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Les sectes et les nouveaux mouvements religieux

Partie I – Contexte relatif aux exemptions de taxes foncières municipales pour les

1 Relation entre l’État et la religion au Québec

1.2 Le pluralisme religieux au Québec

1.2.2 Les sectes et les nouveaux mouvements religieux

Les sectes sont des entités qui nous semblent très récentes. Cependant, comme le mentionnent Jean-Marc Larouche, Guy Ménard et Alain Bouchard, elles existent depuis très longtemps :

« Rappelons que les premières études universitaires publiées sur la question des sectes au Québec remontent aux années quarante. En 1948, l’abbé Hervé Gagné, professeur à la faculté de théologie de l’U. Laval, déposait une étude sur les Témoins de Jéhovah pour le compte du procureur de la ville de Québec, Me Ernest

Godbout. Il va sans dire que cet avis était négatif et qu’il présentait les membres de ce groupe comme des ennemis de la démocratie et de la religion et comme des fauteurs de sédition. Gagné concluait d’ailleurs son mémoire par ces mots : “Ce qu’ils enseignent est philosophiquement et théologiquement faux, moralement mauvais. Voilà pourquoi ils ne peuvent même pas être tolérés dans une société chrétienne et qui entend rester chrétienne.” (p. 110) De tels propos peuvent faire sourire aujourd’hui; pourtant, plusieurs publications récentes sur la question des sectes portent encore les mêmes jugements sur ces groupes, mais cette fois non pas au nom d’une société chrétienne, mais au nom d’une société moderne et démocratique. Cette même rhétorique est utilisée par la mouvance anti-secte qui constitue le point de vue le plus véhiculé dans la population, en particulier par les médias. »102

102 Jean-Marc LAROUCHE et Guy MÉNARD, avec la collab. d’Alain BOUCHARD, L'étude de la religion au Québec :

Bilan et prospective, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2001, p. 217, en ligne : <http://retro.erudit.org/ livre/ larouchej/2001/livrel4_div21.htm>.

Les nouvelles religions sont donc le résultat d’une transformation naturelle de l’univers religieux et spirituel contemporain, en réponse à la crise de la modernité. Le texte de Richard Bergeron en parle ainsi :

« La cassure subite des valeurs traditionnelles, l’objectivation de la personne et de l’humain en général, le rapide processus de sécularisation ont subitement privé le Québécois du cadre normatif socio-religieux qui, jusqu’au début des années `’60, donnait sens à ses actions individuelles et garantissait un consensus social. Après une période d’euphorie générée par la libération d’une structure socio-religieuse et d’un cadre éthique jugés opprimants, un sentiment d’inquiétude et d’angoisse s’est abattu comme une pluie froide sur le Québec. Après que la morale du “Y a rien là” et du “c’est cool” eut vite épuisé ses possibilités d’interprétation, on s’est retrouvé Gros-Jean comme devant, avec son angoisse et ses questions, sans cadre de référence théorique pour y faire face. Les nouveaux mouvements religieux viennent s’inscrire dans cette béance et entendent proposer une réponse globale à l’interrogation et à l’aliénation actuelles. »103

[Textuellement de l’original] Qu’en est-il des religions nouvelles, quelles sont leurs bases : divinité, spiritualisme, ésotérisme ou autre? Actuellement, il n’existe pas de théorie valable pour établir une définition opératoire et empirique pour décrire ces nouveaux phénomènes. Il n’existe pas non plus de définition juridique de ce qu’est une « secte » pour légiférer en toute équité sur cette question104. Non

seulement il est difficile, voire impossible, de qualifier ces nouveaux mouvements religieux, groupes spirituels ou sectes qui n’ont parfois que très peu de caractéristiques communes.

Au Québec, terre d’accueil de celles-ci, nous retrouvons une panoplie de ces sectes qui sont représentées par un maître : gourou, chamane, médium, voyant, coach, guérisseur ou autres. Avec un modèle souvent commercial, le maître se fait rémunérer pour ses services. Ce sont ces groupes auxquels on ne peut associer une religion dite traditionnelle que nous ferons référence

103 Richard BERGERON, « Les nouveaux groupes religieux au Québec », (2012) Encyclopédie de l’Agora, en ligne : <http://agora.qc.ca/documents/secte--les_nouveaux_groupes_religieux_au_quebec_par_richard_bergeron>. 104 Dominic LAROCHELLE, La situation des sectes au Québec. Comment aborder la question et quelles attitudes

adopter à cet égard?, (2015) 118-8 Prêtre et pasteur, p. 2, en ligne : <https://croir.ulaval.ca/wp- content/uploads/2015/11/La-situation-des-sectes-au-Qu%C3%A9bec-Larochelle.pdf>.

tout au long de ce texte comme des nouveaux mouvements religieux. Info-Secte traite du sujet ainsi :

