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Traitements actuels contre les phytopathogènes étudiés

PARTIE I – Recherche bibliographique

A. Champignons et fongicides

3) Traitements actuels contre les phytopathogènes étudiés

Fongicides utilisés couramment contre Botrytis cinerea et Sclerotinia sclerotiorum

Le marché mondial actuel des fongicides visant Botrytis cinerea est de l’ordre de 15 à 25 millions de dollars annuels durant ces dernières années85. Actuellement, les connaissances au sujet des cycles biologiques, de la pathogénicité et de l’épidémiologie de ce champignon sont considérés comme complètes. Botrytis cinerea est un champignon avec un risque de résistance accrue par ses caractéristiques biologiques entraînant une sélection naturelle plus efficace86 (voir 4) Phénomènes de résistance aux produits phytosanitaires, page 37). C’est un champignon présentant une tolérance vis-à-vis des fongicides chlorés à base de nitrobenzène87. Par la suite, il a rapidement développé une résistance aux fongicides systémiques à base de benzimidazole88, puis aux composés de type dicarboxymides30,89 (Tableau 4).

Tableau 4 : Formules chimiques de quelques fongicides connus auxquels Botrytis cinerea est

résistant30,88,89.

Benzimidazoles

Bénomyl Carbendazim Thiophanate-méthyl

Dicarboxymides

Iprodione Procymidone Vinclozolin

Teldor® est un fongicide commercialisé par Bayer® composé majoritairement de fenhexamide, une molécule active de la famille des hydroxyanilides (Tableau 5). Le

Tableau 5 : Noms et formules chimiques des principaux fongicides actuellement utilisés

contre Botrytis cinerea. En rouge, fongicides auxquels des phénomènes de résistance par Botrytis cinerea ont été observés en France. *Fongicides utilisés contre Botrytis cinerea et Sclerotinia sclerotiorum86. Pourcentages massiques.

Nom Formule chimique

Teldor® (Bayer)90 * Cantus® (BASF)91 Scala® (BASF)92 * Botryl Jardin® / Switch® (Syngenta®)93 * Cockpit® / Japica® 94 * Kenja® 95,96 Mevalone® 97

C’est un fongicide spécifique de Botrytis cinerea, mais des phénomènes de résistance ont déjà été observés en France (Tableau 5)29,86 (voir 4) Phénomènes de résistance aux produits phytosanitaires, page 37).

Le Cantus®, fourni par BASF®, est composé de 50 % en volume de boscalide, molécule de la famille des carboxamides, sous-groupe des nicotinamides. Cette molécule, également utilisée contre Sclerotinia sclerotiorum, est active sur une enzyme essentielle de la chaîne respiratoire, la succinate déshydrogénase. L’action de ce fongicide entrave donc le processus respiratoire du champignon ainsi que la production d’énergie sous forme d’ATP. Cette molécule agit également négativement sur la production d’acides aminés, de lipides et d’acides gras essentiels au fonctionnement des champignons. Toutefois, des phénomènes de résistance à ce fongicide existent actuellement en France (Tableau 5)29,91 (voir 4) Phénomènes de résistance aux produits phytosanitaires, page 37).

Le Scala®, provenant lui aussi de BASF®, se compose à 40 % de pyriméthanil, molécule du groupe des anilino-pyrimidines. Utilisé contre toutes les souches de Botrytis, c’est un fongicide de contact dont le mécanisme d’action n’est pas encore entièrement connu. À priori sans effet sur la faune, et particulièrement sur les abeilles, les premières hypothèses suggèrent que la molécule inhiberait la synthèse de la méthionine, un acide aminé essentiel à tout organisme vivant. De plus, la pyriméthanil entraverait la sécrétion d’enzymes nécessaires au prélèvement de nutriments par le champignon92. Pour ce 3ème fongicide aussi, des phénomènes de résistance par Botrytis cinerea existent en France (Tableau 5)29,92.

