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Difficulté à établir la valeur réelle de ces immeubles

Partie I – Contexte relatif aux exemptions de taxes foncières municipales pour les

2 Aspects fiscaux du régime d’exemption de taxes foncières municipales

2.2 Difficulté à établir la valeur réelle de ces immeubles

L’étude de ces exemptions amène plusieurs interrogations surtout au niveau financier. Nous identifions principalement quatre situations qui ont un impact financier sur les données possédées par les municipalités : la sous-évaluation des valeurs inscrites au rôle foncier, l’incapacité d’identifier les limites réelles des unités d’évaluation, la difficulté à valider l’utilisation effective et la multiplication des types d’institutions religieuses et de leurs lieux associés. Voyons à tour de rôle chacun d’eux.

2.2.1 Sous-évaluation des valeurs inscrites au rôle

En effet, nous constatons que plusieurs municipalités ne procèdent pas aux réévaluations systématiques des immeubles détenus par les institutions religieuses pour des motifs de difficultés à établir un prix réel, faute de comparable (vente et utilisation). Aussi, plusieurs estiment que compte tenu des exemptions, il est inutile de faire une réelle évaluation de ces immeubles, aux neuf ans, car il n’y a aucune plus-value à affecter une ressource pour faire ce travail exigeant alors qu’aucun impact financier n’y est rattaché. Les municipalités n’ont aucun intérêt à obtenir une juste valeur actuelle pour ces biens, car l’exercice représente une perte financière pour eux. De plus, les valeurs des terrains sont souvent beaucoup plus basses que le marché puisque le zonage qui leur est attribué est communautaire ou public. Or, un immeuble en zone commerciale très bien situé au cœur du centre-ville sera évalué à une valeur moindre comparativement à son voisin en zone commerciale.

Prenons l’exemple de la Basilique Notre-Dame à Montréal, celle-ci est située en plein cœur du Vieux-Montréal. Au rôle 2017, la valeur de son terrain est de 7 027 800 $ pour une superficie de 6 111 mètres carrés, ce qui équivaut à 1 150 $ du mètre carré. Alors que son voisin, un immeuble commercial ayant une superficie de terrain de 289,90 mètres carrés pour une valeur de 666 800 $, a une valeur au mètre carré de 2 300 $, soit le double. C’est donc dire qu’il y a une réelle sous-évaluation.

De plus, l’article 36.1 de la Loi sur la fiscalité municipale, n’exige pas que le service d’évaluation procède à l’inventaire des bâtiments tous les ans, mais bien qu’au minimum une fois tous les neuf (9) ans. Or, plusieurs plus petites municipalités se prévalent de cette opportunité de ne pas revoir leur rôle d’évaluation tous les trois ans. Cela leur permet d’économiser des frais de visites des immeubles qui doivent être faites par un professionnel (évaluateur agréé).

Aussi, un autre élément à souligner est que certaines municipalités ne procèdent pas sur-le- champ à l’évaluation des nouvelles constructions détenues par les institutions religieuses pour les motifs ci-dessus exprimés, à savoir : difficultés à établir un réel prix faute de comparable, manque de ressources, non-intérêt à investir dans une activité sans aucune plus-value pour la municipalité, etc.

2.2.2 Incapacité d’identifier les limites réelles des unités d’évaluation

Un autre obstacle repose sur le fait que les évaluateurs ont de la difficulté à établir la réelle assiette de terrain utilisée par l’institution religieuse. Cela a pour conséquence qu’une plus grande partie de l’immeuble est exemptée puisqu’il trop onéreux pour les municipalités de contester partiellement une demande acceptée par le Tribunal administratif du Québec. En effet, la somme de taxes exemptées représente généralement un montant moindre que les frais judiciaires requis pour une municipalité pour défendre sa répartition fiscale. Par exemple, une église d’une valeur de 850 000 $ dont les taxes seraient de 1,10 $ pour chaque tranche de 100 $, cela équivaut à un montant de taxes annuelles de 9 350 $. En conséquence, il est bien évident qu’il en coûtera davantage à la ville de contester les limites de l’unité d’évaluation que le gain qu’elle pourrait obtenir devant les tribunaux.

2.2.3 Difficulté à valider l’utilisation effective

L’utilisation effective d’un immeuble réfère à l’utilisation réellement faite. De manière générale, il est accepté par nos tribunaux « qu’il y ait une période de latence ou de réflexion entre une fin apparente et une fin effective d’utilisation »142. Même une utilisation occasionnelle, mais

régulière par les adhérents satisfait les critères de l’article 204143. Cependant, dans l’arrêt Les

Frères Maristesd’Iberville c. Laval (Ville)144, la Cour devait statuer sur une utilisation partielle

d’un Colisée conformément à la Loi sur la fiscalité municipale, et en conséquence, accorda une exemption à la hauteur de 60 % de la valeur au rôle. Puis, dans l’affaire Saiva Mission of Quebec c. Dollard-des-Ormeaux (Ville)145, l’institution religieuse utilisait un terrain vacant voisin du

temple où la règlementation spécifiait un zonage industriel. Alors, le Tribunal administratif trancha en faveur de l’utilisation factuelle et non du concept d’utilisation optimale (prévu aux règles d’évaluation immobilière) pour accorder l’exemption de taxes.

Aussi, lors d’un reportage de l’émission La facture en janvier 2017146, le journaliste François

Dallaire rapportait un cas dans les Laurentides. Il s’agit d’une résidence occupée à demi-année exemptée de taxes foncières puisque le couple quitte le Québec pour un pays du Sud durant l’hiver. En effet, l’immeuble en question est la résidence du ministre du culte du sanctuaire Pont de vie qui compte seulement deux membres (lui et sa conjointe). Cette situation apparaît pour le moins inéquitable pour les contribuables.

142 Syndics apostoliques des Frères mineurs ou franciscains c. Châteauguay (Ville), [1997] no AZ-50000308 (B.R.E.F.), p. 8.

143 Communauté urbaine de Québec c. Pentecostal Assemblies of Canada Inc., J.E. 90-524 (C.Q.), p. 7, (désistement d’appel, (C.A. 1991-04-19) 200-09-000076-908).

144 2014 QCCA 1176, par. 88.

145 2013 QCTAQ 1168, par. 87-92. Au même effet : Les Moniales dominicaines de Berthierville c. Berthierville

(Ville), 2012 QCTAQ 12185, par. 50.

De plus, lorsqu’intervient un changement d’utilisation par l’institution religieuse, le principe bien établi d’immuabilité du rôle147 empêche les municipalités de modifier celui-ci en cours

d’exécution. Et donc, elle devra attendre la mise à jour du rôle pour corriger la situation.

2.2.4 Multiplications des lieux et des types d’institutions religieuses

Aujourd’hui, les institutions religieuses se sont multipliées et non seulement celles-ci détiennent des églises et presbytères, mais elles possèdent également des terrains, des fermes, des campings, des écoles, des lieux de repos, etc.148 Comment établir lesquels sont exempts de taxes

foncières? Aussi, plusieurs exemples de nouveaux mouvements religieux nous viennent en tête, particulièrement ceux dont les journaux ont fait état ou pour lesquels l’exemption nous semble déraisonnable.

En somme, les quelques exemples, discutés plus haut, démontrent la complexité de la question et l’inefficacité des moyens à la disposition des municipalités. Maintenant, voyons quelles en sont les problématiques fiscales.