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Bilan des évaluations des activités fongicides des composés testés

PARTIE III – Evaluations des activités antifongiques

F. Bilan des évaluations des activités fongicides des composés testés

Les résultats concernant les trois éthers obtenus par des réactions d’éthérifications réductrices ont mis en lumière une relation entre la longueur de la chaîne alkyle portée par la molécule et son pouvoir inhibiteur sur certaines souches fongiques. Les trois éthers sont constitués d’un noyau phénolique porteur soit d’une chaîne éthoxyméthyl, soit d’une chaîne butoxyméthyl, soit d’une chaîne hexyloxyméthyl. Sur toutes les souches évaluées, les inhibitions étaient améliorées entre l’utilisation d’un éther portant une chaîne alkyle à deux, quatre, puis six atomes de carbones. En ce qui concerne Fusarium solani, Penicillium ochrochloron et Cladosporium cladosporioïdes, les améliorations étaient très importantes entre les inhibitions provoquées par le 2-(éthoxyméthyl)phénol et le 2-(butoxyméthyl)phénol. Avec Botrytis cinerea, Sclerotinia sclerotiorum, Aspergillus oryzae, Alternaria alternata et Geotrichum candidum, c’est entre l’utilisation du (butoxyméthyl)phénol et celle du 2-(hexyloxyméthyl)phénol que les inhibitions étaient grandement améliorées. Parmi ces trois éthers, le 2-(butoxyméthyl)phénol et le 2-(hexyloxyméthyl)phénol ont été sélectionnés pour évaluer leurs CMI. En effet, cinq et huit des neuf souches ont respectivement été inhibées à plus de 50 % lors de l’évaluation initiale par le (butoxyméthyl)phénol et le 2-(hexyloxyméthyl)phénol. Le 2-(éthoxyméthyl)phénol a entraîné globalement des inhibitions inférieures ou égales à celles observées avec le 2-(butoxyméthyl)phénol, et la majorité de ces inhibitions étaient inférieures à 50 %. Il n’a donc pas été considéré comme un fongicide adéquat pour la suite des évaluations.

Enfin, en ce qui concerne les pinacols issus des réactions de couplages pinacoliques, les inhibitions mesurées sur sept des neuf souches fongiques lors de l’évaluation générale étaient nulles à moyennes, mais toujours inférieures au seuil de 50 %. Ainsi, les pinacols ne présentent pas d’activité fongicides sur Botrytis cinerea, Sclerotinia sclerotiorum, Aspergillus oryzae, Penicillium ochrochloron, Alternaria alternata, Cladosporium cladosporioïdes et Geotrichum candidum. Toutefois, le mycélium et les spores de Fusarium solani ont été inhibés respectivement à 97 et 100 % par ces pinacols. Ainsi, des mesures de CMI de ces composés ont été réalisées sur ce champignon. Dernièrement, des inhibitions de 49 et 67 % ont été mesurées sur Paecilomyces variotii en présence des pinacols symétrique et dissymétrique respectivement. Toutefois, des mesures de CMI n’ont pas pu être réalisées sur ce champignon en raison d’un problème de croissance.

Finalement, la seconde partie des évaluations a été réalisées à l’aide de gammes de concentrations pour le 2-(butoxyméthyl phénol et l’o-crPEGMe sur Botrytis cinerea, Sclerotinia sclerotiorum, Fusarium solani, Penicillium ochrochloron et Cladosporium cladosporioïdes. Le 2-(hexyloxyméthyl)phénol a été évalué sur les même souches, mais également sur Alternaria alternata et la levure Geotrichum candidum. Enfin, les pinacols ont été testés uniquement sur Fusarium solani.

Ces tests ont permis d’établir, pour chaque couple champignon-composé, des valeurs de concentrations minimales inhibitrices pour atteindre 50 et 70 % d’inhibition. Ainsi, le

composé globalement le plus performant est le 2-(hexyloxyméthyl)phénol, en accord avec les résultats obtenus lors de l’évaluation générale. Ce composé a été testé à l’aide d’une gamme de concentrations sur sept des neuf souches fongiques de cette étude. Les CMI50 ont été mesurées à 10 mg/L pour Botrytis cinerea, Sclerotinia sclerotiorum, Penicillium ochrochloron, Cladosporium cladosporioïdes et le mycélium de Fusarium solani, et à 20 mg/L pour Alternaria alternata, Geotrichum candidum et les spores de Fusarium solani. En ce qui concerne les CMI70, elles sont également de 10 ou 20 mg/L pour la majorité des champignons, excepté pour Alternaria alternata, 40 mg/L, et les spores de Fusarium solani, 30 mg/L. Ainsi, nous constatons que les CMI70 sont atteintes pour les sept souches évaluées en présence de la gamme de concentrations et que ces valeurs sont majoritairement faibles, mettant en évidence le fort pouvoir inhibiteur de la molécule et son large spectre d’action.