Botryl®, ou Switch®, est un fongicide composé de fluodioxonil et de cyprodinil. Le cyprodinil est une molécule de la famille des anilino-pyrimidines comme le pyriméthanil contenu dans le Scala®. Le cyprodinil agit également au niveau de la synthèse des acides aminés et inhibe la croissance du mycélium. Le fluodioxonil est un phénylpyrrole, il inhibe la croissance des spores et du mycélium, ainsi que la pénétration du champignon dans la plante. Ce fongicide n’est pas toxique pour les insectes. Il est utilisé principalement contre Botrytis cinerea, mais aussi contre Sclerotinia sclerotiorum (Tableau 5)29,93,98.

La molécule mépanipyrime, commercialisée sous le nom de Cockpit® ou Japica®, est également un fongicide de la famille des anilino-pyrimidines. Utilisé contre Botrytis cinerea et Sclerotinia sclerotiorum, son mode d’action est identique à Botryl®, Switch® ou Scala® (Tableau 5)24,99.

Kenja® est principalement composé d’isofetamid, une molécule de la famille des amides de thiophène. Utilisé contre Botrytis cinerea et Sclerotinia sclerotiorum, il inhibe la succinate déshydrogénase comme Cantus®, bien qu’il émerge d’une nouvelle classe de composés chimiques (Tableau 5)95,96.

Enfin, un produit de biocontrôle récent, le Mévalone®, est composé de trois terpènes volatiles et naturels, le géraniol, le thymol et l’eugénol. Ces trois molécules sont encapsulées dans des cellules de levures afin de les stabiliser. La paroi cellulaire des levures libère

En ce qui concerne Sclerotinia sclerotiorum, le produit de biocontrôle le plus utilisé n’est pas de nature chimique, mais de nature fongique également. En effet, Contans®

WG, commercialisé par Bayer, est une préparation phytosanitaire composée de spores d’un champignon, Coniothyrium minitans, lui-même parasite de Sclerotinia sclerotiorum. Ce produit est donc autorisé en agriculture biologique. Il fonctionne par inhibation de la croissance mycélienne de Sclerotinia sclerotiorum, ainsi que de la production de spores100–102.

Parmi les traitements chimiques, trois classes sont utilisées contre Sclerotinia sclerotiorum, il s’agit des fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI), de type Boscalide (Tableau 5, page 30, Cantus®), des inhibiteurs de la déméthylation (IDM) et des inhibiteurs externes de la quinone (QoI)103. Toutefois, ils ne sont pas efficaces dans tous les cas. Dans l’exemple du sclérotinia du soja, aucun traitement chimique n’est homologué actuellement.

On peut noter ici que plusieurs fongicides, comme Cantus®, Switch®, Cockpit® et Kenja®, sont utilisés contre Botrytis cinerea et Sclerotinia sclerotiorum (Tableau 5, page 30). Cela est cohérent avec notre hypothèse formulée lors des rapprochements phylogénétiques des champignons. Ces deux espèces appartiennent à la même famille, leurs sensibilités face aux fongicides peuvent donc être similaires dans certains cas.

Classes de fongicides : Cas des SDHI, IDM et QoI

Les inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI) sont des fongicides à large spectre utilisés depuis les années 60 contre divers types de moisissures. Les cultures protégées peuvent être des cultures de céréales, de fruits et de légumes, des semences, mais aussi des pelouses publiques ou des terrains de golf103,104. Leur rôle principal est d’inhiber la succinate déshydrogénase chez les champignons phytopathogènes. La succinate déshydrogénase, appelée aussi complexe de la chaîne respiratoire II ou succinate-coenzyme Q réductase (SQR), est un complexe universel de flavoprotéines essentiel à la chaîne respiratoire. Présente dans les membranes mitochondriales des eucaryotes et la membrane plasmique de certaines bactéries, son rôle est de convertir, par oxydation, le succinate en fumarate, réaction couplée à la réduction de l’ubiquinone en ubiquinol105