« L’être humain manifeste depuis toujours le désir de s’associer à un individu porteur d’un message divin. Il ressent également le besoin de s’associer à d’autres afin de partager des croyances, des pratiques… Comme ces besoins sont présents depuis le début des temps, la présence de groupes nommés “nouveaux mouvements religieux”, “groupes spirituels” ou “sectes”, n’est pas un phénomène récent. Dans l’ère contemporaine, depuis les années 60, ces groupes suscitent une réaction de la part des médias, de la population, des universitaires et de plusieurs gouvernements. Ainsi, pour certains, ces groupes sont des organisations innovatrices qui essaient de répondre aux besoins d’une catégorie de personnes. Par conséquent, elles ne doivent pas faire l’objet d’une surveillance ou d’une attention particulière. Pour d’autres, ces groupes doivent être étudiés voire observer attentivement, afin de mieux comprendre le vécu des membres et d’intervenir auprès de ceux qui sont victimes.

La crainte de ces groupes est périodiquement ravivée par certaines tragédies. Pensons par exemple à celle du Temple du Peuple où 913 membres du groupe de Jim Jones sont morts en Guyane (1978); à la mort violente de membres des Davidiens à Waco (1993); aux meurtres, incendies criminels et suicides commandés commis au sein de l’Ordre du Temple solaire (1994, 1995, 1997); à l’attaque aux gaz sarin dans le métro de Tokyo par les membres du groupe d’Aum Shinrikyo (1995) et au suicide collectif des membres du groupe Heaven’s Gate en Californie (1997). Ces événements dramatiques ont contribué à renforcer l’idée que les “sectes” sont des groupes problématiques, voire dangereux.

Bien que de telles manifestations (négligence, coercition, agression ou suicide) soient des faits rarissimes, ces dénouements existent et reflètent l’existence d’une problématique qu’il est utile d’aborder, ne serait-ce que pour mieux comprendre ces groupes.

Le phénomène des “sectes” est d’abord un phénomène de groupe. Comprendre le fonctionnement des groupes, les interactions entre les membres et les lois entourant les échanges interpersonnels c’est également connaître l’ensemble des organisations reconnues comme des “sectes” ou des “nouveaux mouvements religieux.” »105

105 Mike KROPVELD et Marie-Andrée PELLAND, Le phénomène des sectes : l’étude du fonctionnement des groupes, Montréal, Info-Secte, 2003, en ligne : <http://infosect.freeshell.org/infocult/phenomene/phenomene.pdf>.

De plus, ces nouveaux mouvements religieux ont parfois un gourou guérisseur, ce prophète qui prétend avoir des dons pour guérir les malades. Or, certaines croyances ont des conséquences irréversibles qui peuvent entraîner la mort de ses disciples. Éloïse Dupuis, morte après avoir refusé une transfusion sanguine, car elle faisait partie des Témoins de Jéhovah ou des suicides collectifs de plusieurs disciples de l’Ordre du Temple Solaire, en 1994, 1995 et 1997. Et que dire des pratiques de rituels extrêmes (torture, infliction de blessures, etc.) ou de purification (privation, régime alimentaire limité, conditions de vie inadéquates…). Dans certains cas, il s’agit d’activités illégales impliquant des substances interdites. Dans Assembly of the Church of the Universe c. Frelighsburg (Municipalité)106, l’organisme exerçait des activités contraires à

l’ordre public à cette époque (vénération de l’arbre du cannabis). Aussi, il existe des cultes qui utilisent ou sont fondés sur le sexe comme la Mission de l’Esprit-Saint de Montréal, prônant le mariage à l’adolescence afin d’avoir une famille et qui regroupe plus de trois cents adeptes ou l’adoration du phallus comme le Temple de St-Priape aussi à Montréal, lequel compte une vingtaine de membres. Sans oublier les autres types de sectes qui ont des croyances complètement surréelles, telles que les raëliens (accueil des extra-terrestres) ou le Jediisme (pouvoir de la force), etc. Ce sont là des exemples de questionnement sur les règles, le mode de vie ou les doctrines de certains de ces nouveaux mouvements religieux, lesquels vont parfois à l’encontre des valeurs de notre société.

Et finalement, nous aimerions rappeler que rares sont les sectes dites « dangereuses » qui s’affichent au grand public comme des délinquants. Elles se présentent toutes comme étant une nouvelle forme de vie sociale qui comblera tous les besoins de ses disciples. Or, dans les lieux éloignés et dans l’ombre, ils procèdent à des manipulations spirituelles et quelques fois physiques, sans que personne ne s’en préoccupe. Voilà le réel danger de certains de ces nouveaux mouvements!

En somme, nous conclurons avec une question, notre société est-elle disposée à financer ce type de nouveaux mouvements religieux à caractère dangereux, aux actions illégales ou simplement aux comportements antisociaux?

Après avoir vu l’évolution des religions au Québec et des nouveaux mouvements religieux, il est conséquent de se demander comment s’opère cette diversité dans un État à prédominance de religion catholique.