La comparaison avec des valeurs de référence relatées dans la littérature nous indique que les champignons phytopathgènes peuvent être sensibles ou résistants et que cela influence de manière importante les valeurs de CMI mesurées. De plus, seul le 2-(hexyloxyméthyl)phénol présente des valeurs de CMI du même ordre de grandeur que celles de la littérature en ce qui concerne Botrytis cinerea, Sclerotinia sclerotiorum, Fusarium solani, Alternaria alternata et Cladosporium cladosporioïdes.

Dans le cas de l’o-crPEGMe et du 2-(butoxyméthyl)phénol, les CMI70 n’ont pas pu être mesurées avec les spores de Fusarium solani pour les deux molécules et le mycélium pour le 2-(butoxyméthyl)phénol. En ce qui concerne les CMI50, elle n’est pas atteinte sur les spores de Fusarium solani avec l’o-crPEGMe. Toutefois, nous observons que les valeurs globales des CMI sont plus élevées pour le 2-(butoxyméthyl phénol que pour l’o-crPEGMe. Ainsi, le 2-(butoxyméthyl)phénol semble être la molécule la moins performante des trois.

En ce qui concerne les pinacols, leurs spectres d’activité apparaissent comme restreints. L’évaluation générale a mis en lumière une activité relativement spécifique de ces molécules sur Fusarium solani. Toutefois, les résultats obtenus à l’aide des gammes de concentrations sont inférieurs à ceux obtenus lors de la première évaluation. Une culture d’âge différent ou un problème de stabilité des composés peuvent expliquer ce phénomène. Les tests initiaux ont montrés des inhibitions quasi-totales du champignon par ces composés, 97 à 100 %. Les évaluations à l’aide de gammes de concentrations n’ont pas permis de calculer les CMI70 pour ces molécules, ni sur le mycélium, ni sur les spores de Fusarium solani. Les CMI50 ont été atteintes sur les spores du champignon avec les deux molécules et sur le mycélium uniquement avec l’hétéro-pinacol. Néanmoins, lorsque les CMI50 sont obtenues, leurs valeurs sont faibles, 10 à 20 mg/L. Les pinacols sont donc des fongicides entraînant des inhibitions non totales, supérieures à 50 mais inférieures à 70 %, mais actifs à faibles concentrations.

qui présente les meilleurs résultats. La cible privilégiée dans le développement de fongicides est la molécule d’ergostérol, une protéine membranaire propre aux champignons, et sa synthèse. Les polyènes sont des composés antifongiques, des molécules amphiphiles volumineuses, formant des dimères peu solubles dans l’eau et pouvant ainsi s’insérer dans les membranes fongiques au niveau des molécules d’ergostérol et former un complexe avec ce dernier. Cela entraîne donc le passage d’eau et d’ions à travers la membrane fongique et la destruction du champignon par altération membranaire. Toutefois, si ces composés entraînent peu de phénomènes de résistance actuellement et sont à larges spectres d’action, ils posent des problèmes de mauvaise résorbtion et de toxicité non négligeables166.

De ces informations, nous pouvons émettre l’hypothèse que l’action du 2-(hexyloxyméthyl)phénol pourrait agir de la même manière que les polyènes.

Conclusion générale et perspectives

Le développement de la chimie verte, étroitement reliée au concept de développement durable, est actuellement une priorité dans le domaine de la recherche scientifique. Les restrictions et réglementations en termes de production et d’utilisation des produits chimiques, comme REACH par exemple, poussent sans cesse les chercheurs à améliorer leurs connaissances de la nature de leurs produits, ainsi que leurs méthodes de production, d’utilisation et d’élimination des substances mises en jeu. Parmi les douze principes de la chimie verte se trouve la conception de produits plus sûrs, consistant à améliorer à son maximum l’efficacité du produit tout en diminuant sa potentielle dangerosité. Ce principe est particulièrement valable au sujet de l’agriculture et de l’utilisation des produits phytosanitaires qui en résulte. Les exigences de rendements et de contrôle des coûts de production place la question de la protection des cultures agricoles au centre des préoccupations actuelles dans ce domaine. En outre, en plus de répondre à des exigences environnementales, les produits phytosanitaires doivent faire face à l’apparition de phénomènes de résistances de la part des agents pathogènes ciblés.

