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Les traces religieuses dans notre État

Partie I – Contexte relatif aux exemptions de taxes foncières municipales pour les

1 Relation entre l’État et la religion au Québec

1.1 Les origines religieuses de l’État québécois

1.1.3 Les traces religieuses dans notre État

Au Québec, nous retrouvons plusieurs traces de l’importance qu’avait la religion au sein de la communauté. Concrètement, nous pouvons contempler l’aspect religieux dans les noms de rues, de localités, d’hôpitaux, d’écoles, de places publiques ainsi que dans la présence d’églises, de croix de chemin, de monuments, de statues, de sanctuaires et bien plus.

L’importance de la religion au Québec n’est pas à discuter, au contraire, elle est bien visible cette réalité puisque toute municipalité ou presque a une église. Voici quelques statistiques tirées de l’Inventaire des lieux de culte du Québec69 :

Périodes : nombre d’églises catholiques 1671-1700 : 1 1701-1800 : 25 1801-1850 : 66 1851-1900 : 406 1901-1950 : 914 1951-1991 : 691

Entre 2003 et 2004, quelque 4 56770 lieux de culte ont été répertoriés, le tout dispersé à travers

la province de Québec.

Aussi, plusieurs municipalités étaient divisées en deux avec une paroisse et un village, par exemple Saint-Placide, et quelques-unes le sont encore, soit : Notre-Dame-du-Bon-Conseil ou Sainte-Jeanne-d’Arc. En 2019, il subsiste cent quarante-trois (143) municipalités de paroisses au Québec71.

69 UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL, Les églises catholiques du Québec, 2012, en ligne : <http://www.gdcr. umontreal.ca/patrimoine/connaissance/catholicisme/dossier1.html>.

70 MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS, Inventaire des lieux de culte du Québec, en ligne : <http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detailInventaire.do?methode=consulter&id=4&type=inv#.W8N qpGhKjD4>.

71 Décret 1421-2018 concernant la population des municipalités locales, des villages nordiques et des

Ensuite, nous pouvons constater que plusieurs municipalités, municipalités régionales de comté ou circonscriptions électorales possèdent un nom qui comprend un aspect religieux. Tel que le mentionne Me Jean Hétu, dans sa capsule « La toponymie municipale ne sait pas à quel saint se

vouer » : « En 1968, on rapportait que sur les 1652 municipalités du Québec, 763 étaient désignées par des toponymes commençant par le mot “Saint” ou “Sainte”, soit 46 % des municipalités »72. En 2019, ce nombre est de 48973 (dû à plusieurs fusions de petites

municipalités). À cela s’ajoute 28 municipalités dont le nom commence par « Notre-Dame » et 26 autres en lien avec la religion74. Aussi, nous notons que plusieurs noms de municipalités

régionales de comté (M.R.C.) ou de districts électoraux proviennent de personnage marquant de notre patrimoine religieux, comme la M.R.C. Marguerite-d’Youville, en l’honneur de Marie- Marguerite Dufrost de Lajemmerais, veuve de François Youville, une religieuse catholique, fondatrice des Sœurs de la Charité de Montréal, communément appelées Sœurs Grises. Un autre exemple est la circonscription électorale de Sainte-Rose dont le nom est issu de l’ancienne Ville de Sainte-Rose qui fut créée en 1918 en mémoire de Sainte Rose de Lima (1586-1617), une Péruvienne dévouée à sa communauté et première sainte canonisée dans le Nouveau Monde par le pape Clément X en 167175.

Qui plus est, dans son texte Les municipalités à vocation religieuse au Québec, l’auteur Richard Leclerc présente ce que constitue une municipalité à vocation religieuse en ces mots :

« Contrairement aux municipalités laïques, leur gouvernance n’est pas liée à un maire et à un conseil composé d’élus choisis démocratiquement par les électeurs du territoire. En vertu de leur loi constitutive, ces municipalités sont gérées par les représentants désignés de l’association religieuse qui y exerce son autorité. Ainsi, une municipalité est administrée comme une composante de cette communauté. »76

72 Jean HÉTU, « La toponymie municipale ne sait pas à quel saint se vouer », (2013) 13-3 A.J.M. 126, p. 127. 73 Décret 1421-2018 concernant la population des municipalités locales, des villages nordiques et des

arrondissements pour l’année 2019, préc., note 71, p. 7932-7956.

