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Très forte représentation d’étudiants chinois en France

Dans les établissements d’enseignement supérieur en France, la plupart des étudiants étrangers sont historiquement issus des pays francophones, les Asiatiques étaient peu nombreux. À partir des années 2000, on a assisté à une augmentation spectaculaire du nombre d’étudiants chinois (Menesr-Dgesip-dgri-sies et Menesr-depp, 2018).

Aujourd’hui, dans les établissements d’enseignement supérieur français, presqu’un étudiant étranger sur dix est originaire de Chine. Les Chinois représentent en effectifs absolus, la troisième population la plus importante de tous les étudiants étrangers (tableau 8). La Chine est le premier pays qui fournit le plus d’étudiants issus d’un pays non-francophone (Menesr- Dgesip-dgri-sies et Menesr-depp, 2018).

Tableau 8 : Dix principaux pays d'origine des étudiants étrangers dans l'enseignement supérieur français 2017-2018

Pays d’origine Effectif Part en % des étudiants étrangers Évolution (2018-2007) (%)

Maroc 39 855 12 + 24 Algérie 30 521 9 + 37 Chine 30 071 9 + 34 Italie 13 341 4 + 130 Tunisie 12 842 4 + 8 Sénégal 10 974 3 + 8 Allemagne 8 459 2 + 1 Cameroun 6 878 2 + 8 Liban 5 664 2 - 4 Vietnam 5 589 2 - 2

Source: Kabla-Langlois, Ministère de l'Éducation nationale et Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, 2018

Quand nous observons la répartition des étudiants étrangers selon leur type d’établissements (université ou écoles privées19), ceux qui sont issus de la Chine, du Cameroun et du Maroc s’inscrivent moins souvent dans les universités publiques. Par exemple, seulement 49 %

19 Les principales écoles privées de la France sont notamment les écoles d’ingénieur, les écoles de commerce et les autres

écoles diverses (catholiques, art, etc). Les filières dans les écoles privées contiennent précisément : CPGE, STS et assimilés, formation d’ingénieurs, établissements d’enseignement universitaires privés, école de commerce, gestion et comptabilité, écoles juridiques et administratives, écoles supérieures artistiques et culturelles, écoles paramédicales et sociales. Ainsi que les autres écoles de spécialités diverses et les instituts catholiques (Roussel et al, 2015).

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d’étudiants chinois s’inscrivent à l’université, sachant que ce pourcentage augmente à 87 % chez les Algériens.

Tableau 9 : Dix principaux pays d'origine des étudiants étrangers dans les universités françaises, 2017-2018

Rang Pays d'origine Effectifs %

1 Algérie 27 086 87 2 Maroc 26 705 61 3 Chine 16 074 49 4 Italie 9 287 68 5 Tunisie 9 200 68 6 Sénégal 8 624 71 7 Cote d'Ivoire 5 946 74 8 Allemagne 5 849 67 9 Espagne 5 364 70 10 Cameroun 4 374 58

Source : Kabla-LangloisMinistère de l'Éducation nationale et Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, 2018

Les Marocains s’inscrivent plus souvent en formation d’ingénieur, CPGE ET STS. Pareillement, les Chinois s’inscrivent plus souvent dans les écoles d’ingénieurs (7,1 %), dans les écoles de commerce, gestion et comptabilité (6,6 % contre 5,1 pour l’ensemble des étudiants étrangers), ainsi que dans les écoles supérieures artistiques et culturelles (3,6 % contre 1,9 %) (Brouillet et Lutinier, 2010). L’effectif important dans ces cursus précis s’explique par la montée en puissance des formations en anglais en France (Menesr, 2016).

Enfin, les écoles privées attirent de plus en plus d’étudiants, quelle que soit leur nationalité. Comparé avec l’effectif d’étudiants en 1998, le nombre d’inscrits en 2016 a presque doublé (Kabla , Mesri-Sies, Systèmes d’information Sies et Scolarité, 2017).

