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Toutefois, la maternité peut aussi constituer un élément facilitateur, comme c’était le cas pour une des femmes qui grâce à ses suivis de grossesse a pu être orientée vers une ressource qui l’a ensuite dirigée vers la ressource spécialisée en violence conjugale. D’ailleurs, certaines femmes qui ont consulté des services généraux ont indiqué que leur condition de mère a accéléré l’accès aux services.

Tout comme la maternité, une situation financière précaire peut faciliter le recours à l’aide, en obligeant le recours à l’aide de divers organismes de services sociaux. Ainsi, une femme explique qu’elle a dû recourir à une aide matérielle lorsque son conjoint a mis un terme à la relation. Cette ressource l’a par la suite mise en lien avec la ressource d’aide en violence conjugale.

98 […] uno se siente culpable porque estas llamando a la policía y los chicos ven, y me da pena que esto lo vean mis hijos […].

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J’ai raconté toute la situation et on m’a dit que ça, c’était une forme de violence et on m’a demandé si j’ai où aller, je n’ai pas où aller, parce que je suis seule à Montréal. […] et j’avais pas d’argent. […] c’était un cas de violence conjugale alors je pouvais avoir accès ici. - Lana.

Une autre femme a dû recourir à un organisme d’aide à l’insertion en emploi qui l’a mise en lien avec la ressource. Elle dépendait financièrement de son conjoint et a dû chercher un travail lorsqu’il l’a laissée (après plusieurs années consacrées à travailler comme femme au foyer). Une autre femme avait déjà eu recours à l’aide d’une psychologue au privé. Toutefois, sa situation financière s’étant dégradée, elle ne pouvait plus se permettre ce type de services. Elle a entendu dire qu’elle pouvait obtenir de l’aide psychologique gratuitement et s’est adressée à un organisme offrant ce type d’aide qui l’a ensuite dirigée vers l’organisme d’aide en violence conjugale. Ces exemples montrent que la précarité financière permet certains recours à l’aide.

Les problèmes de santé mentale offrent également l’opportunité d’être mise en relation avec les ressources d’aide en matière de violence conjugale. Certaines participantes ont dû consulter, car elles ressentaient une grande détresse. Ainsi, Leah dit qu’elle avait eu recours à l’aide, car elle devait survivre et avait dépassé sa « limite » quant à la souffrance qu’elle pouvait endurer. Elle ne voulait pas laisser tomber à cause de lui et c’est ce qui l’a menée à l’hôpital. Elle précise qu’à ce moment, elle n’avait pas identifié la violence. D’autres femmes ont indiqué que leur détresse les avait amenées à recourir à l’aide. Une femme s’était adressée à la police:

J’étais très en détresse… et le lendemain, je suis allée à la station de police, juste pour leur demander, qu’est-ce que je peux faire ? Comment je peux l’arrêter, parce que je ne me sens pas normale, j’ai commencé à pleurer, comme si le monde était fini avec

moi mais j’ai [mes] enfants. Je ne peux pas laisser mes enfants comme ça. Et ils m’ont aidée, ils m’ont dit de venir ici.99 -Rebecca.

Cette « limite » a été évoquée par plusieurs participantes. Lisa indique qu’il lui avait fait une scène à son travail et l’avait menacée. Une femme fait remarquer que dans sa culture, la famille avait une grande importance. Lorsque son conjoint s’en est pris à ses parents, il a enfreint les limites qu’elle s’était fixées par rapport à ce qu’elle pouvait accepter. Pour une autre femme, qui accordait beaucoup d’importance aux valeurs du mariage, c’est lorsque son mari a dérogé aux principes de l’union matrimoniale (c’est-à-dire une relation exclusive) en commettant l’adultère qu’il a atteint la limite de ce que celle-ci considérait comme tolérable.

Stratégies utilisées

Avant de consulter les organismes, certaines ont utilisé diverses stratégies. À l’instar de Lisa, plusieurs ont décidé de ne pas accorder d’importance à ce qu’elles vivaient et ont d’abord opté pour se taire. Leah et une autre femme ont quant à elles fait appel à des ressources (ressource humaine ou institutions) de leur communauté pour faciliter l’accès à l’information dans leur langue.

J’ai appelé parce que je ne savais pas… et j’ai trouvé un avocat dans le journal le journal, le journal de mon pays, et je l’ai appelée: « je ne sais pas ce que je peux faire […] et je ne sais pas comment expliquer aux gens, qu’est-ce que je peux faire, j’ai peur ». 100– Rebecca

99 I was very distressive… and the next day I went to the police station, just to ask them, what can I do? How can I stop him, because I cannot feel normal, I start to cry, like the world is finished with me but I have my […] kids. I cannot leave my kids like that. And they helped me, they told me to come here.

100 I was calling because I didn’t know… and I find a lawyer in newspaper, (country’s) newspaper, and I was calling her: “I don’t know what can I do […] and I don’t know how to explain the people, what can I do, I’m afraid.”

