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J’ai retranscrit les entretiens sous forme de verbatim, puis j’ai codé mes résultats à l’aide du logiciel d’analyse qualitative Atlas Ti. Des thèmes ont alors émergé du discours des femmes et je les ai élaborés en formant des catégories et des sous-catégories en lien avec les obstacles nommés par mes participantes et les éléments qui avaient facilité leur recours à l’aide.

Au départ, j’ai voulu mobiliser la théorie intersectionnelle. Selon Buitelaar citée par Christensen et Jensen (2012), les individus parlent à partir de diverses identifications:

Telling one’s life-story thus consists of « orchestrating » the « voices » within ourselves that speak from different I-positions » (Buitelaar, 2006 :261)64 and

adjusting the narratives for varying audiences. These different positions relate to

64 Buitelaar, M. “ ‘I Am the Ultimate Challenge’ Accounts of Intersectionality in the Life-Story of a Well-Known Daughter of Moroccan Migrant Workers in the Netherlands”, European Journal of Women's Studies, Vol. 13, No.3, 2006, p.259-276.

processes of ethnic, gendered, and classed identification. (Christensen et Jensen, 2012 : 114).

Selon ces auteures, l’analyse du rôle du genre, de la classe, de l’ethnicité, etc. et leur intersection dans la construction du sens et des discours permet de voir le rôle des structures dans la vie des acteurs. En m’inspirant du modèle des niveaux d’analyse (niveau des représentations, organisationnel, intersubjectif et expérientiel) de l’intersectionnalité d’Anthias (2012), j’ai d’abord formé des catégories que j’ai divisées en sous-catégories. Toutefois, j’ai constaté que la complexité de cette théorie me rendait son application ardue. De plus, elle ne permettait de répondre à ma question de recherche qu’en partie, sans m’offrir la possibilité de déceler les moments les plus propices au recours à l’aide dans le parcours des femmes. Par conséquent, guidée par mon directeur de mémoire, j’ai opté pour une analyse thématique que j’ai effectuée en trois temps afin de bien saisir la situation des femmes lors d’étapes-clés de leur parcours de recours à l’aide. Je me suis d’abord intéressée au contexte des femmes immigrantes, lors de leur arrivée. Par la suite, je me suis penchée sur ce qui les mène au recours à l’aide, soit le point tournant. Finalement j’ai examiné le moment où elles s’adressent aux services, dont leur expérience avec les ressources consultées. J’ai donc analysé les thèmes mais en les situant dans ces trois temps qui constituent la trajectoire de recours à l’aide des participantes.

Pour la présentation des résultats, puisqu’il y avait beaucoup d’éléments, j’ai procédé à la description de deux cas. J’ai choisi ces cas, car je les considérais riches et représentatifs. Par la suite, je les ai mis en dialogue pour finalement les mettre en relation avec les éléments rapportés par les autres participantes. Cette façon de faire rendait la présentation des résultats

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plus fluide et permettait d’éviter de prolonger le texte inutilement. En décrivant la réalité de deux femmes, on peut se représenter cette réalité et mieux la comprendre, à défaut de ne pouvoir le faire pour toutes les répondantes.

Éthique

Pour m’assurer de la confidentialité des entretiens, les entrevues se sont déroulées dans les locaux des organismes ou dans des locaux réservés aux travaux d’équipe d’une bibliothèque publique, selon le désir des participantes. Pour assurer l’anonymat, j’ai utilisé un système de codage reliant le verbatim à la personne interviewée et aucune donnée nominative n’a été retranscrite. J’ai attribué des pseudonymes aux répondantes pour les fins de la présentation des résultats et de l’analyse.

Selon Fontes (2004), certaines personnes pourraient penser que si elles participent à la recherche, cela leur permettrait d’avoir des bénéfices de la part de leur pourvoyeur de services. Par conséquent, pour assurer le consentement libre et éclairé, j’ai demandé aux organismes de me recommander les personnes et je les ai contactées directement pour leur expliquer les modalités de la recherche, dont son caractère indépendant. Lors de ce contact téléphonique, je leur ai spécifié le caractère confidentiel et la méthodologie envisagée pour m’en assurer, ainsi que les risques (soit de revivre des émotions pouvant générer de la détresse), les moyens envisagés pour les atténuer et les gains potentiels (soit d’avoir un espace de réflexion, raconter son vécu, le partager afin de contribuer à ce que des femmes dans sa situation puissent être mieux aidées). Je leur ai fait part de la possibilité de se retirer à tout moment de la recherche,

de prendre une pause ou de cesser l’entrevue. Par la suite, j’ai vérifié si elles répondaient aux critères d’éligibilité puis nous avons convenu d’un moment pour une rencontre.

Une compensation symbolique de 15$ leur a été offerte pour le partage de leur savoir, leur temps et les frais pouvant être encourus pour participer à l’étude (transport ou autres). Selon Sullivan et Cain, cités par Fontes (2004), la compensation doit être suffisamment élevée pour faire preuve de respect en regard du temps et de l’expertise des femmes, mais pas trop élevée pour éviter qu’elle devienne un incitatif et un moyen coercitif pour en obliger la participation65. Puisque le montant peut être très subjectif, je me suis basée sur ce qui avait été fait précédemment en la matière. Ainsi, Benhadjoudja (2011) et Erez et al. (2008) avaient offert 20$ aux participantes de leurs études tandis que Sokoloff et Pearce (2011) avaient offert une carte d’appel d’un montant de 10$. Par ailleurs, puisque je devais également tenir compte de mon budget, j’ai opté pour un montant de 15$.

Conclusion

En somme, afin de mieux comprendre l’expérience de femmes immigrantes racisées ayant eu recours à l’aide en contexte de violence conjugale à Montréal, j’ai opté pour une recherche qualitative. J’ai constitué un échantillon de sept personnes et recueilli leurs témoignages lors d’entretiens semi-directifs. J’ai dégagé les thèmes qui me permettraient de répondre à ma question de recherche, puis je les ai analysés en les inscrivant dans trois moments-clés du parcours de recours à l’aide des femmes. Ces choix méthodologiques ont

65 Sullivan, C. M., & Cain, D. “Ethical and Safety Considerations When Obtaining Information From or About Battered Women for Research Purposes”, Journal of Interpersonal Violence, 19(5), 2004, p. 603-618.

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soulevé des questions d’ordre épistémologique quant à la légitimité de la production de ce savoir à partir de ma position sociale. J’ai tenté d’identifier mes biais afin de les neutraliser, tout en étant consciente que le savoir produit dans le cadre de cette recherche serait situé, puisque même le choix de mon sujet découle de ma position sociale. Finalement j’ai spécifié les questions d’ordre éthique.

Chapitre 7 : Résultats

Dans le chapitre précédent, j’ai élaboré ma stratégie de collecte de données. J’ai rencontré sept femmes entre le mois d’août et le mois de décembre 2016 qui ont partagé leur vécu avec moi. Je m’interrogeais quant aux obstacles au recours à l’aide qu’elles avaient affrontés et aux éléments qui avaient facilité ce recours. Je voulais savoir comment elles avaient surmonté les obstacles et ce qui les avait poussées à recourir à de l’aide. Dans cette section, je présenterai les résultats. Je commencerai par décrire deux cas. Par la suite, je présenterai les thèmes qui ont émergé de mes autres entretiens.