Certainement, la recherche sur les conditions de réussite des étudiants chinois en France serait un autre sujet, si une part importante effectuait ses études dans des écoles privées. L’éducation est devenue un marché où les écoles privées ont adopté des stratégies différentes. Toutes veulent être ouvertes au monde et attirer les meilleurs étudiants en mobilité. Les écoles de commerce peuvent donner des cours en langue anglaise et concurrencer ainsi les établissements anglais et américains.

Au sein des universités publiques, le nombre de Chinois est juste derrière celui des Algériens et des Marocains. Lorsque l’on observe l’évolution du nombre de Chinois depuis 1998, nous avons constaté que leur effectif a évolué de 1 374 à 16 074 entre 1998 et 2017. L’effectif le plus élevé a été atteint en 2010 (21 031 étudiants). C’est-à-dire qu’entre 1998 et 2010, leur nombre a été multiplié par 15. Depuis, il commence à diminuer. Jusqu’en 2016, leur nombre a diminué de 23 % comparé avec celui en 2010 (Mensr, 1999-2016). Durant la même période d’observation, le nombre d’étudiants asiatiques a été multiplié par 2,5 (de 17 382 en 1998 à 44 784 en 2017). L’effectif des Coréens du Sud en 2017 est presque comparable à celui en 1998 (1 863 contre 1511 respectivement). Quant aux étudiants vietnamiens, leur effectif en 2016 est presque trois fois plus élevé que celui en 1998 (4 111 contre 1 511). Enfin, pour ceux qui sont issus du Japon, leur nombre aujourd’hui est même moins élevé que celui en 1998 (1199 contre 1461 respectivement) (Kabla-Langlois, 2018).

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Graphique 5 : Évolution des effectifs d’étudiants de quatre pays asiatiques dans les universités françaises entre 1998 et 2017

Source : Kabla-Langlois, Ministère de l'Éducation nationale et Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, 2018

La raison du choix restreint à ces quatre pays d’Asie (la Chine, la Corée du Sud, le Vietnam et le Japon) est la disponibilité des données et le nombre important des effectifs observés pour cette durée selon le Mensr.

La proportion des étudiants chinois parmi les étudiants asiatiques évolue de 12 % en 1998 à 36 % en 2017. Concrètement, cette proportion augmente rapidement entre 1999 et 2010, à partir de 2010, elle commence à diminuer légèrement. Pour l’évolution du pourcentage des étudiants chinois parmi l’ensemble des étudiants étrangers, leur part est de 2 % en 1998, elle augmente jusqu’à 7 % de nos jours.

Corée du Sud Viet-Nam Chine Japon 0 5000 10000 15000 20000 25000

Évolution de l'effectif des étudiants des quatre pays asiatiques à l'universités françaises 1998-2017

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Graphique 6 : Évolution de la part d’étudiants chinois dans l’ensemble des étudiants asiatiques et étrangers dans les universités françaises (1999-2018)

Sources : Kabla-Langlois, Ministère de l'Éducation nationale et Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, 1999-2018.

Les étudiants chinois contribuent le plus fortement aux effectifs des étudiants asiatiques en France. Mais pouvons-nous dire qu’ils sont les plus mobiles ? Selon les statistiques de l’Unesco en 2018, le taux de mobilité internationale chez les étudiants chinois est à 2 % parmi l’ensemble des étudiants du pays, ce chiffre augmente à 3,3 % chez les Coréens du Sud et diminue à 0,9 % en Inde. De ce fait, tenant en compte la taille de la population étudiante du pays d’origine, la Chine et l’Inde ne sont pas les plus mobiles.