74 J. HÉTU, préc., note 72, p. 127.

75 COMMISSION DE LA REPRÉSENTATION ÉLECTORALE DU QUÉBEC, Les 125 circonscriptions électorales. Origine et

signification des toponymes, Québec, 2015, p. 37, en ligne : <https://lacarte.electionsquebec.qc.ca/docs/origine_ signification_toponymes.pdf>.

76 Richard LECLERC, « Les municipalités à vocation religieuse au Québec », (2011) 77 SCHEC - Études d’histoire

Entre 1855 et 1939, six municipalités à vocation religieuse ont été créées par les parlements du Bas-Canada ou du Québec : Notre-Dame-des-Anges (1855), Sacré-Cœur de Jésus (1892), Saint- Jean-de-Dieu (1897), Saint-Michel-Archange (1897), Saint-Louis-de-Gonzague-du-Cap- Tourmente (1917) et Saint-Benoît-du-Lac (1939)77. Quatre d’entre elles ont pour mission

d’accueillir des établissements hospitaliers, une pour les activités agroforestières, ainsi qu’une abbaye dédiée à la vie monastique et à la production alimentaire. Encore aujourd’hui, il subsiste trois des municipalités initialement formées d’une entité religieuse, soit St-Benoît-du-Lac (population 45 – superficie 2,41 kilomètres carrés78), Saint-Louis-de-Gonzague-du-Cap-

Tourmente (population 2 – superficie 0,50 kilomètre carré79) et Notre-Dame-des-Anges

(population 331 – superficie 0,04 kilomètre carré80). Tandis que les trois autres se sont

fusionnées avec les villes avoisinantes, vers les années 1980.

Également présente dans l’éducation, nos écoles portent souvent le nom d’ancêtres religieux tels que : l’école Saint-Joseph ou l’école Saint-Laurent de Montréal (Frères des écoles chrétiennes soutenus par les Sulpiciens) qui existe depuis 1940 et qui se retrouve maintenant un peu partout à travers le Québec, etc. Nous retrouvons également des couvents de sœurs qui fournissent un enseignement à caractère religieux comme les Ursulines, soit : l’école des Ursulines de Québec et de Loretteville. Qui plus est, plusieurs hôpitaux étaient aussi dirigés historiquement par des religieux ou religieuses : l’Hôtel-Dieu de Montréal, l’hôpital Louis-H. Lafontaine de Montréal, anciennement l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu, Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal et bien d’autres.

À tout cela s’ajoutent des noms de lieux de pèlerinage (Oratoire Saint-Joseph du Mont Royal), des monuments et autres vestiges historiques (Monument de la Foi à Québec) présents dans presque toutes les localités du Québec et un bon nombre de bâtiments municipaux, tels que la

77 R. LECLERC, préc., note 76, p. 102.

78 MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES ET DE L’HABITATION, Répertoire des municipalités, 2018, en ligne : <https://www.mamh.gouv.qc.ca/recherche-avancee/fiche/municipalite/45080/>.

79 Id., en ligne : <https://www.mamh.gouv.qc.ca/recherche-avancee/fiche/municipalite/21015/>. 80 Id., en ligne : <https://www.mamh.gouv.qc.ca/recherche-avancee/fiche/municipalite/23015/>.

Bibliothèque Saint-Jean-Baptiste (ancienne église Saint Matthew) à Québec, le centre communautaire Saint-Joseph à Laval, etc.

Au surplus, notre vie est organisée en fonction du calendrier religieux catholique : le dimanche est un jour de repos, puisque c’est le jour du Seigneur (de la messe) diraient nos grands-parents. Les jours fériés, tels que Noël et Pâques sont aussi des marques de notre culture religieuse.

De plus, plusieurs de nos lois comportent encore aujourd’hui une connotation religieuse historique. Comme le mentionne Marie-Pierre Robert :

« Plusieurs infractions du droit pénal actuel tirent leurs sources du décalogue. Y figure le crime qui est souvent considéré comme le plus grave en droit pénal canadien, soit le meurtre. Remontant au fameux “Tu ne tueras point”, ce crime a acquis un caractère séculier, qui découle de l’universalité et de l’importance attachée au respect de la vie humaine de tous les individus. Le vol découle également des dix commandements, qui prévoyaient “Tu ne déroberas point”, mais

en s’appuyant aujourd’hui sur le respect de la propriété privée, il a perdu son caractère religieux. Il en est de même du parjure : “Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain”, qui est une infraction non plus contre Dieu, mais contre l’administration de la justice. Ces crimes s’appliquent également aux Canadiens de toutes confessions et renforcent des valeurs canadiennes tout à fait laïques. Leurs origines religieuses ne suffisent donc pas à les considérer comme des crimes religieux. »81

