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Hyperglycémie et glucotoxicité 58

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Dans ce paragraphe, nous discuterons des mécanismes mis en jeu lors du phénomène de glucotoxicité en expliquant le rôle fondamental de la mitochondrie et en détaillant l’ensemble des voies métaboliques impliquées permettant de comprendre l’importance du phénomène d’hyperglycémie dans le cadre de la pathologie septique 239.

a. Implication de la mitochondrie, dysfonction mitochondriale et stress oxydant La mitochondrie joue un rôle essentiel dans le métabolisme glucidique permettant comme nous l’avons discuté précédemment, de produire l’ATP nécessaire au fonctionnement de l’organisme. Aussi, plusieurs équipes démontrent que la mitochondrie est capable de produire du NO de manière

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autonome via la NOS mitochondriale (NOSmt) ; la production de NO est Ca2+-dépendante, a lieu

principalement dans le cœur et le foie et possède peu d’effets dans les conditions physiologiques mais peut s’avérer délétère dans les conditions d’un sepsis conduisant à une dysfonction mitochondriale

240–244. Dans une étude sur des patients admis en service de réanimation pour un sepsis, des biopsies

de muscles squelettiques sont réalisées. Les analyses montrent une diminution significative de la concentration en ATP dans le muscle squelettique chez les patients avec un pronostic défavorable associée à une augmentation de la production de NO et à une diminution de l’activité du complexe I de la chaine respiratoire mitochondriale. Cette étude démontre un lien de corrélation entre la dysfonction mitochondriale, associée à une déplétion en ATP et une production de NO accrue, et la sévérité du sepsis 245. Lors d’une hyperglycémie, le processus de glycolyse ainsi que la β-oxydation sont

fortement mis en jeu aboutissant à la formation d’espèces réduites en excès tel que le NADH, responsable via l’activation du complexe I de la chaine respiratoire mitochondriale, d’une surproduction d’électrons et d’une surproduction d’ions superoxydes O2-. Cette production d’O2- en

excès est responsable de l’activation de l’enzyme poly (ADP-ribose) polymérase (PARP) physiologiquement inactive dans le noyau et dont le rôle principal est la réparation de l’ADN simple brin 246. Plusieurs études ont montré le rôle de PARP dans les dysfonctions cardiaque et endothéliale

présentes lors du sepsis et les effets bénéfiques de son inhibition 247,248. Cependant, l’activation de la

PARP entraîne également une inhibition de la glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase (GADPH) responsable de l’activation des 4 voies métaboliques de la glucotoxicité 249 (figure 19). Ainsi, l’on

comprend l’importance de PARP dans la physiopathologie du choc septique aussi bien dans son rôle délétère sur la fonction cardiovasculaire mais aussi son impact sur les conséquences métaboliques mises en jeu.

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Figure 19 : Voies de la glucotoxicité.

L’hyperglycémie entraîne la formation d’ERO via la glycolyse et la β-oxydation. Cette production en excès d’ERO est responsable de l’activation de l’enzyme poly (ADP-ribose) polymérase (PARP). L’activation de la PARP entraîne à son tour l’inhibition de la glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase (GADPH) responsable de l’activation des 4 voies métaboliques de la glucotoxicité que sont les voies des PKC, des polyols, des hexosamines et des AGE. Figure adaptée de Brownlee, Diabetes, 2005 239.

b. Voies métaboliques impliquées dans la glucotoxicité

Les voies métaboliques impliquées dans la glucotoxicité ont été largement décrites dans la littérature notamment dans le cadre du DT2. En effet, ces voies sont à l’origine des conséquences délétères bien connues du DT2 que sont les néphropathies, neuropathies, rétinopathies et maladies cardiovasculaires. Le but de ce paragraphe sera donc de détailler l’ensemble de ces voies et de comprendre leur rôle dans la pathologie du sepsis associant, comme le DT2, des troubles métaboliques.

i. Voie des protéines kinase C (PKC)

L’implication de la voie des PKC dans les phénomènes d’hyperglycémie et de glucotoxicité est discutée pour la première fois dans les années 80. Il est clairement établi que l’hyperglycémie entraîne une augmentation de la production de DAG entraînant l’activation des PKC β et δ. L’activation de cette voie est responsable de nombreux phénomènes délétères pour l’organisme, citons notamment l’augmentation de la NADPH oxydase entraînant une surproduction d’ERO, une augmentation du VEGF entraînant un accroissement de la perméabilité vasculaire, une augmentation du NF-κB entraînant une expression des gènes pro-inflammatoires et une diminution de la NOSe responsable d’une dysfonction

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endothéliale 239. Des études ont démontré l’implication de la voie PKC dans la pathologie septique. La

voie PKC joue un rôle dans la réorganisation du cytosquelette des cellules endothéliales entraînant une perte de l’intégrité de la barrière endothéliale aboutissant à une dysfonction endothéliale notamment dans le cadre du sepsis 250. La voie PKC favorise les troubles d’agrégation plaquettaire induits par

l’injection de LPS chez le rat 251. Enfin, il est clairement établi que l’activation de la voie PKC favorise,

via la voie NF-κB, l’expression de gènes pro-inflammatoires tels que TNF-α aboutissant à une IR par les

mécanismes détaillés dans le paragraphe 3.b. 252.