Au sein des universités, l’effectif d’étudiants chinois (16 074) se situe au troisième rang derrière les Algériens (27 086) et les Marocains (26 705), sachant toutefois que le nombre d’étudiants chinois inscrits diminue depuis 2010 (de 20 752 en 2010 à 16074 en 2018, soit 24 % de moins) (Mensr, 1999-2018). Dans l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, ces cinq dernières années, leur effectif diminue également (de 30 349 en 2012 à 30 071 en 2017, soit 1 % de baisse). Ce sont les étudiants issus de l’Italie (+ 39,7 %), de l’Espagne (+ 25,5 %) et de Côte d'Ivoire (+ 31,7 %) qui augmentent en effectif le plus rapidement dans les établissements d’enseignement supérieur français (Menesr-Dgesip-dgri-sies et Menesr-depp, 2015). Cette stabilisation voire diminution de l’effectif total des étudiants chinois est un résultat de la pré- sélection à l’entrée dans les universités françaises et le durcissement des conditions d’admission. Sachant qu’aux États-Unis, depuis 5 ans, le nombre d’étudiants chinois a augmenté de 134 %. Comparée avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne, la France en a accueilli beaucoup moins. Par exemple, en 2003, le consulat de Chine a délivré 8000 visas étudiants vers la France, ce chiffre est loin derrière l’Allemagne et la Grande-Bretagne, qui en reçoivent entre 15 000 et 20 000 (Becquart, 2017).

Le durcissement des conditions d’admission a des effets bien visibles. La France a fait le choix de privilégier les élèves les plus compétitifs, prenant comme modèles des universités des États-

0,00 5,00 10,00 15,00 20,00 25,00 30,00 35,00 40,00 45,00 50,00

Évolution du % d'étudiants chinois parmi les étudiants asiatiques et l'ensemble des étudiants étrangers dans les universités françaises entre 1999 et 2018

36 % (parmi les étudiants asiatiques)

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Unis (Sztanke, 2005). En 2007, l’Arrangement administratif de reconnaissance réciproque des diplômes et des études a été signé entre la France et la Chine. L’objectif principal est de continuer à attirer les étudiants étrangers en France, mais l’essentiel est d’améliorer le niveau de compétences des arrivants. Ainsi : « Décourager les profils académiques faibles afin

d’éviter que les mauvais étudiants ne chassent les bons et surtout, au mieux de nos moyens, tous ceux dont le profil et/ou le niveau correspondent aux propriétés de notre pays » (Fourmeau,

2010, P.10) « A cet égard, les services de l’ambassade accordent la plus grande importance à

l’avenant à la convention CEF20afin d’encourager les établissements français à prendre

activement en charge (en accord avec le SCAC21) la sélection et le recrutement de leurs étudiants chinois » (Fourmeau, 2010, P.12).

Les étudiants chinois conscients de la grande difficulté de réussite dans les universités publiques françaises, décident d’aller dans les grandes écoles. Selon le journal La Voix du Nord en 2017, la ville de Calais accueille depuis 15 ans chaque année entre 400 et 500 étudiants étrangers en formation en langue française, dont la majorité est issue de la Chine. Pour autant, cette année, six seulement sont venus. Un responsable de formation donne les explications suivantes : « Déjà, les visas donnés par les autorités françaises sont difficiles à obtenir. Ensuite, notre

procédure, à la fac, pour donner un avis à la demande est un peu longue. On observe aussi un appel d’air vers les États-Unis, qui avaient créé les conditions pour attirer les Chinois, mais on peut se demander si cela va durer (en raison de la politique étrangère de Donald Trump). On voit aussi de plus en plus d’écoles privées, en France, qui assurent leurs étudiants de l’obtention de leur diplôme dès lors qu’ils paient leur inscription. Enfin, on peut se demander si on ne paie pas aussi les effets des attentats en France et l’image de Calais renvoyée avec la crise des migrants. Les Chinois, très protecteurs en raison de la politique de l’enfant unique, sont attentifs aux informations véhiculées par les médias anglophones » (Journal Nord Eclair

Sunday, 2017).