[Renvois omis] Cependant, ces infractions s’interprètent en faveur de toutes les religions, donc elles sont protectrices de toutes les religions. Par exemple, le Code criminel82 interdit toute propagande

haineuse83, incluant le génocide à ses articles 318 et 319. De plus, il interdit de gêner ou arrêter

81 Marie-Pierre ROBERT, « Des crimes religieux : aux confluents du droit pénal et de la liberté de religion », (2009) 50 C. de D. (3-4) 663, 675. Elle cite, dans l’ordre : l’art. 229 C.cr.; La Sainte Bible, trad. par Louis Segond, Genève/Paris, Société biblique/Maison de la Bible, 1979, Ex. 20.13; l’art. 322 C.cr.; La Sainte Bible, Ex. 20.15; l’art. 131 C.cr. et La Sainte Bible, Ex. 20.16.

82 L.R.C. 1985, c. C-46.

83 Boucher v. Regem, [1949] B.R. 238, p. 123. Dans ce dossier, le défendeur Boucher a été trouvé coupable d’avoir montré et délivré, dans le but de le faire lire par plusieurs personnes, des pamphlets ayant pour titre: « La haine ardente du Québec pour Dieu, pour Christ et pour la liberté, est un sujet de honte pour tout le Canada », en vertu des articles 133, 134 et 318 C.cr. Il a cependant été acquitté en Cour suprême du Canada, [1951] S.C.R. 265.

un ministre du culte, ou lui faire violence, à son article 176 (1) ou de troubler des offices religieux ou certaines réunions84, article 176 (2) ainsi que tout méfait sur un lieu de culte

religieux, article 430 (4.1). Finalement, un crime à caractère haineux sera toujours un facteur aggravant lors de la détermination de la peine, conformément à l’article 718 (2) (a) (i) C.cr.

Par ailleurs, le Code criminel édicte encore aujourd’hui des crimes manifestement religieux, tels que la bigamie, article 290 et la polygamie, article 293 ainsi que le libelle blasphématoire, article 296. Celui-ci étant directement prévu dans la Bible85 et punissable, selon l’Ancien Testament,

de la mort86. De même, la Loi de l’impôt sur le revenu87, à l’article 8 (1) c), indique que la

résidence des membres du clergé est déductible d’impôt, selon certaines conditions.

Aussi, notre État régit, dans plusieurs sphères, les règles concernant différents aspects de la religion au Québec, en voici quelques exemples : Loi sur la liberté des cultes88; Loi sur la

constitution de certaines églises89; Loi sur les corporations religieuses90; Loi sur les fabriques91;

Loi sur les terrains de congrégations religieuses92; Loi concernant l’Église Adventiste du

Septième Jour — Fédération du Québec93; Loi concernant le monastère des Augustines de

l’Hôtel-Dieu de Québec94.

84 Chaput v. Romain, [1955] S.C.R. 834, p. 865. Dans cette affaire, les officiers de la Police Provinciale du Québec n’étaient pas justifiés d’avoir dispersé une paisible réunion de témoins de Jéhovah dans une résidence privée, alors qu’il n’y avait aucune violation quelconque de la loi par qui que ce soit.

85 La Sainte Bible, préc., note 81, Ex. 20.7.

86 M.-P. ROBERT, préc., note 81, p. 685. L’auteur ajoute en note ceci : « En effet, dans le Lévitique, Dieu parle à Moïse et lui dit: “Quiconque maudira son Dieu portera la peine de son péché. Celui qui blasphémera le nom de l’Éternel sera puni de mort : toute l’assemblée le lapidera. Qu’il soit étranger ou indigène, il mourra, pour avoir blasphémé le nom de Dieu.” - Lév. 24.15-16. ».

87 L.R.C. 1985, c. 1 (5e supp.). 88RLRQ, c. L-2. 89 RLRQ, c. C-63. 90 RLRQ, c. C-71. 91 RLRQ, c. F-1. 92 RLRQ, c. T-7. 93 L.Q. 2002, c. 87. 94 L.Q. 2011, c. 40.

En terminant, un autre indice de la grande implication du clergé dans notre État québécois provient des registres des actes de l’état civil (mariages, décès et naissances), lesquels étaient tenus par les Églises, et ce, jusqu’à l’abolition de la législation leur confiant cette tâche en 199295.

La preuve étant faite de l’importance historique de la religion dans notre État québécois, étudions maintenant l’aspect contemporain de l’ascension des différentes religions : le pluralisme.