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Physiopathologie de l’insulino-résistance et de l’hyperglycémie dans le sepsis 54

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majeures en réponse au processus inflammatoire et apparaissent comme des facteurs indépendants de morbi-mortalité au cours du sepsis. Les mécanismes responsables de l’apparition de ces troubles métaboliques sont nombreux et leurs conséquences sont délétères. Le paragraphe suivant discutera de l’ensemble des mécanismes à l’origine des troubles métaboliques et des conséquences de ces dysfonctions sur l’organisme.

a. Hormones de contre-régulation

La phase aiguë de réponse au sepsis se caractérise par la production en excès d’hormones de stress tels que les glucocorticoïdes, les catécholamines, le glucagon, la vasopressine et l’hormone de croissance (GH) impliqués dans la diminution de la sensibilité à l’insuline rencontrée lors du sepsis

208,209. Cette production d’hormones de contre-régulation est responsable de l’augmentation de

l’oxygénation tissulaire, de la stimulation de la néoglucogenèse hépatique, de l’augmentation de la synthèse et de la libération de substrats énergétiques tels que le glucose, les AGL, les acides aminés (AA) et l’ATP conduisant au phénomène d’IR 210,211. Cette production en excès s’explique notamment

par l’augmentation du tonus sympathique entraînant une augmentation des taux de catécholamines circulantes. Ainsi, les catécholamines stimulent directement la glycogénolyse, la néoglucogenèse et via un mécanisme β-adrénergique, favorisent la sécrétion de glucagon entraînant l’augmentation des taux circulants d’AGL qui diminuent la capture du glucose (via le cycle de Randle) 196. Les glucocorticoïdes

activent aussi des enzymes clés de la néoglucogenèse, participent à la libération d’AA formant du glucose par néoglucogenèse et diminuent le nombre de récepteurs à l’insuline présents à la surface membranaire 212.

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Plusieurs études portant sur des patients admis en service de réanimation démontrent une corrélation positive entre taux de cortisol élevé et mortalité 213,214. De même, l’étude de Agwunobi et

al. montrent que lors d’un clamp euglycémique-hyperinsulinémique, l’administration de LPS à des

volontaires sains entraîne une élévation des taux d’insuline plasmatique s’accompagnant d’une augmentation significative du cortisol, du glucagon, de la GH plasmatique, ainsi qu’une augmentation des taux de TNF-α et d’IL-6 215. Concernant le rôle des hormones de contre-régulation sur

l’inflammation, il est décrit pour la première fois en 1904 que l’augmentation des catécholamines permet une modulation immunitaire avec augmentation des lymphocytes, puis augmentation des neutrophiles. Puis d’autres études mettent en avant l’augmentation des Natural Killer et des lymphocytes CD8+ avec un changement modéré des cellules B et des lymphocytes CD4+ 216,217. Ainsi,

l’on comprend que le système immunitaire et l’inflammation jouent aussi un rôle essentiel dans l’apparition de troubles métaboliques lors du sepsis.

b. Inflammation

La réponse inflammatoire possède un rôle primordial dans l’apparition des anomalies métaboliques lors du sepsis avec la contribution des cytokines pro-inflammatoires et chimiokines démontrée dans de nombreuses études. Les cytokines pro-inflammatoires telles que TNF-α, IL-6 et IL- 1β entraînent des modifications dans la voie de signalisation dépendante de l’insuline. Ces cytokines sont à l’origine d’une diminution de l’activité des récepteurs insuliniques, une inhibition de l’autophosphorylation de l’IRS-1 et une augmentation des phosphorylations inhibitrices sur le résidu sérine d’IRS-1 limitant la fixation de l’insuline sur son récepteur. La conséquence de l’ensemble de ces modifications est une modulation de l'interaction entre IRS-1 et PI3K induisant une réduction de la phosphorylation d’Akt 218. Il en résulte un défaut d’absorption du glucose dans les territoires dits

insulino-dépendants (cœur, muscles, foie) par une diminution de la translocation membranaire des GLUT-4, principal transporteur du glucose dans ces territoires, majorant le phénomène de l’IR.

Parallèlement à l’action propre des cytokines pro-inflammatoires sur la voie de signalisation de l’insuline, les cytokines peuvent entraîner l’augmentation de l'activité des voies de signalisation dépendantes de c-jun NH2-terminal kinases (JNK), de IKKβ/NF-κB et des MAPK (p42MAPK et p44MAPK) 219– 222. En résulte une activation de la phosphorylation sérine inhibitrice de IRS-1 et une inhibition de la

phosphorylation tyrosine d’IRS-1, réduisant ainsi l'activité de PI3K/Akt et majorant le phénomène d’IR

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Figure 18 : Régulation d’IRS-1 par les cytokines pro-inflammatoires.

Les cytokines elles-mêmes ainsi que les voies JNK, IKKβ/NF-κB et MAPK en aval entraînent une diminution de l’activité des récepteurs insuliniques, une inhibition de l’autophosphorylation de l’IRS-1 et une augmentation des phosphorylations inhibitrices sur le résidu sérine d’IRS-1 limitant la fixation de l’insuline sur son récepteur et réduisant l'activité de PI3K/Akt avec défaut d’absorption du glucose par diminution de la translocation membranaire des GLUTs-4.