En outre, certaines lourdeurs administratives peuvent expliquer aisément ce phénomène. Selon le décret du 31 décembre 1979, dit « Décret Imbert », il y a une procédure de pré-inscription pour les étudiants étrangers qui s’inscrivent pour la première fois dans l’enseignement supérieur en France. Ceci date des années 1970 où la France a connu une augmentation des étudiants étrangers provenant des pays du sud qui semblaient profiter de certaines facilités spécifiques : les droits d’inscription relativement faibles, l’accès à la sécurité sociale, etc. (Bronze et Bertin, 2010). Face à cette augmentation massive des effectifs de ces étudiants provenant des pays du Sud, les établissements français avaient certaines inquiétudes sur leur niveau réel. Le gouvernement doutait que, dans certains cas, ce ne fût pas de l’immigration déguisée. Un doute qu’il a toujours entretenu et les étudiants chinois étaient plutôt considérés comme des travailleurs déguisés en étudiants dans les années 2000 (Coulon et Paivandi, 2008). Certaines mesures ont été prises pour contrôler le flux des étudiants étrangers, qui expliquent la relative diminution du nombre de ces derniers entre 1985 et 1995 (Coulon et Paivandi, 2008).

Au milieu des années 1990, pour répondre à certaines critiques vis-à-vis de la position française pour l’accueil des étudiants étrangers, des bourses ont été mises en place pour attirer les meilleurs étudiants étrangers. Notamment la bourse « EIFFEL », créée en 1998, qui vise les

20 CEF : « Il s’agit d’un dispositif qui permet au candidat à des études en France de bénéficier d’un appui et de conseils pour

l’ensemble de ses démarches jusqu’à la demande de visa et de suivre l’évolution de son dossier électronique », Campus France, 2018

21 SCAC : « Le Service de Coopération et d’Actions Culturelles, un organisme rattaché au consulat de France chargé d’étudier

les dossiers de tous les étudiants qui passent par campus France et souhaitant postuler pour des universités françaises », Ministère de l’éducation et des affaires étrangères, 2018

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étudiants d’Asie et d’Amérique latine. Citons également le programme « France Excellence », qui vise à financer une quarantaine d’étudiants chinois en Master dans diverses disciplines. Le programme « Caiyuanpei », en coopération avec le Conseil de la Bourse de la Chine, vise aux contributions de bourses pour les doctorants chinois (Coulon et Paivandi, 2008).

Malgré tout, au niveau international, l’enseignement supérieur français conserve des lacunes et n’accueille pas au mieux les étudiants étrangers. Comparée avec certaines puissances mondiales sur le marché de l’enseignement supérieur (l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les États-Unis), cette politique reste timide (Coulon et Paivandi, 2008). Plusieurs rapports officiels ont fait des réflexions sur la position de l’enseignement français dans le marché d’éducation mondiale et insistent sur le fait que la France doit accueillir les meilleurs étudiants étrangers. Certaines pratiques doivent être mises en place, notamment l’attribution d’un plus grand nombre de bourses pour les étudiants d’excellence (Coulon et Paivandi, 2008). Enfin, la diminution de l’effectif des étudiants chinois dans les établissements d’enseignement supérieur français est également liée à la baisse de l’âge moyen de ces deniers. Il faut noter que dans les années 1980, la majorité des étudiants chinois partant à l’étranger est déjà au niveau Master ou Doctorat. À partir de 1990, des élèves ont commencé à venir étudier dans les établissements de l’enseignement primaire ou secondaire (Liu, 2014).

L’âge moyen des jeunes Chinois étudiant à l’étranger a baissé de 10 ans entre 1980 et 1990. En 2011, 76 800 lycéens chinois étudiaient à l’étranger, soit 22,6 % de l’ensemble des étudiants chinois à l’étranger. Ils sont en effet de plus en plus nombreux à partir étudier à l’étranger à un stade plus précoce de leur cursus scolaire, afin de ne pas participer aux épreuves du baccalauréat en Chine et, titulaires d’un baccalauréat du pays d’accueil, d’augmenter leurs chances d’entrer dans l’enseignement supérieur de ce pays. Ces jeunes sont souvent issus des grandes villes de l’Est de la Chine notamment Shanghai et Pékin (Wang, Miao, 2015).

