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Partie II : Quelles solutions aux altérations ? Les méthodes de conservation des sites archéologiques

1. Les grands principes de conservation-restauration

En amont de l'état de la recherche à suivre en matière de conservation- restauration, il est utile de définir les grands principes qui régissent aujourd'hui les projets de conservation menés dans le cadre de mises en valeur. Concernant aussi bien le patrimoine mobilier qu'immobilier, les principes furent édictés par des professionnels du secteur du patrimoine au fur et à mesure des rencontres internationales et des chartes qui en découlèrent.

1.1. La conservation préventive

Autour de la notion de conservation préventive réside l'idée principale d'améliorer la durabilité des vestiges et des traitements qu'ils ont subis en abolissant dans la mesure du possible toute intervention directe sur le bien culturel, qu'il soit meuble ou immeuble. Le contexte du bâtit monumental, généralement préservé en plein air, est bien évidement particulier. Marie-Claud Berducou parle ainsi de manière générale « d'adapter l'environnement à l'objet, plutôt que tenter le contraire »91 . Sans

nul doute, il est improbable de réussir à contrôler l'ensemble des paramètres climatiques et extérieurs autour d'une site en dehors de sa mise sous cloche totale. Il faut donc tenter de se rapprocher de cet objectif.

Abandonner aux désordres les sites en ne comptant que sur des restaurations

futures est voué à l'échec. La conservation préventive s'avère de ce point de vue autant un gain de temps et d'argent que salvateur pour la condition des vestiges. Brandi92

définissait le terme ainsi : « la restauration préventive est même plus impérative sinon plus

nécessaire que celle d'extrême urgence, car elle est justement destinée à éviter cette dernière qui pourra difficilement s'effectuer en sauvant complètement l'oeuvre ».

Dans tous les cas, il est donc possible d'améliorer la résistance des vestiges face aux désordres possibles en n'agissant pas directement sur les vestiges, tout en les mettant en valeur. C'est dans ce contexte que la question de leur couverture, totale ou partielle, doit être réfléchie. D'autres méthodes, que nous développerons plus loin, peuvent également être mises en place dans un objectif de conservation préventive.

1.2. La visibilité des interventions

Le concept de lisibilité touche aux œuvres. Les restaurateurs doivent laisser tout objet sur lequel ils interviennent « lisible » et authentiques. La visibilité se réfère à l'opération de restauration en elle-même, qui doit pouvoir être distinguée. Ces deux concepts sont depuis longtemps évoqués. La visibilité est évoquée déjà dans les travaux de Camillo Boito puis officialisée par la Charte d'Athènes.

Il doit dans tous las toujours exister une documentation de ces chantiers. Permettre aux visiteurs et professionnels actuels et futurs de différencier les parties originelles des restaurations est obligatoire.

1.3. Le concept d'authenticité

Le patrimoine est légitimé par l'ensemble des valeurs qu'on lui prête. Elles permettent de nous y fier et de développer autour de lui la connaissance sur ce qu'il représente. Dans sa forme et sa matière, chaque oeuvre doit donc respecter des critères d'authenticité. Bien que cette notion est tangente depuis les débuts de l'histoire de l'art, elle ne fut dans un premier temps affirmée que par la Charte de Venise. Cette notion fit ensuite l'objet d'une conférence à part entière à Nara en 1994 dont les documents en dressèrent un portrait auquel je me réfère ici.

Elle occupe un rôle central dans la recherche, la fiabilité des sources originelles étant impérieuse. Ce caractère doit être conservé intact autant que possible dans la mise en valeur à des fins de transmission au public et par toutes les opérations de conservation

et de restauration93.

L'authenticité nécessite donc un travail multidisciplinaire afin de se faire reconnaître dans un patrimoine donné, puis être conservée par la suite, a fortiori lorsqu'elle est représentative d'une « culture et de [sa] diversité »94.

1.4. Rendre réversibles les opérations

Pressentie dans la réflexion de Camillo Boito et plus encore dans celle de Cesare Brandi, mais absente des grandes chartes d’Athènes et de Venise, la réversibilité fut peu à peu et globalement intégrée et adoptée par la communauté scientifique. Le terme apparaît en tant que tel à l'international au début des années 1960 et en 1977 en France, sous la plume de Paul Philippot.

Toute intervention de conservation-restauration devrait, dans la mesure du possible, demeurer réversible. La réversibilité se définit aujourd'hui ainsi : « Qualité

idéale d'une opération ou de matériaux que l'on peut à tout moment enlever sans dommage pour l'original »95. Typiquement, il est entendu que « tout ce qui a été fait

doit pouvoir être défait, sans que l'objet n'en soit aucunement affecté »96.

Il est enfin porté attention aux futures interventions. L'ICOMOS97, dans ses

Principes pour l'analyse, la conservation et la restauration des structures du patrimoine architectural, précise ainsi que : « Les mesures choisies doivent être réversibles autant que possible, de telle sorte que, si de nouvelles connaissances le permettent, des mesures plus adéquates puissent être mises en œuvre. Si les mesures ne peuvent être réversibles, on doit s'assurer que des interventions ultérieures puissent encore intervenir» (alinéa 3.9). Trois points doivent donc

absolument être respectés dans toute opération : – La durabilité des produits utilisés ;

– Le fait qu'ils ne doivent pas bloquer une intervention future ; – Leur stabilité dans le temps.

Il faut bien garder en tête qu'un produit réversible doit également l'être dans son utilisation, les deux n'allant pas forcément de pair. Elle constitue un projet dans

93 Article 10 de la Charte de Nara 94 Ibid.

95 BRUNEL & BERGEON, 2008 96 BERDUCOU, Non publié. 97 ICOMOS, 2003

le projet de conservation en lui-même.

1.5. La compatibilité entre nouvelles interventions et vestiges

originels

« Les matériaux qui sont placés au contact direct des matériaux originaux

constitutifs de l'objet doivent être compatibles avec eux, sur les plans mécanique, chimique, physique et éventuellement optique », du simple produit utilisé au cours de

l'intervention de nettoyage au matériau destiné à rester en place. Ils sont en effet amenés à « vieillir ensemble et harmonieusement »98.

L'utilisation de matériaux originaux ne garantit pas la compatibilité, de même qu'elle n'offre pas forcément les meilleures qualités de résistance. L'apparition d'altérations dans les matériaux anciens est en effet un signe qu'il faut en changer la formule. Aujourd'hui, la science peut répondre aux questions sur la nature des éléments de construction, leurs les sources et mécanismes d'altérations, leurs évaluations et leurs relations avec l'environnement.

2. Natures des vestiges et des altérations qui les