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Partie II : Quelles solutions aux altérations ? Les méthodes de conservation des sites archéologiques

4. Le traitement des éléments constitutifs d'un site archéologique : maçonneries, sols et

4.4. Le traitement des enduits peints

4.4.1. Principes et méthodologie de conservation

En 1989, Laurence Krougly et Rui Nunes Pedroso déploraient que « les mentalités

ont grandement évoluées au cours des vingt dernières années et pourtant l'enduit peint demeure un point sobre dans la conscience collective des milieux archéologiques »166,

allant même jusqu'à parler de la fresque comme un « encombrant » de la discipline archéologique. Depuis lors, la considération pour les peintures murales antiques, de leur fouille à leur présentation en passant par leur documentation et leur conservation- restauration, a évolué de façon encourageante.

Il est important de comprendre la relation intime qu'entretient la couche de peinture avec son support, la maçonnerie elle-même. Les recettes et techniques varièrent durant l'antiquité, mais le principe de base reste celui de l'application de pigments mêlés à du liant (soit à base d'argile ou de terre, soit à base de chaux aérienne grasse). Celui-ci est déposé sur la surface égalisée d'un mur, par exemple à l'aide de terre, puis d'un badigeon ou d'un mortier de chaux.

Cette dernière technique est la mieux connue et la mieux documentée, notamment par les sources anciennes comme Vitruve ou Pline. Les techniques de mise en place sont nombreuses. Globalement, on sera toujours en présence de matériaux minéraux naturellement stables. C'est en revanche leur « structure poreuse, l'organisation en strates

et l'adhérence inégale de ces strates entre elles » qui rendent ces enduits peints si

fragiles.

La méthodologie d'une intervention se résume en 5 points167 :

– Faire le constat d'état de la peinture – Réaliser un diagnostic de ses altérations – Proposer un traitement

– Après validation, procéder à la mise en place du traitement

166 BERDUCOU 1990, page 305 167 EVANGELISTI, 2007

– Effectuer une documentation de l'ensemble de l'intervention.

4.4.2. Les dégradations

Le déclenchement des altérations n'est donc pas univoque, il dépendra de nombreux facteurs, comme les compositions des murs et des revêtements. L'humidité est évidement le risque principal. Les remontées par capillarité dans les murs entraînent de forts désordres dans les liants argileux notamment, dont la structure chimique fragile peut perdre sa cohésion malgré l'emploi de charges (sable, silice, paille). Mais les eaux d'infiltration ou la condensation peuvent aussi entraîner le gel, la migration des sels solubles contenus dans le sol, les murs ou liés aux réactions chimiques avec des gaz issus de l'atmosphère. L'humidité peut enfin altérer la couleur de certains pigments.

La pollution atmosphérique, naturelle ou urbaine, peut entrainer des gonflements des matériaux calcaires par réaction chimique. La lumière est également un ennemi. Les rayons ultra-violets font pâlir les couleurs tandis que le rayonnement infra-rouge provoque plutôt des écaillements. De concert avec la présence d'eau, l'ensoleillement favorisera l'apparition de micro-organismes, de champignons, de mousses, d'algues et de lichens qui en se répandant peuvent entraîner des pertes de matières importantes. Les bioperturbations sont également à ne pas négliger (racines, galeries d'insectes, etc.) tout comme la malveillance humaine. Face à tous ces risques, l'exposition in-situ des fresques est un défi pour le conservateur, qui doit composer avec toutes sortes de facteurs d'altérations, internes ou externes, et tenter de les supprimer.

4.4.3. Traitements sur place

Lors de la fouille, les peintures peuvent être retrouvées dans différents contextes : en remblais, effondrées au sol, ou encore en place. Certaines précautions doivent alors déjà être prises, en premier lieu desquelles, laisser une gangue de terre jusqu'au traitement.

Les délais de dépose, dont la technique est reportée en annexe (annexe 10), doivent rester les plus courts possibles. Dans tous les cas, une protection de fortune sera mise en place au cours de la fouille, ainsi que des consolidations et des

nettoyages en fonction de l'état de conservation de la fresque.

4.4.4. Protections définitives

Les protections peuvent être des alternatives à la dépose. Elles peuvent aussi servir à protéger un élément traité puis reposé. La conservation in situ est de loin préférable à la mise hors de contexte de ces témoignages artistiques directs de l'antiquité, mais elle est très lourde à mettre en oeuvre, comme nous le verrons avec l'exemple de Périgueux. Elles doivent en effet, à l'instar des mosaïques, protéger :

– De l'humidité, via des matériaux étanches qui empêcheront le ruissellement. Composés de carbonate de calcium, les enduits peuvent en effet à partir de toute imprégnation d'humidité révéler les sels hygroscopiques qu'ils contiennent. Cela passe par une toiture avec gestion de l'eau de pluie et un système de drainage des eaux souterraines ;

– Des variations de température et d'humidité relative, permettant d'éviter la condensation, en utilisant un chauffage et des ventilateurs ;

– De la lumière nocive (les rayonnements ultra-violets et infra-rouges), en installant des verres filtrants ou en prévoyant une toiture dépassante par exemple ;

– De la faune et de la flore via un entretien et des infrastructures prévues pour ; – De l'homme en limitant son impact et l'usure que la fréquentation des sites force.

La longue histoire de la discipline a permis d'établir très clairement les points sur lesquels reposent la conservation des sites archéologiques. En dépit d'un manque, affiché et reconnu par les spécialistes au cours des rencontres internationales comme celles de l'ICCM168, d'études sur certains aspects, les stratégies définies de façon linéaire vont

pouvoir être adaptées selon chaque cas de figure, comme nous avons pu le voir au travers de quelques exemples. Le contrôle de l'eau reste le point principal sur lequel les conservateurs doivent concentrer leurs efforts, mais les objectifs sont nombreux et aléatoirement atteints.

La raison principale à ces difficultés est l'échelle importante des sites archéologiques antiques. La période gallo-romaine se caractérise en effet par rapport aux précédentes par la monumentalisation de son architecture, notamment permise par le développement de l’ingénierie et des techniques de construction : la pierre de taille, les échafaudages, les cintres, la terre-cuite architecturale et surtout l'utilisation des

maçonneries concrètes avec du mortier du chaux169. Cela s'explique par des

changements sociétaux qui ont encouragé la construction d'édifices imposants et durables. Suite à la conquête et au phénomène d'acculturation de la poûlation gauloise, qui a appris ces techniques, d'importants vestiges ont pu nous parvenir aujourd'hui. Trop résistants et vastes pour disparaître complètement sous les effets du temps, de la nature et de l'expansion humaine combinés, ils constituent une source de première main pour les archéologues.

Cette état des lieux sur la théorie de conservation nous a donné les bases méthodologiques pour à présent comprendre les choix et les techniques de conservation mises en œuvre sur les sites archéologiques antiques Français, qui font l'objet de notre troisième partie.