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Une autre a pu trouver du réconfort et faciliter la création d’un réseau social grâce à l’Église. La présence des enfants a permis à certaines de développer des amitiés en fréquentant d’autres parents lors d’activités. Une femme a fait du réseautage en lien avec son travail sur Internet. Toutes ont fait appel à leur entourage, à l’exception d’une seule. La plupart ont eu de l’aide matérielle et instrumentale, entre autres, pour faciliter l’accès au logement.

Quant à la précarité financière, certaines femmes ont eu recours à des organismes pour les aider à s’en sortir. D’autres ont créé leur propre emploi et ont travaillé de la maison pour concilier le travail et la famille.

Recommandations des participantes

La majorité des femmes suggère certaines solutions pour éradiquer la violence ou pour contrer certains obstacles rencontrés. Plusieurs participantes proposent de sensibiliser et d’éduquer la population dans divers milieux et selon les groupes d’âge (incluant les écoles), afin de prévenir la violence et informer, tant pour outiller à l’identifier que pour connaître des stratégies pour s’en sortir. Une femme recommande de poser des affiches dans des lieux qu’elles fréquentent, tels les CLSC, garderies ou écoles :

[…] qu’il y ait des affiches dans les CLSC où on va toujours. Parce que quand on vient juste d’arriver, on va au CLSC. Poser des affiches là [à cet endroit], ou quelque chose, que si on a besoin d’aide, si vous vivez une situation de violence, qu’il y a, que vous ne savez pas où vous adresser, et que vous ne connaissez rien, oui, qu’il y ait des affiches, où aller, où on peut se diriger. […] Et cette information tu aurais pu l’avoir? Oui dans les garderies ou dans les écoles.101.-Lisa.

101 - […] que hayan avisos en los CLSC donde uno siempre va. Porque cuando uno recién llega uno va a un CLSC. Poner ahí avisos o algo de que si uno necesita ayuda si usted se encuentra en una situación donde hay

De plus, certaines participantes pensent qu’en droit familial, les acteurs du système judiciaire pourraient davantage prendre en compte la réalité de la violence conjugale. Ces femmes suggèrent que les séparations en cas de violence conjugale soient traitées en regard de cette problématique. Une femme ajoute qu’ils doivent comprendre qu’elles n’inventent pas d’histoires et devraient se fier aux intervenantes des ressources spécialisées s’ils pensent qu’elles mentent pour arriver à leurs fins.

Un autre aspect facilitateur évoqué concerne l’accès aux services psychologiques pour les mères (soit avec des visites à domicile ou bien en offrant une halte-garderie).

Conclusion

En somme, les participantes à cette recherche présentent des caractéristiques et des profils uniques. J’ai exposé les difficultés rencontrées pour recourir à l’aide, ainsi que les éléments qui ont facilité ce recours. Des femmes ignoraient notamment leurs droits et l’existence des ressources pouvant les aider. Sans compter que plusieurs pensaient que le recours à l’aide mènerait à la séparation et leurs conditions de vie la rendaient impossible. Certaines ont eu de la difficulté à associer leur vécu à de la violence conjugale. De plus, la stigmatisation reliée à l’image de la victime avait suscité de la honte chez certaines

violencia, donde hay, donde no sabe a dónde acudir, ni sabe nada si, que haya avisos, a donde uno ir, a donde uno puede dirigirse. […]

-Esa información tú la hubieras podido tener.

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participantes et freiné le recours à l’aide. La maternité, la barrière de la langue, les attitudes des agents de certaines institutions, ainsi que la crainte de ne pas être bien en maison d’hébergement s’ajoutaient à la liste des obstacles rencontrés. Néanmoins, les femmes ont surmonté ces obstacles, qui d’ailleurs peuvent constituer autant de situations qui finalement peuvent mener vers le recours à l’aide. Ainsi, le suivi de grossesse, les ressources consultées en lien avec leurs difficultés financières ou avec leur détresse psychologique les ont dirigées vers les ressources spécialisées.

J’ai retracé les stratégies employées par certaines avant de recourir à cette aide. Elles tentent de ne pas accorder d’importance à leur situation conjugale, font appel à des ressources privées ou à des ressources dans leur langue ainsi qu’à leur réseau social.

Finalement, j’ai exposé les pistes de solution évoquées pour faciliter le recours à l’aide et prévenir la violence conjugale.

Chapitre 8 : Analyse

Introduction

Au chapitre précédent, j’ai exposé la parole des femmes. Elle nous a permis d’entrevoir leur passé afin de mieux comprendre leurs motifs de recours et de non-recours à l’aide en contexte de violence conjugale. Or, comment leurs difficultés ont influencé leur recours à l’aide au fil du temps et qu’est-ce qui les a aidées à les surmonter? Quand survient le moment propice pour consulter? Comment se déroule le recours à l’aide? Pour répondre à ces questions, j’effectuerai une analyse en trois temps. Je présenterai d’abord le contexte dans lequel la violence se produit, ensuite, le moment décisif qui les entraîne à avoir recours à de l’aide et finalement, je décrirai cette expérience.