. D’un point de vue chimique, les SDHI sont des carboxamides106, il en existe deux types, les cis-crotoanilides et les méthyl-pyrazoles (Tableau 6)107. Les SDHI posent actuellement deux de types de problèmes. Le premier est un problème général de santé publique, tandis que le second est un problème de résistance aux fongicides auprès de Sclerotinia sclerotiorum et Botrytis cinerea108 (voir 4) Phénomènes de résistance aux produits phytosanitaires, page 37). Leur action devrait normalement inhiber seulement les succinate déshydrogénases des champignons. Toutefois, plusieurs études récentes démontrent que les SDHI ne sont pas aussi spécifiques et peuvent agir contre la succinate déshydrogénase des vers de terre et la succinate déshydrogénase humaine, entrainant un réel problème au niveau écologique et pour la santé humaine. En effet, la succinate déshydrogénase étant un complexe universel, la spécificité des SDHI n’est pas garantie. Une perte d’activité de la succinate déshydrogénase provoque une accumulation de

Tableau 6 : Structures chimiques des principaux inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI). En rouge, molécules dont des phénomènes de résistance ont déjà été observés109–113.

Classes de

molécules 1966 1970 1973 1979 1981 1990 2007 2010

De graves maladies neurologiques ainsi que la formation de tumeurs ou de cancers ont été associées aux SDHI chez l’Homme114

. En ce qui concerne les champignons, des phénomènes de résistance apparaissent vis-à-vis des SDHI, particulièrement chez Botrytis cinerea, Sclerotinia sclerotiorum et Alternaria alternata109 (voir 4) Phénomènes de résistance aux produits phytosanitaires, page 37).

Les inhibiteurs de la déméthylation (IDM) représentent 25 % du marché mondial des fongicides, ils agissent en entravant la biosynthèse des membranes cellulaires fongiques. Ils inhibent une enzyme, la 14 α-déméthylase, un cytochrome P450 appelé CYP51. Cette enzyme est nécessaire à la synthèse d’un stérol, l’ergostérol, spécifique aux champignons115,116

. D’un point de vue chimique, ils sont divisés en deux groupes, les triazoles et les imidazoles (Tableau 7).

Tableau 7 : Structures chimiques des principaux IDM115,116.

Les inhibiteurs externes de la quinone (QoI) agissent, comme les SDHI, au niveau de la chaîne respiratoire. Ce sont des inhibiteurs du complexe mitochondrial III, l’ubiquinol-cytochrome c réductase. La majorité d’entre eux sont des strobulines (Tableau 8). Ces fongicides agissent au niveau de la sporulation et de la croissance mycélienne103,113.

Dans le cas de Fusarium solani, le champignon est présent dans les sols et attaque les plantes par la racine. La stratégie de lutte mise en place est donc une désinfection des sols. Parmi les traitements actuels, Mycostop® est un fongicide biologique constitué de bactéries, des Streptomyces. Ces bactéries sécrètent des enzymes qui dégradent les parois cellulaires du champignon117. Un second fongicide biologique est Rootshield®, composé d’un champignon bénéfique, le Trichoderma harzianum118. Nous constatons un manque de moyens chimiques efficaces pour lutter contre ce champignon, un des phytopathogènes les plus virulents32.

Tableau 8 : Structures chimiques des principaux inhibiteurs externes de la quinone (QoI)103,113.

Strobilurines

Alternaria alternata a déjà été déclaré résistant à un certain nombre de SDHI109,119. Les traitements actuels sont similaires à ceux utilisés contre Botrytis cinerea et Sclerotinia sclerotiorum. Filan®, commercialisé par BASF, est composé de 50 % de Boscalide et 50 % de Dimoxystrobine, une alliance entre un SDHI et un QoI (Erreur ! Source du renvoi

introuvable., page 34, et Tableau 8)113. Les traitements utilisés sont en général des mélanges de SDHI, de QoI et/ou d’IDM.

Bilan

En conclusion, les fongicides actuels présentent des structures chimiques variées, mais certains points restent en commun. Il apparait que la présence d’un noyau aromatique est nécessaire à l’activité fongicide. Beaucoup de produits portent également des fonctions halogènes. Responsables ou non de l’activité de la molécule, les halogènes posent un problème d’éco-compatibilité. Un produit semble être particulièrement intéressant structurellement, il s’agit du Mévalone®, mélange d’un alcool linéaire ramifié insaturé et de deux noyaux phénoliques substitués (Tableau 5, page 30). Les structures chimiques sont simples, constituées de terpènes, et sont des produits naturels sans halogènes.