Le nombre d’étudiants chinois inscrits dans l’enseignement supérieur français était de 30 349 en 2012 et il est tombé à 29 709 en 2014, soit 2,1 % de moins (Menesr-dgesip-dgri-sies, 2017). En parallèle, le nombre annuel de visas pour études délivrés par l’ambassade de France en Chine a augmenté de 3 % . Ce phénomène est non seulement le résultat de la diminution réelle de la mobilité étudiante vers les établissements d’enseignement supérieur, mais aussi celui de l’augmentation rapide des effectifs entrant dans des établissements d’enseignement secondaire. Khaiat confirme que « si en 2010, l’enseignement secondaire français représentait encore

moins de 20 % de la demande, il représente aujourd’hui 30 % des mobilités éducatives internationales chinoises » (Khaiat, 2016, P.1).

Par rapport à la fiabilité de ces données, Khaiat explique que : « D’importants décalages

peuvent être observés entre les chiffres de la mobilité étudiante chinoise issue du Menesr (Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche), du ministère de l’Éducation chinois et d’autres sources internationales au premier rang desquelles les statistiques publiées chaque année par l’UNESCO et l’OCDE (ces dernières ne prenant généralement pas en compte les formations non-diplômantes) » (Khaiat, 2016, P.1). Il est pour

autant certain que les établissements d’enseignement secondaire français deviennent une nouvelle cible des écoliers chinois.

Pour conclure, l’augmentation spectaculaire du nombre d’étudiants chinois en France ou dans le monde entier tient en grande partie aux bouleversements sociaux, politiques et économiques rencontrés par la Chine depuis les années 1990. La Chine constitue actuellement le premier pays pourvoyeurs d’étudiants en mobilité internationale en valeur absolue. En Asie, en valeur

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relative, ce sont les Coréens du Sud qui partent le plus souvent. D’une manière générale, les Chinois ou les autres Asiatiques choisissent plus souvent les pays anglo-saxons, notamment les États-Unis pour faire leurs études. La France est loin d’être parmi leurs premiers choix. Pour autant, les Chinois constituent la troisième communauté la plus importante d’étudiants étrangers en France.

La réforme en 1978 a ouvert la porte de la mobilité individuelle vers l’étranger. Désormais, non seulement les citoyens chinois sont autorisés à quitter le territoire mais encore les étrangers sont encouragés à investir économiquement en Chine. Cette stratégie est accompagnée du bouleversement de la mentalité selon laquelle partir à l’étranger est considéré comme une sorte de trahison du pays d’origine. Après la réforme, le gouvernement envoie ceux parmi les meilleurs pour étudier à l’étranger et certains jouent des rôles importants plus tard dans différents domaines.

La politique de massification de l’éducation en Chine a permis un grand nombre d’étudiants à accéder à des études supérieures. Mais la qualité globale de l’enseignement n’a pas suivi. De nombreuses universités chinoises délivrent des diplômes qui surestiment les compétences des étudiants. Les examens favorisent le bachotage, les cours devant souvent être appris par cœur, et non l’autonomie, la capacité d’analyse et l’acquisition réelle de compétences. De plus, la qualité des enseignements varie fortement d’une université à l’autre, les universités les plus renommées bénéficiant de davantage de ressources financières qui leur permettent d’offrir une meilleure qualité d’enseignement. Mais le taux d’admission représente seulement 5 % de la jeune génération du même âge. Le quota pour accéder aux universités est plus important dans les grandes villes métropoles et les habitants dans les zones rurales n’ont que peu de place. La politique de l’enfant unique adoptée en 1979 a modifié les structures familiales de sorte que les projections parentales se concentrent désormais sur une descendance très restreinte. En outre, les générations d’enfants uniques ont grandi dans un contexte socioéconomique de plus en plus marqué par la marchandisation et par compétition. Les familles qui se sont enrichies depuis les réformes préfèrent désormais envoyer leur enfant étudier à l’étranger dans des universités affichant un meilleur classement mondial. La compétition des étudiants devient une véritable course entre les familles où chaque parent s’investit au maximum pour améliorer la qualification de leur enfant.

