactérienne à Gram - 283. Cependant, les études

cliniques randomisées suivantes, menées cette fois en double aveugle et avec le même anticorps, ne démontrent aucun bénéfice en terme de mortalité chez les patients atteints d’une infection à Gram - ou d’un choc septique 284 rendant impossible la commercialisation de l’anticorps HA-1A par l’US Food

and Drug Administration. Dans les années 90, à la suite de ces études infructueuses portant sur les

anticorps anti-endotoxine, des essais cliniques randomisés ont été menés concernant des molécules anti-cytokines. De nombreux essais cliniques randomisés ont porté sur l’étude des anti-TNF-α. Les deux approches mises en place, l’utilisation d’une protéine de fusion recombinante capable de se lier et de neutraliser le TNF-α et l’utilisation d’un anticorps monoclonal dirigé contre le TNF-α ne montrent pas de diminution significative de la mortalité chez les patients en choc septique en comparaison aux patients traités avec un placebo 285,286. En parallèle, des études portant sur les anti-IL-1 ont montré des

résultats tout aussi décevants, avec une survie non améliorée chez les patients en choc septique traités à l’Anakinra, antagoniste du récepteur à l’IL-1 humaine recombinante (rhIL-1ra) 287.

Les causes d’échecs des essais cliniques basés sur l’utilisation de molécules dirigées contre les cytokines sont nombreuses. On peut notamment mettre en avant le fait que les anticorps bloquant les cytokines circulantes sont souvent administrés tardivement par rapport au pic de cytokines plasmatiques. On peut aussi souligner que le blocage d’une cytokine ne peut pas contrôler l’ensemble de la cascade cytokinique. Enfin, le processus inflammatoire se compose de phases anti- et pro- inflammatoires évolutives rendant le principe de cette prise en charge très complexe en l’absence de moyens simples d’identification du processus inflammatoire au lit du patient et prédisposant les patients septiques au développement d’infections nosocomiales 288.

Dans les années 2000, des essais cliniques portant sur d’autres voies moléculaires que l’inflammation ont été mis en place 289. Les antagonistes du récepteur du facteur activateur des

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plaquettes ont montré soit de faibles effets sur la survie ne permettant pas de conclure sur le bénéfice de ces traitements (pour l’antagoniste BN 52021) 290, soit aucun avantage sur la survie, le statut

hémodynamique, la fonction respiratoire ou le score de dysfonction d’organes (pour l’antagoniste BB- 882) 291. L’Eritoran, antagoniste du TLR4, utilisé dans l’essai clinique ACCESS de phase III n’a montré

aucune amélioration de la survie à 28 jours et à 1 an chez les patients en sepsis sévère ou choc septique

292. Le Tifacogin, inhibiteur de la voie du TF humain utilisé dans l’essai clinique OPTIMIST sur des

patients en sepsis sévère ou atteints de pneumonie sévère, n’a montré aucun effet bénéfique sur la survie étant même associé à une augmentation des risques d’hémorragies 293,294. Nous pouvons aussi

citer les essais cliniques portant sur l’antithrombine III 295, le 546C88 isoforme non sélectif inhibiteur

de NOS 296, l’héparine non fractionnée 297, tous n’ayant montré aucun effet bénéfique, sans

amélioration significative de la survie chez les patients traités.

Plus récemment, les essais cliniques ont porté sur le XIGRIS®, drotrécogine alpha activée, un analogue recombinant de la protéine C activée. Commercialisé en 2002 et utilisé en milieu hospitalier uniquement, il est retiré du marché quelques années plus tard pour cause d’inefficacité démontrée dans d’autres essais (PROWESS-SHOCK) 298.