ii. Voie des polyols

La voie des polyols implique l’enzyme aldose réductase responsable physiologiquement de la réduction des aldéhydes toxiques en composés alcools inactifs. Lors de l’hyperglycémie, le glucose est réduit par cette enzyme en sorbitol, lui-même oxydé en fructose par le NADPH. Le NADPH, cofacteur essentiel à la production de glutathion réduit, antioxydant intracellulaire, est fortement consommé et un stress oxydant se met en place. Dans la pathologie diabétique, plusieurs études montrent le rôle bénéfique des inhibiteurs d’aldose réductase sur les complications majeures du diabète. Plus récemment, le rôle de ces inhibiteurs d’aldose réductase est discuté pour les complications de la pathologie septique et apparait comme une stratégie thérapeutique potentielle 253,254. En effet, des

études montrent l’implication de l’aldose réductase dans la dysfonction endothéliale induite par le stress oxydant, dans la production de cytokines et dans la signalisation inflammatoire. L’administration de LPS in vitro ou in vivo provoque une activation de la voie NF-κB, une augmentation des cytokines sériques et cardiaques, une dysfonction cardiaque par diminution de la pression dans le ventricule gauche et une dysfonction vasculaire. L’ensemble de ces paramètres est significativement modifié en présence d’un inhibiteur d’aldose réductase 255–257.

iii. Voie des hexosamines

Dans les conditions physiologiques, le glucose via la glycolyse est transformé en fructose-6- phosphate (F6P). Lors d’une hyperglycémie, le F6P est détourné vers une autre voie, la voie des hexosamines. Le F6P est ainsi transformé en Uridine di-phosphate N-acétyl glucosamine (UDPGlcNAc) capable d’agir directement sur les facteurs de transcription et d’entraîner l’expression génique de facteurs pro-inflammatoires tels que le Transforming Growth Factor beta (TGF-β) responsable de l’épaississement des capillaires. D’autres effets sont connus comme l’inhibition de la NOSe ou l’augmentation de la synthèse de leptine 239. Une étude portant sur les effets de la O-glycosylation

(induite par l’hyperglycémie) sur la signalisation insulinique dans les cellules endothéliales d’artères humaines montre que l'hyperglycémie, par la voie de l'hexosamine, empêche l'activation de

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IR/IRS/PI3K/Akt, entraînant la dérégulation de l'activité NOSe 258. Cependant à ce jour, il n’existe pas

d’étude portant sur la voie des hexosamines et ses conséquences dans le sepsis.

iv. Voies des produits avancés de glycation (AGEs)

La glycation représente une réaction biochimique importante et irréversible permettant la fixation d’un sucre à une protéine ou à un peptide, formant ou non une liaison glycosidique. Physiologiquement, la glycation est un processus enzymatique permettant la production de glycoprotéines. Cette réaction concerne notamment les intermédiaires métaboliques de la glycolyse ou de la voie des polyols. Lors d’une hyperglycémie ou plus généralement dans un contexte pathologique, la glycation devient une réaction non enzymatique permettant la production de protéines glyquées. La production intracellulaire des produits avancés de glycation (AGE) se fait donc par transformation successive du glucose en Base de Schiff, Produits d’Amadori et produits intermédiaires de glycation dont l’ensemble des mécanismes est à l’origine de l’apparition d’un stress oxydant important 239. Les AGE sont responsables de nombreux dommages cellulaires : altération des

interactions cellule-matrice entraînant la dysfonction endothéliale et modifications des protéines intracellulaires entraînant une altération de la transcription génique. Les récepteurs aux produits avancés de glycation (RAGE) ont été récemment décrits comme des PRR, jouant un rôle primordial dans l’initiation de la réponse inflammatoire innée mise en place dans la pathogenèse du sepsis 259. En

effet, l’activation du RAGE initie l’activation de la voie NF-κB et de la voie MAPK 260,261. Dans une étude

expérimentale, Lutterloh et al. montrent que des souris septiques après ligature et perforation caecale portant une délétion génétique du récepteur aux AGE (RAGE-/-) présentent un taux de survie à 7 jours

de 80% contre 37% pour les souris RAGE+/+. Dans cette même étude, les auteurs montrent que

l’administration d’anticorps anti-RAGE entraîne une amélioration significative dose-dépendante de la survie chez les souris septiques 262. Enfin, dans des études cliniques, il est montré que le taux d’AGE

tissulaires est corrélé positivement à la mortalité en cas de sepsis et que la concentration du RAGE soluble (sRAGE) est significativement plus élevée dans le plasma des patients atteints de sepsis comparativement aux témoins et que cette concentration est d’autant plus élevée chez les non- survivants. Cette étude montre que la présence de sRAGE est liée à la sévérité du sepsis 263–265.

Les dommages cellulaires et tissulaires induits par l’IR et l’hyperglycémie ont fait l’objet de nombreuses études notamment dans le cadre du diabète. Le cercle vicieux mis en place lors du sepsis avec l’apparition d’une IR via de nombreux mécanismes (inflammation, hormones de contre- régulation, NO…) responsables d’une hyperglycémie et de la glucotoxicité, est à l’origine de nombreuses dysfonctions d’organes observées.

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5. Conséquences de l’altération du métabolisme glucidique sur le système cardio-

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