Vingt ans après le lancement des réformes économiques, le marché du travail en Chine est caractérisé par trois processus qui produisent une segmentation. Premièrement, il s’agit de la dualisation de la structure sociale, avec des frontières administratives rigides entre population rurale et population urbaine. Ensuite, il s’agit de la dualisation de la structure économique, qui distingue clairement les secteurs privé et public. Enfin, il s’agit de la dualisation des marchés, qui distingue le statut de travail entre le contrat stable et instable (Li, 2005). La superposition de l’ancien système relevant de l’économie planifiée avec la nouvelle économie de marché a généré des inégalités importantes dans les conditions de vie des Chinois (Roulleau-Berger et Jun, 2017).

A l’époque de Mao Zedong, la bourgeoisie était une classe sociale politiquement honnie. A l’inverse, les Chinois d’aujourd’hui n’hésitent pas à afficher leur réussite sociale, et sont devenus, quand ils en ont les moyens, de grands consommateurs de produits de luxe qui symbolisent cette réussite (Jourdan et Li, 2016). Aujourd’hui, les jeunes générations sont non seulement attirées par la réussite matérielle, mais aussi à l’épanouissement de soi. C’est pour

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cette raison que de nombreux étudiants chinois souhaitent acquérir une expérience à l’étranger, pour découvrir d’autres pays et s’enrichir culturellement (Liu, 2014).

Si la France n’est généralement pas parmi les premiers choix des étudiants chinois, c’est souvent lié à une stratégie individuelle et familiale. Ainsi, on peut supposer que ceux qui étudient en France ont raisons spécifiques qui justifient leur choix. Cette recherche a donc pour objectif de révéler le profil des étudiants chinois en France et d’analyser les raisons de leur choix de mobilité.

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C

HAPITRE

3 :L

A SPECIFICITE DES FEMMES CHINOISES

L’indice d’inégalités de genre (IIG) mis au point par le Programme des Nations Unies pour le Développement22 qui se fonde sur différents indicateurs pour mesurer les inégalités de genre

dans le domaine de la santé, l’autonomisation des femmes et les inégalités sur le marché d’emploi, et ainsi évaluer les différences entre les sexes dans la distribution des progrès. Les indicateurs pris en compte sont : le taux de mortalité maternelle, le taux de natalité chez les adolescentes, le taux de représentation parlementaire, la population ayant au moins commencé des études secondaires chez les 25 ans ou plus et le taux d’activité des 15 ans ou plus, cela pour chacun des deux sexes. Bien que reflétant imparfaitement la situation sociale des femmes, cette indicateur présente l’avantage de donner une mesure quantitative de ces inégalités, et ainsi de comparer les pays entre eux. Ainsi, en 2018, dans l’ensemble des pays du monde, la France se classe en 8e position, la Corée du Sud au 10e rang et le Japon au 23e rang. La Chine n’est qu’en 39e position, cependant légèrement devant les États-Unis qui se situent au 42e rang – notamment parce que le taux de natalité chez les adolescentes y est plus élevé qu’en Chine et la représentation parlementaire des femmes moindre (Nations Unies, 2018).

Dans la littérature occidentale, plusieurs théories sont avancées pour expliquer les inégalités du genre. Par exemple, en 1982, Sonnenfeld et Kotter proposent de comprendre la segmentation