Deux cibles thérapeutiques prometteuses que sont l’endothélium et les médiateurs moléculaires tardifs de l’inflammation seront mises à l’étude en clinique 299. Concernant la cible

endothéliale, les molécules telles que l’angiopoïétine 1 et le Stabilizes VE-cadherin at tight junctions (Slit2N) sont responsables toutes deux de l’altération de la perméabilité endothéliale par destruction des jonctions serrées dans les modèles murins de sepsis 300. De même, une autre cible envisagée est le

glycocalyx, qui comme nous l’avons vu, joue un rôle essentiel dans la perméabilité endothéliale. De nombreuses études expérimentales très récentes montrent que le glycocalyx présente de nombreuses altérations et que ceci contribue à l’augmentation de la mortalité chez les animaux septiques. L’administration de traitements pharmacologiques permet de restaurer l’intégrité du glycocalyx et ainsi de réduire la perméabilité vasculaire améliorant le pronostic vital des animaux 301,302. Concernant

les médiateurs moléculaires tardifs de l’inflammation, les histones permettant la condensation de l’ADN dans le noyau eucaryote, ont été décrites comme étant impliquées dans la dysfonction cardiovasculaire. En effet, Esmon et al. montrent que les histones H3 et H4 constituent des médiateurs tardifs de la dysfonction endothéliale induite par le sepsis en majorant l’altération cellulaire, l’inflammation et l’apoptose. L’administration d’un anticorps monoclonal dirigé contre ces histones favorise l’amélioration de la survie dans des modèles de sepsis expérimentaux 303. Une autre protéine,

la HMGB1, chaperonne de l’ADN participe également à l’altération de la fonction de barrière endothéliale dans le sepsis en majorant le processus inflammatoire. Un anticorps monoclonal dirigé

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contre cette protéine permet une augmentation de la survie dans des modèles expérimentaux. L’ensemble de ces essais expérimentaux devrait voir le jour en pathologie humaine.

ii. Echec des essais cliniques

La cause des échecs des différents essais cliniques repose notamment sur le fait que les études expérimentales, réalisées au préalable sur des animaux, s’éloignent de la réalité clinique. En effet, les modèles animaux de choc septique utilisés sont dans la plupart des cas, des modèles de choc endotoxinique induit par une injection unique de LPS ou des modèles de bactériémie induite par inoculation unique d’une souche bactérienne. Ces modèles se caractérisent par un pic d’inflammation aiguë appelé orage cytokinique et survenant 4 heures après l’injection, suivi d’une atténuation du processus inflammatoire avec décroissance progressive des lymphocytes activés, des cytokines pro- inflammatoires et des chimiokines 304. Au contraire, le modèle de CLP reste à ce jour le gold-standard

en matière de sepsis puisque à l’origine d’une infection microbienne avec persistance et aggravation du processus inflammatoire dans le temps. Cependant, nous pouvons noter que la péritonite n’est pas le type d’infection le plus commun responsable du sepsis en clinique et les autres modèles expérimentaux sont nécessaires à la compréhension des mécanismes physiopathologiques. Il est aussi important de souligner que les études expérimentales ne prennent pas en compte le facteur âge ainsi que l’ensemble des co-morbidités rencontrées en clinique. Les animaux sont en règle générale utilisés à l’âge adulte et sans facteurs de risque aggravants alors que la pathologie septique implique plus généralement des patients âgés ou très jeunes présentant des co-morbidités 305. Enfin, dans la plupart

des cas, les antibiotiques, les remplissages vasculaires, les catécholamines et les assistances ventilatoires mécaniques ne sont pas utilisés et rendent la transversalité des études expérimentales vers les essais cliniques très difficile.

La revue de l’ensemble des essais cliniques par traitements pharmacologiques axés sur le contrôle du processus inflammatoire rend compte de la complexité de la pathologie et sans aucun doute de l’ensemble des co-facteurs devant être pris en compte dans une réflexion thérapeutique. C’est dans ce contexte que l’impact du contrôle métabolique notamment glucidique a été développé.

7. Impact du contrôle de la glycémie dans le sepsis : études cliniques,

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