Dans ces travaux, des molécules fongicides ont été développées de la manière la plus éco-compatible possible. Les évaluations de leurs propriétés antifongiques ont été réalisées sur une gamme de neuf champignons, dont quatre pathogènes de végétaux (Botrytis cinerea, Sclerotinia sclerotiorum, Fusarium solani et Alternaria alternata), un pathogène humain (Cladosporium cladosporioïdes), un contaminant alimentaire (Paecilomyces variotii), deux producteurs d’enzymes diverses (Aspergillus oryzae et Penicillium ochrochloron) et une levure essentielle à de nombreux fromages (Geotrichum candidum).

Les fongicides obtenus ont été synthétisés à partir de substrats naturels. Un aldéhyde aromatique, le salicylaldéhyde, et un aldéhyde aliphatique, le trans-hex-2-ènal, ainsi que des alcools à différentes longueurs de chaîne, l’éthanol, le butanol et l’hexanol, ont été utilisés. Les solvants employés, l’eau et l’éthanol, sont verts, à l’exception du toluène. Les réactions ont été réalisées sous irradiation micro-ondes, technique alternative permettant une réduction des temps de chauffage, dès que cela était possible.

Trois types de réaction radicalaires ont été employés, le couplage pinacolique, l’éthérification réductrice et une réaction de type réduction de Clemmensen. La réaction de couplage pinacolique nous a permis d’obtenir, de manière stable, un hétéro-pinacol issu du salicylaldéhyde et du trans-hex-2-ènal, mais également un homo-pinacol issu de la réaction du salicylaldéhyde sur lui-même. Les réactions d’éthérification réductrice, après optimisation

chaînes alkyles à deux, quatre et six atomes ont été évalués en microbiologie, car les produits à plus longues chaînes n’ont été obtenus qu’à faibles rendements (12 – 13 %). La réduction du salicylaldéhyde en o-crésol semble être une réaction de type réduction de Clemmensen, à l’exception que l’on s’affranchit du mercure dans les conditions réactionnelles utilisées ici. Cette synthèse a été optimisée autant que possible, bien que les rendements maximaux observés puissent être améliorés ultérieurement. De plus, si les conditions réactionnelles ont été éco-conçues, l’utilisation du toluène, solvant non vert, n’est pas une solution satisfaisante (Schéma 50).

Enfin, après avoir développé ces trois réactions sur le groupement aldéhyde du salicylaldéhyde ou de l’o-crésol, des réactions annexes ont été tentées sur le groupement hydroxyle de ces substrats. L’addition d’éthylène glycol sur le salicylaldéhyde produit une molécule non stable dans le temps, et donc non évaluable en microbiologie. Toutefois, l’ajout d’un groupement polyéthylène glycol porteur d’un groupement méthyle sur une molécule d’o-crésol permet la formation d’une molécule stable avec un très bon rendement (87 %) (Schéma

50).

Schéma 50 : Récapitulatif des réactions réalisées et des produits obtenus.

Finalement, les évaluations en microbiologie ont mis en évidence l’efficacité d’un composé en particulier, le 2-(hexyloxyméthyl phénol. Phénol porteur d’une chaîne hexyloxyméthyle en position ortho, cette molécule a inhibé de manière significative huit des

neuf souches testées. Parmi ces souches se trouvent les quatre phytopathogènes, Botrytis cinerea, Sclerotinia sclerotiorum, Fusarium solani et Alternaria alternata. Sur ce dernier pathogène de plantes, il est le seul composé efficace parmi les huit testés. Il est également efficace sur le contaminant alimentaire Paecilomyces variotii, et le pathogène humain Cladosporium cladosporioïdes, de même que les producteurs d’enzymes et de fromages, Penicillium ochrochloron et la levure Geotrichum candidum. Seul Aspergillus oryzae, utilisé dans la production d’enzymes, d’alcool ou de catalyseurs chimiques, est resté insensible à tous les composés testés dans ces travaux.

