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Ainsi, plusieurs consultent pour retrouver l’équilibre sur le plan de leur santé mentale. D’ailleurs, leur position en tant que mère a parfois accéléré l’accès aux services. D’autres fois,

cette priorisation était due à leur situation de violence. D’autres femmes doivent pallier leurs difficultés financières. Ces besoins matériels les mènent vers le recours à l’aide.

Par contre, certaines ont eu recours à diverses ressources avant d’aboutir à la ressource spécialisée. D’abord, parce qu’elles ne s’identifient pas comme victimes de violence conjugale et n’abordent pas la situation; ensuite, parce que les ressources consultées avaient certaines limites (soit quant à leur mission ou à la durée des services qui sont offerts sur une courte période). Néanmoins, ultimement, une intervenante identifiait la violence et conseillait à la femme de consulter l’organisme spécialisé. Ainsi, elles ont recours à des instances générales qui les dirigent par la suite vers la ressource spécialisée. En outre, certaines ont été orientées vers des maisons d’hébergement, mais ont refusé de s’y rendre de crainte de ne pas y être bien, tel que je l’ai mentionné précédemment.

Néanmoins, toutes les femmes de mon échantillon disent avoir été soulagées d’apprendre qu’on pouvait leur venir en aide lorsqu’elles ont eu recours à la ressource qui me les a référées. De plus, certaines disent que le soutien de cette ressource faisait en sorte qu’elles ne se sentaient plus seules. Une participante a même dit qu’elle était comme une famille. Le soutien d’un organisme qui offre de la souplesse, qui sort du cadre de l’intervention de la violence conjugale et qui offre diverses activités brisant l’isolement, avait été apprécié. Par ailleurs, pour certaines, la ressource les avait aidées à mieux comprendre leur vécu et à comprendre comment elles avaient pu être invalidées s’attribuant la responsabilité de la violence ce qui contraste avec les recours à certaines ressources auparavant, auprès desquelles le contact n’avait pas été le même.

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Ainsi, plusieurs femmes font appel aux policiers ou aux services juridiques, avant ou conjointement avec les services spécialisés en violence conjugale. Or certaines femmes mentionnent que parfois les policiers ne peuvent rien faire étant donné qu’il ne s’agit pas d’un acte criminel. Ainsi, la violence semble pensée sur un continuum de gravité où ce qui serait considéré comme moins grave ne serait, en fait, pas considéré du tout. Par ailleurs, les instances peuvent aussi contribuer à faire passer la violence sous silence, comme dans le cas d’une participante qui disait que la police n’avait pas traité le problème de violence conjugale. Ils avaient plutôt focalisé leur attention sur son état à elle, puisqu’elle semblait avoir besoin de soutien psychologique, plutôt que sur la cause de l’appel à leur aide. Cela signifie également qu’ils n’avaient probablement pas d’éléments « criminels » pouvant être retenus contre l’agresseur, mais aussi ¾peut-être?¾ que la personne présumée malade devient discréditée, au sens de Goffman (1975), puisqu’alors le stigmate lui enlève sa crédibilité.

Toutefois, pour certaines, le recours aux services policiers a été aidant, puisqu’elles ont été dirigées à la ressource spécialisée. D’ailleurs, dans un contexte où elles ignorent vers qui se tourner, les policiers peuvent constituer une ressource précieuse pour les mettre en lien avec l’aide dont elles ont besoin. Aussi, ces femmes s’aperçoivent qu’elles peuvent faire appel à ces derniers. Par contre, certaines participantes nomment leur réticence à contacter les policiers, car elles ne voulaient pas que leurs enfants soient témoins de l’intervention policière. Le type d’intervention peut donc entraver le recours à l’aide.

D’ailleurs, avec la séparation, vient la question de la garde des enfants et la plupart des mères doivent recourir aux instances juridiques. Ce contact avec les acteurs du système juridique semble pénible pour certaines qui mentionnent que le comportement violent du père ne semblait pas être une source d’inquiétude pour déterminer la garde des enfants. Plusieurs mentionnent d’ailleurs que leur crédibilité avait été mise à l’épreuve. Certaines ont mentionné qu’il s’agissait finalement d’avoir les moyens pour payer un bon avocat. Or, plusieurs femmes avaient noté un déséquilibre par rapport au conjoint quant à leurs ressources financières et leurs possibilités d’avoir accès à une bonne représentation juridique. Encore une fois, on constate qui est avantagé par ce déséquilibre.Les femmes semblent donc ne pas avoir le même accès aux ressources que les hommes.

La banalisation induite par les lois, mais aussi par le regard relativiste de certains acteurs du milieu institutionnel a nui à certaines. Une participante disait qu’il y avait beaucoup de préjugés culturels et qu’il y avait une certaine banalisation lorsque la violence était perçue comme culturelle. Les représentations de l’« Autre » de certains acteurs semblent donc interférer dans leur compréhension de la violence.

Conclusion

En somme, la majorité des femmes vit un contexte marqué par une situation de dépendance fonctionnelle et économique au conjoint et par certaines préoccupations qui rendent la séparation impossible. Si elles ne peuvent quitter leur conjoint, certaines ne peuvent parler de leur relation non plus; ayant peu d’espaces de socialisation leur permettant de développer des relations de confiance.

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Par contre, vient un temps où la séparation devient envisageable et même inévitable. Avec le temps, elles surmontent certains obstacles, dont la barrière de la langue et l’isolement. Cependant, elles cumulent divers facteurs de stress (défis liés à l’immigration, dont l’intégration sur le marché de l’emploi, la violence conjugale, les difficultés financières), et, fait intéressant, certains obstacles deviennent des facilitateurs. Une analyse axée sur trois périodes de leur parcours vers le recours à l’aide permet d’identifier les moments les plus propices à ce recours. En effet, ce serait souvent lorsqu’elles gagnent en autonomie et atteignent leur « limite » quant à ce qu’elles peuvent endurer compte tenu de leurs valeurs ou de leur état psychologique (lorsque la souffrance devient trop importante) que la plupart consultent.

Néanmoins, mes résultats indiquent que peu de femmes recourent à l’aide directement en lien avec la violence conjugale. Elles consultent plutôt des services généraux pour diverses difficultés (précarité financière, détresse psychologique) et par la suite, elles sont dirigées vers la ressource spécialisée. Les participantes indiquent qu’elles ont apprécié les services rendus par ces ressources. Par contre, le contact avec certains acteurs des institutions a été éprouvant pour certaines. On constate l’importance du lien social, source de soutien instrumental ou émotionnel, tandis que le regard d’autrui et son attitude peuvent également nuire au recours à l’aide.

Chapitre 9 : Discussion

Introduction

Au chapitre précédent, j’ai analysé mes résultats. Paradoxalement, les inégalités sociales créaient des contextes de recours à l’aide indirects, qui éventuellement, permettaient aux femmes d’être dirigées vers les ressources d’aide spécialisées. Dans ce chapitre, je mettrai mes résultats en parallèle avec la littérature pour relever les concordances et les divergences. Par la suite, j’aborderai l’intersectionnalité sous l’angle de ses apports et ses limites.