Enfin, l’étude de Deutschman et al. montre que la production d’AGL en excès via les hormones de contre-régulation, permet l’activation des cytokines pro-inflammatoires responsable d’une diminution de l’AMPK aboutissant, comme nous l’avons vu précédemment, à une inhibition de la glycolyse et de l’exocytose des GLUTs-4 224.

c. Monoxyde d’azote

L’implication de la voie de synthèse du NO dans le sepsis et sur ses conséquences métaboliques que sont l’hyperglycémie et l’IR est clairement démontrée. Le rôle de NOSi dans l’induction d’une IR par injection de LPS chez des rats est établi 218. De même, l’inhibition de la sécrétion de l’insuline par

l’IL-1β met en jeu la formation du NO sur des cellules β-pancréatiques en culture 225. De plus, l’étude

de Bédard et al. montre que l’incubation de LPS et de cytokines (TNF-α et IFN-γ) sur des cellules musculaires squelettiques L6 en culture entraînent une augmentation de la production de NO via la

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NOSi associée à une diminution de la sensibilité à l’insuline et à une diminution de l’expression de GLUT-4. L’IR et la production de NO sont corrigées en présence de N-nitro-L-arginine méthylester (L- NAME), inhibiteur des NOS 226.

Les mécanismes physiopathologiques à l’origine de l’hyperglycémie et l’IR dans le sepsis étant liés de manière étroite, nous pouvons noter que l’injection de LPS induit une production de NADPH oxydase et de NOSi à l’origine de la production d’ERO responsables du stress oxydant et qu’inversement, les ERO régulent l’expression de NOSi par activation de la voie NF-κB 227.

d. Stress oxydant

Il est clairement établi que les ERO activent les voies JNK, IKKβ/NF-κB et MAPK impliquées dans la survenue du phénomène d’IR, d’une part en activant les phosphorylations inhibitrices sur le résidu sérine d’IRS-1 et en inhibant les phosphorylations activatrices sur le résidu tyrosine et d’autre part en stimulant la production de cytokines pro-inflammatoires 228. Il a été montré que la présence d’H

2O2 in

vitro sur des cellules musculaires stimule l’activité de la voie JNK et p38MAPK entraînant une inhibition

du transport du glucose induit par la voie de l’insuline. La présence d’un inhibiteur de p38MAPK réverse

ce défaut de signalisation insulinique 229. Il est nécessaire de souligner que si les ERO favorisent

l’apparition d’une IR, l’hyperglycémie et l’IR peuvent à leur tour favoriser la production d’ERO rendant le phénomène complexe. En effet, sur des adipocytes exposés à une hyperglycémie in vitro et in vivo, des changements transcriptionnels sont mis en place avec une sur-expression des protéines mitochondriales, une induction de la production d’ERO et une production de cytokines pro- inflammatoires 230. De même, des souris diabétiques hyperglycémiques db/db présentent des taux

d’ERO significativement plus élevés que les souris contrôles littermate avec une majoration de l’activité de la voie JNK 231. Enfin, une étude clinique a montré qu’un déséquilibre de la balance superoxyde

dismutase/catalase entraîne une élévation du stress oxydant associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité dans le sepsis 232.

e. Stress du réticulum endoplasmique

Comme nous l’avons discuté dans le chapitre I, l’augmentation du SRE et l’activation de l’UPR sont présentes dans de nombreuses pathologies humaines notamment le sepsis, les troubles métaboliques et le diabète 233. En effet, de nombreuses études in vivo montrent que les souris avec

une délétion génétique ou un régime aboutissant à une obésité présentent une élévation considérable du SRE avec une élévation de la phosphorylation de PERK et IRE1α 234. L’activation de l’UPR chez les

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JNK via la voie IRE1α entraînant une augmentation de la phosphorylation inhibitrice sur le résidu sérine de IRS-1 235,236. Les souris avec une délétion de la sous-unité p85α de PI3K dans le foie présentent une

réponse UPR atténuée après l’administration de tunicamycine (inducteur du SRE), entraînant une augmentation de la réponse inflammatoire. Ainsi p85 forme un lien entre la voie PI3K, centrale dans la réponse à l’insuline, et la régulation du SRE, état qui conduit à l’IR lorsqu’il n’est pas résolu 235. Les

souris traitées avec des molécules chimiques permettant de surexprimer les protéines chaperonnes (et ainsi limiter le SRE) présentent une amélioration de la résistance à l’insuline induite par l’obésité ainsi que du métabolisme glucidique dans un modèle de DT2 237,238.

Ainsi, l’on comprend que le SRE est impliqué dans la voie de signalisation de l’insuline et dans le métabolisme glucidique en général témoignant de la complexité de la pathologie septique associant augmentation du SRE et troubles IR.

Après revue des mécanismes responsables de l’apparition de ces troubles métaboliques dans la pathologie septique, il est important d’insister sur le phénomène d’auto-entretien de ces systèmes délétères dans le sepsis. En effet, pour exemple, la sécrétion d’hormones de contre-régulation comme les catécholamines participant à l’apparition de l’IR favorise également la production de cytokines pro- inflammatoires ; le stress oxydant, comme nous l’avons vu, active les voies de signalisation JNK et IKKβ mais l’hyperglycémie entraîne elle-même la production de stress oxydant ; le SRE favorise l’IR mais l’IR entretient également le SRE. Ainsi, un véritable cercle vicieux est mis en place et bien que le RI ne soit plus capable de transmettre le signal insulinique via les mécanismes détaillés dans cette partie, le glucose est tout de même produit en excès et va donc emprunter d’autres voies métaboliques parallèles à la glycolyse responsables de la glucotoxicité.

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