Les relations phylogénétiques entre les champignons peuvent parfois expliquer des sensibilités similaires. Botrytis cinerea et Sclerotinia sclerotiorum appartiennent à la même famille, les Sclerotiniaceae, et leurs relations phylogénétiques sont proches. Ainsi, ce sont des champignons sensibles à l’o-crPEGMe et aux trois éthers, de même qu’ils sont résistants au salicylaldéhyde et aux deux pinacols. Cependant, Aspergillus oryzae et Penicillium ochrochloron sont également deux champignons appartenant à la même famille, celle des Aspergillaceae, mais leurs relations phylogénétiques sont plus éloignées que dans le cas de Botrytis cinerea et Sclerotinia scleotiorum. Nous n’observons pas, dans ce cas, de similarité de comportements face aux fongicides, car les sensibilités et les résistances d’Aspergillus oryzae et de Penicillium ochrochloron ne sont pas similaires. Nous constatons que les champignons les plus résistants de cette étude sont la levure Geotrichum candidum, et les champignons filamenteux, Aspergillus oryzae, Alternaria alternata et Paecilomyces variotii. Ils sont inhibés uniquement en présence de 2-(hexyloxyméthyl phénol. D’un point de vue phylogénétique, Geotrichum candidum est isolée dès la sous-division, celle des Saccharomycotina, puisque c’est l’unique levure de ces tests. Alternaria alternata, de la sous-classe des Pleosporomycetidae, est également éloigné phylogénétiquement des autres champignons. Toutefois, les relations phylogénétiques ne peuvent expliquer les similarités de sensibilité entre Penicillium ochrochloron et Cladosporium cladosporioïdes, sensibles à l’o-crésol, au 2-(butoxyméthyl)phénol et au 2-(hexyloxyméthyl)phénol et résistants au salicylaldéhyde, à l’o-crPEGMe, au 2-(éthoxyméthyl)phénol et aux pinacols (Schéma 51).

Dernièrement, la seconde partie des évaluations a été réalisée à l’aide de gammes de concentrations des composés préalablement sélectionnés lors de l’évaluation générale. Sans surprise, le composé ayant le plus large spectre d’action avec globalement les concentrations minimales inhibitrices les plus basses est le 2-(hexyloxyméthyl)phénol. Actif sur sept des neuf souches testées, les CMI70 sont comprises entre 10 et 20 mg/L à l’exception des spores de Fusarium solani (30 mg/L et d’Aspergillus oryzae (40 mg/L). Les pinacols, testés également à l’aide de gammes de concentrations sur Fusarium solani, sont des cas particuliers. Leurs spectres d’action sont très restreints et leur activité sur Fusarium solani n’est que de l’ordre de 50 %. Toutefois, cette efficacité est obtenue à des concentrations faibles en composés,

les spores sont deux fois moins élevées que celles nécessaires en présence du 2-(hexyloxyméthyl)phénol.

Schéma 51 : Rappel de l’arbre phylogénétique basé sur des alignements multiples de

séquences ITS1/2 (Source : Genbank) issues de souches appartenant aux espèces étudiées.

La comparaison avec des tests réalisés en laboratoire permet de situer les valeurs mesurées à celles déjà référencées actuellement. Toutefois, l’o-crPEGMe et le (hexyloxyméthyl)phénol sont des molécules non référencées à ce jour, tandis que le 2-(butoxyméthyl phénol n’a pas encore fait l’objet d’études fongiques. Ainsi, les comparaisons ont été réalisées avec de molécules n’ayant pas de similarités structurelles avec les produits synthétisés ici. Là également, le seul composé présentant des valeurs comparables à celles de la littérature est le 2-(hexyloxyméthyl)phénol.

Les résultats obtenus dans ce travail ouvrent la voie à des améliorations ultérieures. Les réactions d’hétéro-couplages pinacoliques peuvent être tentées sur différents substrats et les conditions réactionnelles améliorées afin de favoriser au maximum l’hétéro-couplage vis-à-vis de l’homo-couplage. Il en est de même en ce qui concerne la réaction d’éthérification réductrice. D’autres types d’aldéhydes pourraient réaliser cette réaction et les conditions réactionnelles optimisées afin d’éviter la chute des rendements avec l’augmentation de la taille de l’alcool mis à réagir. Dans le cas de la réaction de réduction de type Clemmensen, les conditions ne sont pas autant éco-compatibles que désirées. Dans ce cas également, d’autres substrats pourraient réaliser cette réaction.

En ce qui concerne les évaluations en microbiologie, les tests en gammes de concentrations peuvent être renouvelés avec des concentrations plus fines, de l’ordre du milligramme et non de la dizaine de milligrammes, afin de déterminer plus précisément les concentrations inhibitrices à 50 et 70 %. D’autres souches fongiques peuvent également être

évaluées afin de déterminer plus précisément les spectres d’activité des composés. De plus, la toxicité des molécules doit être testée.